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Body Double
Policier / Thriller 1

Body Double

Par Bertrand Mathieux · Le 24 mars 2011

Film de Brian De Palma
Année de sortie : 1984
Pays : États-Unis
Scénario : Brian De Palma et Robert J.Avrech
Photographie : Stephen H.Burum
Montage : Gerald B. Greenberg, Bill Pankow
Musique originale : Pino Donaggio
Avec : Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry, Deborah Shelton.

Holly Body: Fucking freaky actors! That’s what there is here. Masochist directors! I should’ve known when he didn’t know what a cumshot was.

Avec pour principal thématique le cinéma et ses mécanismes, Body Double s’affirme comme une œuvre aussi singulière que la Chemosphere, la fameuse maison octogonale qui constitue l’un des principaux décors du film.

Synopsis de Body Double

Los Angeles, années 80. Jake Scully (Craig Wasson), un acteur de séries Z, surprend sa compagne au lit avec un autre homme. Il est ensuite renvoyé du tournage de son dernier film (dans lequel il interprétait un vampire), sa claustrophobie l’empêchant de tourner des plans dans un cercueil.

Sans domicile (il habitait chez sa petite amie) et sans emploi, Jake croise un autre comédien, Sam Bouchard (Gregg Henry), sur des castings. L’homme lui propose de squatter la maison qu’il sous-loue à un ami pendant son absence, une bâtisse ultra-moderne de forme octogonale. Avant de s’absenter, Sam Bouchard confie à Jake que chaque soir, une troublante voisine s’adonne à une séance de plaisir solitaire ; une longue-vue, disposée près de la baie vitrée, permet d’apprécier le « spectacle ».

Au cours de ses petites séances de voyeurisme quotidiennes, Jake remarque la présence d’un homme inquiétant, qui rôde autour du bâtiment où habite la jeune femme…

Critique du film

Body Double, un film sur le cinéma

Sorti un an après Scarface (du même De Palma), le remake du film éponyme de Howard Hawks, Body Double reçut à l’époque un accueil critique plutôt mauvais qui n’épargna que la jolie Melanie Griffith, récompensée par la National Society of Film Critics pour sa prestation dans le film.

Mais à l’image du méchant dont le masque tombe à la fin du film, et du protagoniste qui passe du statut de loser à celui de « héros », Body Double a révélé depuis un autre visage : celui d’un film culte empreint des influences et du style de son auteur, l’inégal mais brillant Brian De Palma.

Melanie Griffith dans "Body Double"

Holly Body (Melanie Griffith) dans « Body Double »

Certes, cette réputation flatteuse est en partie due à l’atmosphère si typiquement eighties du film – on y croise tout de même Frankie Goes to Hollywood interprétant son fameux tube Relax -, ainsi qu’aux décors mythiques utilisés par le metteur en scène, dont le plus marquant est la Chemosphere. Cette surprenante demeure octogonale, conçue par l’architecte John Lautner en 1960, est considérée comme l’une des maisons les plus modernes au monde. C’est depuis cette bâtisse aux allures de soucoupe volante que Jake Scully (Craig Wasson) reluque sa charmante et démonstrative voisine.

La Chemosphere dans "Body Double"

La Chemosphere dans « Body Double »

Mais ces aspects, si importants soient-ils, n’expliquent pas à eux seuls la (relative) reconnaissance dont bénéficie le film aujourd’hui. Body Double est en effet davantage qu’un énième thriller à l’intrigue rocambolesque (et peu crédible) : c’est surtout – à l’image de Blow Out du même De Palma – un film sur le cinéma, très cohérent à sa manière.

Film sur le cinéma donc, comme en témoigne son scénario et sa structure. D’abord, nous avons comme « héros » un acteur de séries Z (interprété par Craig Wasson) qui est renvoyé par son metteur en scène en raison de sa claustrophobie. Exclu (à proprement parler) de l’univers du cinéma, Jake Scully se retrouve dans une position de spectateur-voyeur quand il se met à regarder, à l’aide d’une longue-vue, une voisine quelque peu exhibitionniste. Le clin d’œil au magistral Fenêtre sur cour, d’Alfred Hitchcock, est ici d’autant plus évident que Brian De Palma a toujours revendiqué cette influence ; le film cite aussi Vertigo du même Hitchcock (dont le protagoniste souffre de vertige, tandis que Scully est claustrophobe), lequel est probablement le film préféré de De Palma. Le thème du voyeurisme est par ailleurs ici directement lié à l’art cinématographique (De Palma a toujours mis en avant cette relation dans ses propos), comme l’illustrait à sa manière Le Voyeur (1960) de Michael Powell, mais également les deux films d’Hitchcock dont il était question à l’instant.

Craig Wasson dans "Body Double"

Jake Scully (Craig Wasson) dans « Body Double »

Nous avons donc un acteur qui devient spectateur de ce qui (le film nous l’apprendra) est une pure mise en scène (donc un spectateur de cinéma), le même homme redevenant acteur (dans la réalité, cette fois) à partir du moment où il se met à agir et ne se contente plus de regarder de sa fenêtre.

Enfin, Jake finira par retrouver les plateaux de tournage, après avoir au passage affronté ses angoisses (celles-là même qui avaient causé son renvoi au début). Ce processus évoque le métier de comédien, souvent incité à puiser en lui-même pour composer des émotions (une scène de Body Double illustre d’ailleurs directement cette technique). De ce point de vue, l’enjeu même de Body Double est intimement lié au cinéma. Nous avons donc ici une structure découpée en différentes phases et qui forme une boucle. Le début et la fin de cette boucle étant un plateau de cinéma, on en déduira que ce dernier est le sujet, l’essence même du film.

La scène du tunnel dans "Body Double"

La scène du tunnel dans « Body Double »

Le passage du statut de spectateur à celui d’acteur renvoie à un fantasme dont traitera à sa manière Woody Allen dans La Rose pourpre du Caire (1985), qui raconte une idylle fantastique entre un personnage de film et une spectatrice (incarnée par Mia Farrow). On songe aussi à un réflexe récurrent dans le cinéma d’épouvante (qu’apprécie De Palma), à savoir celui qui consiste à « alerter » un personnage d’un danger imminent dont il n’est pas conscient (ce que fait Jake Scully dans la plus célèbre séquence de Body Double).

L'Indien dans "Body Double" : un personnage plutôt inquiétant.

L’Indien dans « Body Double » : un personnage plutôt inquiétant.

Ce qui est amusant dans Body Double, c’est que le film fait déambuler le spectre d’Alfred Hitchcock dans un univers largement imprégné par la série B, genre que Brian De Palma tourne en dérision avec une affection perceptible et sans élitisme aucun. Body Double se clôt d’ailleurs sur une avantageuse paire de seins filmée en gros plan, recouverte d’un flot improbable de sang rouge vif ; un final en forme de pied de nez à une certaine intelligentsia du cinéma. Le titre du film dans lequel joue le personnage incarné par Mélanie Griffith est d’ailleurs Holly Does Hollywood (« Holly se fait Hollywood »), et c’est à se demander si cela ne renvoie pas à la position du cinéaste (même si c’est aussi le pastiche d’un vrai titre de film X, Debbie Does Dallas).

Melanie Griffith et Craig Wasson dans "Body Double"

Holly Body (Melanie Griffith) et Jake Scully (Craig Wasson)

Le casting, la BO et la photographie du film

Un petit mot pour Melanie Griffith (Night Moves ; Working Girl ; Something Wild), à la voix (une autre bonne raison de regarder les films en version originale) et au physique irrésistibles ; pour Craig Wasson, qui trouva dans le film l’un des rôles les plus importants de sa carrière (avec celui qu’il tient dans Four Friends, d’Arthur Penn, sorti 3 ans avant Body Double) ; pour ces « gueules » que l’on croise dans plusieurs films de De Palma des années 80, comme par exemple Dennis Franz (réalisateur de séries Z dans Body Double ; complice lubrique de Nancy Allen dans Blow Out) ; pour la musique de Pino Donaggio, compositeur fétiche de Brian De Palma (il composa également la BO de Carrie et Blow Out), dont la partition colle magnifiquement aux intentions du réalisateur (à l’image de la petite musique entêtante et rituelle qui se déclenche à chaque séance de voyeurisme) : tout cela contribue largement au charme de l’ensemble.

Sans oublier le chef opérateur Stephen H. Burum, qui a travaillé notamment sur The Outsiders et Rusty James (deux longs métrages de Francis Ford Coppola, le second étant l’un de ses chefs d’œuvre, d’ailleurs magnifiquement photographié) mais également sur Les Incorruptibles et L’Impasse, du même Brian De Palma.

La musique de Body Double

Le fameux thème intitulé Telescope, composé par Pino Donaggio pour Body Double :

8 Note globale

Moins dramatique que Blow Out mais proche de ce dernier dans son rapport au cinéma, Body Double pourra déconcerter par son côté kitch et par des scènes grotesques (le baiser sur la plage). Mais ces grosses ficelles dissimulent un hommage jubilatoire au cinéma, à ses mécanismes et aux fantasmes qu'il suscite. Une mise en abîme aussi habile que divertissante.

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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

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Un commentaire

  • Jean-Pascal Mattei dit : 12 août 2013 à 15 h 27 min

    « Double De Palma », le remarquable livre de Susan Dworkin, suit le réalisateur au long du tournage. Conçu comme une réponse provocante face aux critiques et aux reproches de misogynie, le film devait s’inspirer de la vie d’Annette Haven, « star du porno » des années soixante-dix, un temps pressentie pour le rôle d’Holly puis doublure de Melanie Griffith (et donc de Deborah Shelton !). Finalement, De Palma choisit l’approche plus légère de la comédie noire, après sa découverte d’une « grande souffrance » chez l’actrice mal-nommée.
    Accessoirement, le film préféré de Patrick Bateman, le héros d’« American Psycho » de Brett Easton Ellis, qui donne une variante du meurtre à la perceuse.

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