Film de Sydney Pollack
Année de sortie : 1972
Pays : États-Unis
Scénario : John Milius et Edward Anhalt, d’après Mountain Man by Vardis Fisher
Photographie : Duke Callaghan
Montage : Thomas Stanford
Musique : Tim McIntire, John Rubinstein
Avec : Robert Redford, Will Geer, Allyn Ann.
Jeremiah Johnson est un beau film réalisé par Sydney Pollack et co-écrit par John Milius, directement inspiré de la vie du trappeur américain John Johnson.
Synopsis de Jeremiah Johnson
Milieu du 19ème siècle. Jeremiah Johnson (Robert Redford), ancien militaire, décide de partir vivre seul dans les montagnes. Il rencontre un vieil homme surnommé « Griffe d’ours » (Will Geer) qui l’initie au métier de trappeur et aux coutumes des différentes tribus indiennes.
Critique du film
Jeremiah Johnson s’inspire d’une partie de la vie de John Johnson, un « mountain man » américain devenu légendaire pour des raisons que je ne dévoilerai pas ici, afin de ne rien révéler du film (lire L’Histoire de Liver-eating Johnson, sur Wikipédia).
Même si le personnage interprété par Redford semble moins « dur » que l’homme dont il est inspiré, Jeremiah Johnson procure une véritable impression d’authenticité, due à la justesse et à la sobriété du scénario ainsi qu’à des décors magnifiques (le film fut entièrement tourné dans l’Utah) dont le réalisateur Sydney Pollack a su tirer le meilleur parti, composant des images remarquables.
Le scénario a été écrit par John Milius et Edward Anhalt. John Milius – réalisateur entre autres du célèbre Conan le Barbare, et de Dillinger, avec Warren Oates – a également travaillé sur le scénario de plusieurs films, outre Jeremiah Jonhson ; il écrivit notamment en collaboration avec Francis Ford Coppola et Michael Herr le superbe Apocalypse Now (d’après le roman de Joseph Conrad). En 1972, soit la même année que Jeremiah Johnson, fut porté à l’écran un autre de ses scénarios inspiré par un personnage américain légendaire, le juge autoproclamé Roy Bean, que Paul Newman incarna dans le film de John Huston The Life and Times of Judge Roy Bean. Ce qui est intéressant, c’est la différence entre les approches que Milius adopta pour chacun de ces films, tous deux inspirés de faits authentiques : très (trop?) fantaisiste, voire volontairement grotesque, en ce qui concerne le film de Huston – l’un des moins bons du réalisateur des Gens de Dublin et de Reflets dans un œil d’or – et beaucoup plus sobre et réaliste pour Jeremiah Johnson. Edward Anhalt, quant à lui, travailla notamment sur L’Étrangleur de Boston, brillant film de Richard Fleischer.

Jeremiah Johnson (Robert Redford) accueilli par les indiens.
Le film s’attache donc – et y parvient parfaitement – à rendre compte de la vie d’un trappeur dans les montagnes de l’Utah, à la moitié du 19ème siècle. De nombreuses séquences montrent simplement le quotidien de Johnson : on le voit chasser, pêcher, faire du feu, se déplacer dans un environnement aussi superbe que difficile, éprouvant et dangereux, et faire quelques rencontres avec d’autres trappeurs et des indiens. Ces derniers sont d’ailleurs très intelligemment traités ; si de nombreux westerns américains de l’époque avaient déjà renoncé à une approche manichéenne (voir Josey Wales hors-la-loi, de Clint Eastwood), Jeremiah Johnson va plus loin en évoquant les mentalités, la culture et les coutumes propres aux différentes tribus qui vivent sur le même territoire que Johnson. La peinture est des plus nuancée ; tantôt accueillants, tantôt dangereux, souvent les deux à la fois, ils sont représentés d’une manière très réaliste et c’est l’une des qualités du film.
Mais plus généralement, la grande réussite de Jeremiah Johnson est de faire vivre à l’écran ces montagnes sauvages ; leur climat, leur atmosphère, leurs paysages, leur dimension en un sens mystique, ainsi que les animaux et les hommes solitaires qui la peuplent, tous habités par l’environnement dans lequel ils évoluent. Le film évite toute forme d’idéalisation : si la vie dans les montagnes a quelque chose de beau et de noble, elle est également parfois âpre et pénible ; elle n’échappe pas à la violence des hommes et la mort ne semble jamais très loin.
La réalisation de Sydney Pollack et la présence de Robert Redford contribuent largement à la qualité de ce beau film authentique. Les deux hommes se retrouveront d’ailleurs par la suite dans deux autres très bons films, Les Trois jours du Condor et Out of Africa, dans lequel Pollack démontrera à nouveau son indéniable talent pour filmer les paysages.
Collaboration réussie entre trois grandes figures du cinéma américain (John Milius, Sydney Pollack et Robert Redford), Jeremiah Johnson est à la fois une ode à la nature et un film dur et âpre, qui montre que même en fuyant la société, l'homme n'échappe pas à la violence et doit lutter pour survivre.
8 commentaires
Belle critique, comme la plupart de celles que vous avez pondu sur ce blog, et que je partage sensiblement.
Bien vu aussi cette note appuyée sur Milius, excellent scénariste et réalisateur.
Note hors contexte:
Je suis tombé sur votre blog suite à une revisionnage de « The Chase » de A Penn (20 ans que je ne l’avais plus vu!), et je cherchais du coup des notes sur le net.
Alors félicitations, car ce blog comporte des critiques qui sont toujours constructives, sensibles et aussi éducatives (j’apprends des choses sur certains films que je pensais bien connaitre). De plus bcp de films revus ici font parti de mon âge d’or Hollywoodien, qui court en gros du début des sixties à la fin des seventies. (de »Psycho » à « Apocalypse Now » pour faire bref ^^ ).
Je me demandais si vous connaissiez ces deux films atypiques des 70’s et qui ont pour point commun l’acteur Martin Sheen; il s’agit de « La Balade sauvage » (Badlands) de Terence Mallick et du western »Eagle’s wing » d’Antony Harvey au casting détonnant.
Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez?
Encore une fois mes félicitations pour votre Blog.
Merci, ravi que ce blog vous plaise ! Tout à fait d’accord avec vous, le cinéma américain des années 60-70 est vraiment passionnant.
Pour vous répondre, oui j’ai vu « la balade sauvage » que j’ai beaucoup aimé, ainsi que le second film de Malick « les moissons du ciel » qui est splendide. J’adore l’acteur Warren Oates qui joue dans « la balade sauvage » le rôle du père de Sissy Spacek (future Carrie !).
Et j’ai découvert plus récemment « eagle’s wing ». J’ai trouvé que c’était un western vraiment original et intelligent. Assez inclassable. Effectivement côté casting c’est pas mal, si je me souviens bien il y a (outre Martin Sheen) Harvey Keitel et Stephane Audran. La fin est belle. Et c’est vrai que Martin Sheen a beaucoup de présence et joue très bien dans ces deux films.
Avez-vous vu « Night moves » (« la fugue » en français) d’Arthur Penn (puisque vous mentionnez « The Chase »), avec Gene Hackman et la toute jeune Mélanie Griffith ? C’est remarquable, très grand polar des années 70. C’est écrit par Alan Sharp qui est un grand scénariste. J’en propose une critique ici si cela vous intéresse : https://www.citizenpoulpe.com/night-moves-la-fugue-arthur-penn/
bonsoir,
en passant vite fait,
Pour Night Moves, je dois confesser que c’est le grand absent de ma cinémathèque, j’ai fais l’impasse sur ce film et c’est en découvrant votre critique que j’ai découvert ce film!
A voir!
Ce soir je vais me refaire un autre grand classique un peu abandonné: Ryan’s Daughter de D Lean.
Film dont je loue la mise en scène. une des plus classiques et pourtant des plus maîtrisée qui soit, à mon sens du moins;)
Bonne soirée.
Probably the most trueful and great Western moovie in todays
Hollywood share of bullshit, an unforgettable oldtimer
Je suis totalement d’accord avec Kurtz concernant la qulité de votre blog, Citizen Poulpe!
Avez-vous vu L’HOMME SANS FRONTIÈRES de Peter FONDA (1971)? Une splendeur!
Merci ! Oui, j’ai vu « L’homme sans frontières » que j’aime beaucoup. Très belles images, une histoire simple mais très juste. J’aime bien aussi le personnage féminin, que je trouve assez « moderne » et éloigné de certains archétypes du western. Il y a la musique aussi, et puis aux côtés de Peter Fonda, on retrouve un acteur que j’aime beaucoup : Warren Oates !
Vu récemment sur France 3 « Out of Africa », exemple même du téléfilm dont l’immensité du paysage se trouve dans la musique originale, en l’occurrence dans le thème inoubliable de Barry : un guide touristique à écouter les yeux fermés (comment faire après « Lawrence d’Arabie » ?). Mais l’Afrique ne se donne que rarement à Hollywood, et l’on se souvient des calamiteux « Mogambo » de Ford ou « Hatari » de Hawks…
Film splendide, candeur de la nature des paysages et acteurs