Film de Craig Zobel
Année de sortie : 2020
Pays : États-Unis
Scénario : Nick Cuse et Damon Lindelof
Photographie : Darran Tiernan
Montage : Jane Rizzo
Musique : Nathan Barr
Avec : Betty Gilpin, Ike Barinholtz, Amy Madigan, Emma Roberts, Ethan Suplee, Hilary Swank
Is that a kimono? That’s appropriation, Richard.
Fauxnvoy (Macon Blair) s’adressant à Richard (Glenn Howerton) dans « The Hunt »
The Hunt dépeint une Amérique post-Trump divisée, chaque camp étant incapable de s’écouter et de débattre autrement qu’en caricaturant l’autre.
Synopsis du film
Une poignée d’individus se retrouvent, après avoir été drogués, dans un coin isolé où ils servent aussitôt de cibles vivantes à de mystérieux hommes armés.
Peu à peu, ils réalisent qu’ils ont quelque chose en commun : leurs idées conservatrices et républicaines (au sens où on l’entend aux USA).
Le bilan s’avère vite lourd du côté des « proies ». Mais Crystal (Betty Gilpin), une ancienne militaire rompue au combat, va considérablement compliquer la tâche des « chasseurs »…
Critique de The Hunt
Le moins que l’on puisse dire, c’est que The Hunt a joué de malchance en termes de distribution. La sortie du film de Craig Zobel, produit par la fameuse société Blumhouse (de Jason Blum), s’est en effet heurtée à deux obstacles successifs : elle a d’abord été repoussée en raison des fusillades de Dayton et d’El Paso (survenue en août 2019), tandis que sa brève diffusion dans les salles obscures (à partir du 13 mars 2020) a été interrompue par le confinement relatif à l’actuelle pandémie de coronavirus COVID-19.
Outre Atlantique, le film semble faire l’objet d’interprétations hasardeuses, certains tentant d’identifier le parti pris politique qu’il cacherait. Si Donald Trump y aurait fait référence (sans le nommer) en des termes peu flatteurs, d’autres ont au contraire argué que le film était pro-conservateur. Ces points de vue contradictoires sont en réalité des contre-sens : d’abord parce qu’on se moque de savoir pour qui vote le réalisateur d’un film ; ensuite parce qu’en l’occurrence, The Hunt renvoie tout le monde dos à dos, et c’est précisément ce qui fait tout son sel.

La bonne idée du film (écrit par Nick Cuse et Damon Lindelof) est d’avoir donné à des démocrates le rôle de chasseurs violents assassinant sans vergogne une poignée de conservateurs sans autre motif que leur désaccord politique et idéologique (idée qui rappelle clairement le film L’Ultime souper). L’inverse aurait évidemment été convenu et sans intérêt ; ici, voir un progressiste massacrer un homme parfaitement innocent puis se disputer avec un complice parce qu’il a utilisé le mot « noir », tenu un propos prétendument sexiste ou fait de la « récupération culturelle » (parce qu’il porte un kimono…) est savoureux en raison du décalage absurde que cela produit. Décalage qui n’est d’ailleurs pas qu’un trait d’humour : il y a de la violence, aussi, dans la manière dont certains progressistes jugent et condamnent verbalement toutes celles et ceux qui n’adoptent pas leurs idées et leur langage à la lettre (c’est ce dont parle d’ailleurs, en partie, le livre White de Breat Easton Ellis).

Cette critique d’une certaine élite intellectuelle bien pensante ne signifie évidemment pas que le film soit pro-conservateurs (encore moins pro-Trump) : il n’y a qu’à voir comment ces derniers sont dépeints dans The Hunt pour écarter d’emblée cette hypothèse. La démonstration est simple : le film de Zobel, d’une façon volontairement outrancière, montre deux extrêmes de la société américaine qui sont complètement embourbés dans des préjugés en tout genre, dans des postures figées et binaires, et qui se méprisent trop mutuellement pour pouvoir débattre, quand le débat est l’une des bases de la démocratie.

On retrouve au casting Betty Gilpin, Hilary Swank et Ike Barinholtz, et il faut souligner ici que ce dernier a réalisé The Oath (2018), film qui d’une manière totalement différente parle exactement du même sujet que The Hunt. Sous son apparence de comédie gore pas finaude, le film, comme The Oath avant lui, dresse un constat sans doute très juste : les électeurs républicains ont élu un président cynique et incompétent (pour rester mesuré…) sur la base d’une nuée d’intox ; tandis que les progressistes sont tellement occupés à mépriser Trump et ses électeurs qu’ils ne convainquent qu’eux mêmes (constat qui d’ailleurs, vaut pour bien d’autres contextes). The Hunt n’est donc pas un énième survival décérébré : drôle et bien rythmé, il délivre un propos acide mais pertinent.
Bande-annonce de The Hunt
The Hunt oppose des conservateurs complotistes et pro-port d'armes à des progressistes snobs obsédés par le politiquement correct, pour mieux montrer que le débat démocratique actuel, aux États-Unis comme ailleurs, est miné par des positions binaires et par des préjugés en tout genre. Il s'agit donc d'une satire efficace et plutôt intelligente, qui ne méritait pas tous les problèmes auxquels sa distribution a été confrontée.
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