Film d’Irvin Kershner
Titre original : Eyes of Laura Mars
Année de sortie : 1978
Scénario : John Carpenter et David Zelag Goodman
Photographie : Victor J. Kemper
Montage : Michael Kahn
Avec : Faye Dunaway, Tommy Lee Jones, Brad Dourif, Darlanne Fluegel.
Laura Mars : What I’m trying to do is give an account of the times in which I’m living. And I see all kinds of murders; physical, yes, but moral, spiritual, emotional murder. I can’t stop it, but I can show it. I can make people look at it.
Les Yeux de Laura Mars fait partie de ces films qui, en dépit de leurs faiblesses évidentes, possèdent un certain cachet. La beauté, l’élégance et le charisme de Faye Dunaway, la célèbre scène de photo tournée à Columbus Circle et la présence du jeune Tommy Lee Jones et de Brad Dourif font partie des atouts de cette série B très moyenne mais divertissante.
Synopsis de Les Yeux de Laura Mars
Fin des années 70, à New York. Laura Mars est une photographe de mode dont les œuvres, empreintes d’un érotisme et d’une violence stylisés, créent la polémique chez les puritains et les féministes. La veille d’une exposition, elle fait un cauchemar dans lequel elle visualise le meurtre de l’éditrice d’un livre dédié à son travail.
Le lendemain, elle réalise que ce crime est véritablement survenu…
Critique du film
Il ne faut pas regarder Les Yeux de Laura Mars en s’attendant à un grand thriller du cinéma américain des années 70 – qu’il n’a d’ailleurs jamais prétendu être. Ce film est plutôt à ranger du côté des séries B (n’y voir aucun mépris pour le genre). Il emprunte les codes du giallo pour les baigner dans un univers esthétique mi kitch mi classe (Faye Dunaway contribuant très largement à la seconde caractéristique), très ancré dans son époque.
C’est John Carpenter (The Thing, Invasion Los Angeles, et prochainement The Ward) qui est à l’origine du scénario ; la même année que Les Yeux de Laura Mars sortira d’ailleurs son célèbre Halloween (La Nuit des masques en français) qui sera son premier grand succès. S’il y a de bonnes idées dans le script de base, le traitement s’attache surtout à entretenir un suspense un peu facile et cousu de fil blanc. Parmi les aspects intéressants, il y a d’abord le personnage de Laura Mars, dont la démarche artistique – ainsi que l’expérience traumatisante qu’elle traverse dans le film – représente en un sens une prise de conscience aiguë et vertigineuse de la violence physique et morale propre à la société qui l’entoure ; une violence qui l’habite, l’angoisse et qu’elle veut montrer à travers ses œuvres (I can’t stop it, but I can show it
, dit-elle au cours de son interrogatoire par la police). Par ailleurs le scénario égratigne une certaine Amérique, la puritaine, qui se refuse à appréhender cette violence comme un élément de son quotidien, de son histoire et de sa culture. Une Amérique que Carpenter aime bien épingler. Dans Les Yeux de Laura Mars, elle est représentée par tout ces gens qui condamnent les photos érotiques et violentes prises par l’héroïne.
Ces différents thèmes sont survolés au profit d’une démarche résolument tournée vers l’efficacité, visant à faire porter les soupçons du spectateur sur à peu près tous les personnages secondaires du film, et à organiser une intrigue rocambolesque au dénouement tiré par les cheveux. C’est quelque part un peu dommage, mais en même temps, c’est aussi cette absence de prétention et d’ambition réelle qui fait de Les Yeux de Laura Mars un divertissement assumé et non dénué de charme, valant surtout pour son aspect visuel. Non pas que le film soit remarquablement filmé et photographié, mais il est le reflet (à travers les scènes de photo essentiellement) d’une esthétique glamour-trash caractéristique de son époque, qui donne à l’ensemble un cachet bien particulier. Cet aspect est d’une certaine façon le principal attrait de l’œuvre.
Côté réalisation, Irvin Kershner (décédé en novembre 2010), qui est surtout reconnu pour avoir mis en scène L’Empire contre-attaque (le meilleur épisode de la série), fait un travail un peu inégal (les scènes de meurtre en vue subjective ont pris un coup de vieux, toutefois elles étaient peut-être plus impressionnantes à l’époque) mais sait mettre en valeur ses comédiens – et particulièrement Faye Dunaway – à travers des plans réussis et expressifs. Car il faut bien l’admettre, c’est en grande partie la présence sensuelle, élégante et magnétique de l’actrice culte de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn (le film qui la révéla) et Chinatown de Roman Polanski (dans lequel elle venait de tourner) qui tire le film vers le haut (sa célèbre jupe fendue y contribue également). Son regard bleu pâle et saisissant donne tout son sens au titre du film. Son physique et son look toujours aussi classe (elle était déjà d’une élégance inouïe dans le rôle de Bonnie Parker) donnent au personnage une aura que peu d’autres actrices aurait pu apporter. Pour l’anecdote, c’est Barbra Streisand, alors la compagne du producteur du film (Jon Peters), qui devait jouer le rôle de Laura Mars. La célèbre chanteuse et comédienne s’y refusa, mais c’est elle qui interprète la chanson du générique.
Les Yeux de Laura Mars permet également de découvrir un Tommy Lee Jones bien jeune, dans le rôle de l’inspecteur de police. Le chauffeur de Laura Mars est interprété par Brad Dourif, un comédien souvent cantonné aux seconds rôles (comme ici) mais à la filmographie plus que respectable (Vol au dessus d’un nid de coucou de Milos Forman ; Le Malin de John Huston ; La Porte du paradis de Michael Cimino ; Blue Velvet de David Lynch ; Mississippi Burning d’Alan Parker). Notons également la présence de Darlanne Fluegel, qui jouera quelques années plus tard la petite amie de l’inspecteur Chance dans l’excellent Police fédérale Los Angeles, de William Friedkin.
Les deux scènes les plus réussies sont probablement les deux séances photo, qui représentent à elles seules ce qu’est véritablement Les Yeux de Laura Mars : une photographie de mode glamour trash, annonciatrice de la décennie à venir (Tommy Lee Jones porte des pattes d’eph’, mais les looks des mannequins, l’esthétique des photos et la musique du film ont déjà une touche eighties), prise par une icône du cinéma des années 60 et 70. En un sens, la fin d’une époque et l’orée d’une nouvelle. Amusant.
Extrait du film
La célèbre scène de shooting, tournée à Colombus Circle (New York) pendant quatre jours.
A partir d'une idée intéressante de John Carpenter, Irvin Kershner signa avec Les Yeux de Laura Mars un film bancal, truffé de défauts que le passage du temps a rendu plus flagrants encore. Mais d'un autre côté, le film possède un charme indéniable, dû à son côté kitch, à une esthétique ancrée dans son époque et surtout à une Faye Dunaway somptueuse.
5 commentaires
Un petit côté charme désuet très seventies !
Tout à fait d’accord ! Mais on sent aussi la touche 80 je trouve.
« Porno chic » avant l’heure et satire inoffensive du travail d’Helmut Newton.
Ca aussi c’est un film a voir c’est une parodie » les yeux de Laura Mars » the eyes of Laurent Mars » de Bernard Duverger voici le lien : http://bernardduverger.wifeo.com
Je vais aller regarder ça !