Film d’Ike Barinholtz
Année de sortie : 2018
Pays : États-Unis
Scénario : Ike Barinholtz
Photographie : Cary Lalonde
Montage : Jack Price
Musique : Bret Mazur, Cliff Eidelman
Avec : Ike Barinholtz, Tiffany Haddish, Nora Dunn, Chris Ellis, Jon Barinholtz, Meredith Hagner, Carrie Brownstein, Billy Magnussen, John Cho
The Oath est un mélange de comédie noire et de satire politique qui parvient à articuler un discours à la fois engagé et non dépourvu de nuances.
Synopsis du film
Dans un futur proche, aux États-Unis. En réponse à de nombreux mouvements contestataires, le gouvernement fédéral propose aux citoyens de signer un document témoignant de leur allégeance à la nation. La signature, non obligatoire, est possible jusqu’au jour du Black Friday, au lendemain de Thanksgiving.
Chris (Ike Barinholtz) et Kay (Tiffany Haddish), mari et femme, sont bien décidés à ne pas signer ce document qu’ils jugent absurde, malgré les pressions que semblent subir les citoyens réfractaires.
Pour fêter Thanksgiving, ils reçoivent les parents ainsi que la sœur et le frère de Chris, accompagnés de leur conjoints respectifs. Rapidement, les désaccords politiques affleurent et créent une tension grandissante, qui culmine avec la visite inattendue de deux agents du gouvernement, Peter (John Cho) et Mason (Billy Magnussen). La situation va rapidement dégénérer…
Critique de The Oath
C’est l’élection du controversé Donald Trump comme président des États-Unis, à l’automne 2017, qui a été le point de départ du script de The Oath. Peu de temps après l’élection, Ike Barinholtz – dont les idées se situent de toute évidence plutôt du côté démocrate – a constaté à différentes occasions (y compris celle d’un repas de famille visiblement houleux) que cet événement créait une tension et une division très fortes au sein de la société américaine, probablement davantage que les précédentes élections ne l’avaient fait (tout simplement parce que la politique, mais aussi la personnalité et le comportement de Trump divisent particulièrement). Il a donc eu l’idée, pour son premier film comme réalisateur (on le connait initialement pour sa participation à des spectacles et films majoritairement comiques), d’une comédie dystopique explorant ce phénomène de division et ses différents impacts aussi bien à l’échelle collective qu’intime et familiale.
À partir du fameux serment (« oath ») auquel fait directement référence le titre du film, le cinéaste (mais aussi scénariste et interprète principal) entreprend de montrer les différentes positions, plus ou moins assumées, que les membres d’une famille américaine adoptent à son égard.
La réussite de The Oath tient à plusieurs choses. D’abord, le film n’est pas binaire ; par exemple, le démocrate convaincu incarné par Barinholtz, s’il reflète très probablement la sensibilité politique de l’auteur, est régulièrement égratigné par le scénario, notamment quand il se montre plus ou moins incapable de respecter les opinions d’autrui (quand elles divergent des siennes) ou encore quand il en vient, face à des circonstances extrêmes, à envisager des solutions qui le rapprochent, fort ironiquement, des attitudes (violentes) qu’il est le premier à condamner d’ordinaire.
Autour de lui gravitent des personnages tantôt truculents (voire volontairement assez caricaturaux, mais toujours crédibles), tantôt plus nuancés (à l’image de Kai, la femme de Chris, très bien interprétée par Tiffany Haddish), tandis que Barinholtz parvient à concocter un huis clos équilibré qui amuse le spectateur tout en dégageant, par moment, une véritable tension ; et le fait que le film fonctionne sur ces deux registres n’est pas le moindre de ses atouts.
Au final, The Oath illustre les contradictions des uns et des autres tout en critiquant, de façon assez explicite, l’atteinte à la liberté d’expression et un certain patriotisme primaire dont Trump a régulièrement témoigné (par exemple, quand il a pointé du doigt le joueur de football Colin Kaepernick pour être resté assis, en signe de protestation, pendant l’hymne national). Sans laisser un souvenir mémorable, le film, maîtrisé en termes de rythme, de ton et de mise en scène, s’affirme donc comme un divertissement plutôt malin, qui incite à suivre les prochaines réalisations de son auteur.
Pour son premier film comme réalisateur, Ike Barinholtz réussit, avec The Oath, à exprimer son esprit critique à l'égard de la présidence américaine actuelle, tout en pointant intelligemment les contradictions et les difficultés à communiquer propres à chaque citoyen, indépendamment de sa sensibilité politique.
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