Dinner parties from hell : voilà une expression amusante qui nous évoque, à tous, des souvenirs de repas qui ont mal tourné. Elle est utilisée, outre-Atlantique, pour désigner certains films. Nous allons, ici, évoquer quatre d’entre eux.
Quel est le sens de cette expression ?
Traduite littéralement en français, l’expression dinner parties from hell signifie à peu près diners infernaux
.
On l’emploie parfois pour évoquer des films qui mettent en scène des repas, en famille ou entre amis, auxquels on n’aimerait pas particulièrement participer dans la vie réelle. Tensions, règlements de compte, machinations, meurtres… il s’y déroule en effet des choses peu propices à une saine digestion.
S’ils partagent ce point commun bien spécifique, les films concernés brassent de multiples genres cinématographiques, du thriller au drame intimiste en passant par la comédie. Citons ici quatre exemples de dîners infernaux
au cinéma.
4 exemples de films
Un cadavre dans le coffre

Le premier film en couleur tourné par Alfred Hitchcock, La Corde (1948), se passe dans un appartement partagé par deux étudiants, Brandon et Philip, qui y organisent une petite réception. Tout cela pourrait sembler banal, si le buffet dînatoire n’était pas disposé sur un coffre contenant le cadavre d’un innocent, que les deux locataires ont froidement assassiné à seule fin d’illustrer la théorie fumeuse de Philip : l’être humain intellectuellement supérieur aurait le droit, en quelques sortes, de tuer un individu ordinaire, sans autre motif que celui de démontrer sa puissance.
Théorie qui leur aurait été inspirée par les discours d’un ancien professeur quelque peu désabusé et volontiers caustique, campé par James Stewart ; professeur que les deux meurtriers ont d’ailleurs invité pour l’occasion.
Le problème, c’est que Jimmy
a la grande classe, et soupçonne très rapidement que quelque chose cloche, surtout quand l’un des invités (précisément celui qui se trouve dans le coffre) tarde à rejoindre la fête…
Le film est connu pour donner l’illusion d’un long plan-séquence, alors qu’il comporte au total 11 plans (ce qui reste très peu pour un long métrage). L’histoire est surtout prétexte à une réflexion morale et à une critique de l’idéologie nazie, laquelle avait totalement détourné le concept nietzschéen du Surhomme. La Corde marque le début de la passionnante collaboration entre Stewart et Hitchcock.
Des démocrates peu conciliants

Au beau milieu des années 90, la réalisatrice Stacy Title filmait un scénario de Dan Rosen, L’Ultime souper, dont le point de départ est truculent : des étudiants américains en colocation, aux idées résolument progressistes, invitent régulièrement à dîner une personne qu’ils soupçonnent d’être conservatrice. S’ils ne parviennent pas à la faire changer d’avis au cours du repas… ils l’empoisonnent.
Évidemment, si le projet était déjà moralement très discutable à la base, il le devient de plus en plus à mesure que nos jeunes démocrates modèles (parmi lesquels on notera la présence de Cameron Diaz dans son second rôle au cinéma) s’enivrent du plaisir pervers de juger et condamner autrui (idée que reprend un peu le récent The Hunt). Un invité plus malin que les autres, interprété par Ron Perlman, va toutefois leur donner du fil à retordre…
Bombes familiales au menu

Festen (1998) est le premier film tourné selon les 10 règles du Dogme 95, un « cahier des charges » cinématographique créé par Thomas Vinterberg (réalisateur de Festen) et Lars von Trier. Le Dogme était une réaction (radicale) aux superproductions, et plus globalement à tout ce qui contribuait à faire du cinéma un divertissement de masse, davantage qu’une forme d’art. Le mouvement a créé une certaine dynamique, mais il faut reconnaître que ses contraintes constituaient, à terme, une entrave à la créativité ; d’ailleurs, ses propres initiateurs s’en sont éloignés par la suite.
Il faut reconnaître que le sujet de Festen convient plutôt bien aux codes du Dogme 95. La prise de son en temps réel, la caméra à l’épaule, l’unité de temps et de lieu ainsi que les décors naturels sont autant de caractéristiques qui donnent à la réunion familiale décrite dans le film un cachet authentique, presque documentaire.
Résultat, quand l’un des fils de la famille, au beau milieu du repas, prend calmement la parole pour raconter comment son père (dont c’est l’anniversaire) l’a violé à de multiples reprises quand il était jeune garçon, le spectateur est aussi scié que les autres convives.
Mélange percutant de drame et de comédie noire, Festen a fait sensation à l’époque de sa sortie, et reste aujourd’hui l’un des films les plus emblématiques du courant dont il est issu. Vinterberg continue de tourner assez régulièrement, son dernier film datant de 2018 (Kursk, sur le naufrage d’un sous-marin russe).
Lucide ou paranoïaque ?

À la base, ce n’est pas forcément une riche idée de se rendre à un dîner chez son ex-compagne avec sa nouvelle petite amie. C’est pourtant ce que fait Will (Logan Marshall-Green) dans The Invitation, de Karyn Kusama, sorti en 2015.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser sur le papier, ce n’est pas un problème de jalousie ou une quelconque tension amoureuse qui va faire du repas un moment difficile pour Will, mais plutôt la naissance d’un soupçon vertigineux : est-ce que son ex et son nouveau compagnon n’ont pas tendu un piège redoutable à leurs convives ? Leur vidéo de vacances laisse en tout cas craindre qu’ils aient sympathisé de près avec ce qui a tout l’air d’être une secte…
Mais Will se fait peut-être des idées. Après tout, le fait de retourner dans la maison où il a vécu une expérience tragique (la perte d’un enfant) a de quoi troubler sa perception de la réalité.
La réalisatrice excelle dans l’art de créer un climat anxiogène et paranoïaque, et signe ici ce qui est sans doute un des meilleurs thrillers des années 2010. Pour l’anecdote, l’écrivain Bret Easton Ellis confie son admiration pour The Invitation dans White, son dernier livre à ce jour. On le comprend !
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