Film de Babak Anvari
Pays : Royaume Uni, États-Unis
Année de sortie : 2019
Scénario : Babak Anvari
Photographie : Kit Fraser
Montage : Chris Barwell
Avec : Armie Hammer, Dakota Johnson, Zazie Beetz, Karl Glusman, Brad William Henke
Carrie: You know what I think you want? Nothing. Because there’s nothing there to satisfy. You are a mock person.
Carrie (Dakota Johnson) s’adressant à Will (Armie Hammer) dans Wounds
Wounds, s’il laisse parfois un peu perplexe, confirme que Babak Anvari cherche à créer un sentiment de peur et de malaise sans trop recourir aux ficelles habituelles du genre horrifique.
Synopsis du film
Will (Armie Hammer) est un trentenaire qui travaille comme barman à la Nouvelle-Orléans. Un soir, son amie et ex-compagne Alicia (Zazie Beets) se rend au bar où il travaille avec son nouveau copain Jeffrey (Karl Glusman). Tous trois boivent tranquillement des verres au comptoir, lorsqu’une violente bagarre éclate entre Eric (Brad William Henke), un ami de Will, et un autre client du bar.
Dans la panique, un groupe d’adolescents quitte le bar en oubliant un téléphone portable, que Will décide de ramener dans l’appartement qu’il partage avec Carrie (Dakota Johnson), sa nouvelle petite-amie.
Très vite, des messages bizarres, puis des vidéos franchement inquiétantes, sont envoyés sur le fameux téléphone…
Critique de Wounds
Wounds est le second long métrage de Babak Anvari après Under the Shadow et ces deux films, quoique différents à bien des égards, reflètent le même souci d’aborder le genre fantastique sans dupliquer ses recettes les plus éculées, mais au contraire en affirmant une approche singulière.

Under the shadow utilisait le mythe des Djinns (des créatures surnaturelles issues du folklore du Moyen Orient) pour parler des démons de la guerre et de la révolution islamique dans l’Iran du début des années 80 ; Wounds a de son côté également une portée métaphorique mais elle est moins lisible, moins évidente et d’ailleurs, le film s’est parfois vu reprocher la relative opacité de son récit.

L’une des qualités de Wounds réside dans sa mise en place. Anvari parvient, en assez peu de temps, à nous décrire un quotidien, celui de ce barman à la descente facile qui aime prendre un verre après le dernier, et envers lequel on éprouve d’emblée de la sympathie. Les autres personnages (sa petite-amie campée par Dakota Johnson ; sa copine de beuverie jouée par Zazie Beetz) sont également bien croqués et, une fois son décor planté, le cinéaste (et scénariste) commence à y injecter des touches fantastique et horrifiques, venant dérégler peu à peu une vie en apparence des plus normales.

À la différence de Under the Shadow donc, dont le sujet était assez clair, Wounds joue avec notre perplexité. On est intrigué par le cours des événements, dont on se demande bien quelle direction vont-ils prendre. Comme le cinéaste a pris soin de nous attacher à son protagoniste, cela fonctionne plutôt bien, d’autant qu’Anvari a le sens de l’atmosphère (il est aidé sur ce point par la photo très réussie de Kit Fraser).

Sans utiliser d’effets faciles et en évitant les fameux jump-scare, Anvari instaure un climat d’autant plus inquiétant qu’on ignore, autant que le « héros », quel sens précis donner à tout cela. La peur nait parfois du sentiment d’incompréhension et si Wounds parvient à nous déstabiliser, c’est précisément parce qu’on ne comprend pas exactement de quoi il en retourne, en tout cas de prime abord.

Sans dévoiler le fond de l’histoire qui, d’ailleurs, demeure en partie obscure même après le générique de fin, Wounds est un film qui joue avec des peurs intimes, des angoisses psychologiques, ces « failles » qui existent en chacun de nous et que révèlent les fameuses « blessures » (wounds) auxquelles renvoie le titre du film. Au fil du récit, Will voit en effet s’écrouler ses certitudes de façade, sa décontraction apparente, ses illusions aussi.

C’est dans cette déconstruction vertigineuse que réside l’horreur du film. Une horreur abstraite, celle d’un vide intérieur (tu sais ce que je pense que tu veux ? Rien
, dit Carrie à Will dans une scène clé) ; un vide plus menaçant, encore, qu’une horde de zombies, car il ne suffit pas de s’enfermer à double tour pour y échapper…
Bande-annonce de Wounds
Wounds parvient à poser un cadre et des personnages convaincants. Le film utilise également des ressorts rarement employés pour créer la peur, laquelle repose ici sur un vertige intime davantage que sur les traditionnelles figures de l'épouvante, qu'on nous jette trop souvent à la figure. Sa thématique, si elle demeure donc intéressante, bénéficie cependant d'un traitement un peu bancal, où les pistes inachevées se multiplient ; c'est une chose (positive) de stimuler l'intuition du spectateur, c'en est une autre que de laisser autant de questions sans réponses. Mais il s'agit néanmoins d'un film d'horreur singulier, esthétiquement maîtrisé, qui réussit à étonner et à déstabiliser.
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