Film de D. J. Caruso
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2007
Titre original : Disturbia
Scénario : Christopher Landon et Carl Ellsworth
Photographie : Rogier Stoffers
Montage : Jim Page
Musique originale : Geoff Zanelli
Avec : Shia LaBeouf, David Morse, Sarah Roemer, Carrie-Anne Moss
Modeste relecture de Fenêtre sur cour à la sauce adolescente, Paranoïak est un divertissement plutôt bien mené, qui contribua à développer la popularité de Shia LaBeouf.
Synopsis du film
Le jeune Kale Brecht (Shia LaBeouf) broie du noir : un an plus tôt, il a perdu son père Daniel (Matt Craven) dans un terrible accident de voiture. Aussi quand son professeur d’espagnol le charrie un peu, il perd son sang froid et lui décoche un coup de poing.
Au terme du jugement qui s’ensuit, Kale est condamné à la résidence surveillée. S’il sort de chez lui, le bracelet électronique fixé à sa cheville droite envoie une alerte à la police. Le jeune homme s’ennuie ferme, d’autant plus que sa mère Julie (Carrie-Anne Moss), lassée par sa passivité, le prive de télévision et de Xbox. Kale commence alors à s’intéresser à son voisinage, dont il observe les comportements à l’aide d’une paire de jumelles.
Jusqu’au jour où une jolie blonde tout juste arrivée dans le quartier, ainsi qu’un inquiétant voisin aux activités nocturnes suspectes, vont chacun à leur manière donner un sérieux coup d’accélérateur à ce quotidien un peu morne…
Critique de Paranoïak
Lors de sa sortie en 2007, Paranoïak (encore un ridicule titre français, mais passons) remporta un vif succès au box office américain, succès d’ailleurs relativement inattendu : pas de star au casting (à l’époque, Shia LaBeouf n’était pas très connu), ni derrière la caméra (les deux précédents films de D. J. Caruso s’étaient soldés par des échecs critiques et commerciaux) ; quant à la trame, efficace, elle ne garantissait pas pour autant un tel enthousiasme du public (et d’une partie de la critique, plutôt favorable au film).
Paranoïak a été entre autres financé par Dreamworks Pictures, la célèbre société de production lancée en 1994 par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen. C’est d’ailleurs le réalisateur des Dents de la mer qui a fait en sortes que Shia LaBeouf soit short listé pour le casting du rôle principal, parce qu’il avait été séduit par la prestation du jeune homme dans La Morsure du lézard (2003), avec Sigourney Weaver. L’acteur peut lui être reconnaissant de cette attention : le succès au box office de Paranoïak, bientôt suivi par celui de Transformers (avec le même Shia LaBeouf, et toujours Dreamworks aux manettes), fut clairement un tournant dans sa carrière.
Une relecture de Fenêtre sur cour…. façon teen movie
Le scénario, signé Christopher Landon et Carl Ellsworth, fait explicitement référence à Fenêtre sur cour (1954), dont il reprend l’idée principale – idée que l’on doit dans l’absolu à Cornell Woolrich, auteur de la nouvelle dont le classique d’Hitchcock est la brillante adaptation. Cette filiation valut d’ailleurs un procès à Dreamworks, qui ne possédait alors pas les droits de la nouvelle de Woolrich ; procès que la compagnie remporta, ce qui s’explique fort bien étant donné les différences flagrantes au niveau du contexte, des personnages et du développement.
Et du traitement, d’ailleurs : fans de sir Alfred, ne vous emballez en effet pas trop vite à l’idée du lien entre Fenêtre sur cour et Paranoïak. Il est certes évident, et d’ailleurs assumé (et pour cause, LaBeouf et Caruso regardèrent Fenêtre sur cour, mais aussi Conversation secrète, Les Chiens de paille et Un Monde pour nous pendant la préparation du film), mais Paranoïak est clairement un mélange entre deux genres, à savoir le thriller et le teen movie, et il n’est pas certain que la recette plaise à tous les cinéphiles un peu puristes. Pour autant, elle contribue au charme du film, et explique très probablement son succès commercial – d’ailleurs, c’est un public d’adolescents qui le récompensa de trois prix au Teen Choice Awards.
Un divertissement bien mené mais qui reste assez superficiel
Le film démarre assez brutalement par la mort accidentelle du père du protagoniste, à laquelle celui-ci assiste. Un saut d’une année en avant nous montre ensuite le jeune Kale, que l’on devine encore totalement déprimé par cet événement, en découdre avec un professeur d’espagnol dénué de tact, ce qui lui vaudra d’être placé sous surveillance électronique à domicile. Pas de jambe dans le plâtre, comme le journaliste campé par James Stewart dans Fenêtre…, mais la même impossibilité de se déplacer avec, en prime, le poids d’une tragédie familiale sur les épaules.
Un background intéressant mais que le scénario met assez rapidement de côté, quand il aurait été sans doute judicieux de l’exploiter pour, par exemple, développer une dimension initiatique (induite par l’absence du père), ou simplement pour enrichir les enjeux dramatiques de l’histoire. En l’occurrence, le déroulement ne s’embarrasse pas trop de ce genre de considérations, tout comme il laisse une place assez modeste au personnage de la mère, pourtant prometteur et campé par la belle actrice canadienne Carrie-Anne Moss. L’ami du héros, joué par Aaron Yoo, est l’archétype de l’étudiant gaffeur et cancre souvent présent dans les campus movie, tandis que la jolie voisine campée par Sarah Roemer est carrément l’incarnation d’un certain fantasme adolescent, largement conditionné par les couvertures des magazines (la blonde sculpturale, sans un gramme de trop). Dans le rôle de l’inquiétant voisin, David Morse succède à Raymond Burr, le suspect espionné par Stewart dans Fenêtre sur cour. Morse, qui selon LaBeouf ne parlait pas à ses partenaires sur le tournage pour mieux rester dans son personnage (he’s a method actor […]
), compose un personnage de sadique pervers assez caricatural.
Paranoïak déroule donc son histoire avec efficacité mais en ne faisant qu’effleurer les thèmes du voyeurisme (on n’est pas dans Body Double, autre film inspiré de Fenêtre sur cour) et le deuil vécu par son protagoniste, deuil qui est pourtant le point de départ du scénario. Mais le film tire sans doute de cette relative superficialité une partie de sa fraîcheur, de cette légèreté qu’on aurait tort de bouder, d’autant que la réalisation de Caruso est très correcte, que l’interprétation est convaincante (LaBeouf et Carrie-Anne Moss en tête) et que le scénario, qui réserve quelques moments assez drôles, est dans l’ensemble bien équilibré.
Et n’oublions pas la musique du film, laquelle, comme dans tout teen movie digne de ce nom, égrène quelques hits de l’époque. La sélection est plutôt de bon goût, puisqu’elle comprend l’ultra-efficace Taper Jean Girl des Kings Of Leon, mais aussi l’amusant Because I Got High d’Afroman, et même une jolie et célèbre ballade des années 70, Lovin’ You (chantée initialement par Minnie Riperton).
Malgré sa connexion avec l'un des plus célèbres films d'Hitchcock (Fenêtre sur cour), Paranoïak est avant tout un pur divertissement, un teen movie qu'il ne faut pas chercher à décoder outre mesure. Une bonne musique, une atmosphère agréable, des comédiens talentueux et un savoir-faire évident font que tout cela se suit avec plaisir, même s'il y avait probablement dans le scénario matière à épaissir un peu les personnages et à renforcer les enjeux. Au final, on comprend l'enthousiasme du public et notamment des jeunes pour un film qui, si limité qu'il soit, parvient plutôt bien à doser l'équilibre entre thriller hitchcockien et film pour adolescents.
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