Film de John Milius
Année de sortie : 1973
Pays : États-Unis
Scénario : John Milius
Photographie : Jules Brenner
Montage : Fred R. Feitshans Jr.
Avec : Warren Oates, Ben Johnson, Harry Dean Stanton, Michelle Philips, Richard Dreyfuss.
John Dillinger (braquant une banque) : Now nobody get nervous, you ain’t got nothing to fear. You’re being robbed by the John Dillinger Gang, that’s the best there is! These few dollars you lose here today are going to buy you stories to tell your children and great-grandchildren. This could be one of the big moments in your life; don’t make it your last!
John Milius, réalisateur de Conan le Barbare et co-scénariste de Apocalypse Now, signe avec Dillinger le meilleur film sur le célèbre gangster américain des années 30. Supérieur à Public Enemies, de Michael Mann, qui traite du même sujet, le film de Milius offre l’un de ses meilleurs rôles à Warren Oates, l’acteur fétiche de Sam Peckinpah.
Synopsis de Dillinger
Etats-Unis, pendant la prohibition. L’agent du FBI Melvin Purvis (Ben Johnson) traque John Dillinger (Warren Oates), braqueur de banques notoire. Purvis a également dans son viseur d’autres gangsters de l’époque, comme Machine Gun Kelly, l’instable Baby Face Nelson (Richard Dreyfuss) et Pretty Boy Floyd. Autant dire que la route sera sanglante…
Critique du film
Dillinger de Milius / Public Enemies de Michael Mann
Difficile de ne pas faire la comparaison entre le Dillinger de Milius et Public Enemies de Michael Mann, sorti en 2009, ces deux films étant consacrés au même personnage, John Dillinger, le célèbre braqueur de banques qui sévissait à l’époque de la grande dépression aux États-Unis. Autant le dire tout de suite, le film de Milius, comme on pouvait s’y attendre (Conan le Barbare, c’est quand même autre chose que Miami Vice !), est supérieur à celui de Mann, même si Public Enemies est loin d’être le plus mauvais film de ce réalisateur très surestimé.
Certes, on pourra avancer que si les deux films prennent des libertés avec l’histoire, Public Enemies est sans doute plus proche de la réalité que Dillinger. Passé ce détail (après tout, c’est du cinéma, et de nombreux films américains traitant de hors-la-loi mythiques, s’ils prennent volontiers des libertés avec la vérité historique – Butch Cassidy et le Kid, Bonnie and Clyde – sont néanmoins de purs chefs d’œuvre), force est de constater que Warren Oates est un Dillinger plus convaincant que Johnny Depp, même si on ne peut rien reprocher à ce dernier au niveau du jeu d’acteur. Oates ressemble bien davantage au gangster et surtout, sa verve, son style inimitable et son visage marqué lui confèrent une présence et un charisme qui conviennent, à mon avis, mieux au personnage. Outre la crédibilité du comédien, c’est le personnage de Dillinger tel que Milius l’a écrit qui convainc également davantage ; en effet, le réalisateur et scénariste ne cherche pas, contrairement à Mann, à faire du gangster une sorte d’icône élégante, un gentleman, une figure glacée et finalement un peu désincarnée. Son Dillinger jure, crie, rigole, et frappe sa maîtresse. Milius dépeint un gangster charismatique sans le condamner ouvertement mais sans chercher à en faire un grand personnage romantique. Exit, donc, le romantisme vain de Mann et les scènes à l’eau de rose entre John Dillinger et Billie Flechette qui plombent Public Enemies. L’autre erreur de Mann est d’ailleurs de chercher à étoffer le personnage féminin, la compagne de Dillinger – exercice auquel, comme d’habitude, il échoue.

Ben Johnson
L’autre force du film de Milius est le personnage de Melvin Purvis, interprété par Ben Johnson. Là ou Christian Bale, à force de sobriété, finit par frôler la platitude, Johnson campe un homme violent, implacable, sûr de lui et sans scrupules, qui fume un cigare tout en abattant les gangsters. Pas forcément crédible, mais diablement efficace. Le film établit également un parallèle évident entre les deux hommes – Dillinger et Purvis -, soulignant leurs points communs (ils disent tous les deux à peu près la même phrase dans deux scènes distinctes du film), avant de révéler dans le générique final que l’agent du FBI a fini par se suicider avec l’arme qui avait tiré sur Dillinger. Fait historique ou pas, le symbole est évident…
Quant à l’Amérique des années 30, on la ressent beaucoup plus dans l’œuvre de Milius, que ce soit à travers ce vieil homme blasé après la fermeture d’une énième banque, ce couple accueillant Pretty Boy Floyd (autre célèbre gangster de l’époque) avec une sympathie dont on comprend aisément la cause, ou encore ces paysans qui criblent de balles Homer Van Meter (Harry Dean Stanton), symboles d’une Amérique armée à la violence aveugle et insatiable (le plan où ils s’acharnent sur le cadavre du bandit est saisissant).

Des paysans s’acharnent sur le cadavre de Omer Van Meter (Harry Dean Stanton) dans « Dillinger »
Le style de Milius
La mise en scène de Milius, qui disposait de peu de moyens, est excellente, et si Dillinger échappe aisément à la série B auquel son budget aurait pu le condamner, c’est en grande partie grâce au talent du réalisateur. On reconnait, dans sa manière de filmer les paysages, ce lyrisme qui éclatera plus tard dans Conan le Barbare.
Au cours des gunfights, il opte pour une violence sèche, sanglante, typique du cinéma américain des années 70, un peu à la manière de Sam Peckinpah (Dillinger est d’ailleurs beaucoup plus violent que Public Enemies). Réalisateur souvent sous estimé et scénariste peu reconnu en France (peu de gens savent qu’il a co-écrit des films comme Jeremiah Johnson de Sydney Pollack et Apocalypse Now de Coppola), John Milius est un auteur à part entière, qui a une esthétique propre et développe toujours une approche intéressante et personnelle des histoires et des personnages qu’il filme.

Richard Dreyfuss interprète Baby Face Nelson.
Dans Dillinger, il semble ne jamais vraiment juger, filmant la violence – celle des gangsters, des policiers et des hommes en général – telle qu’elle est, toujours brutale, parfois gratuite, voire frénétique et follement destructrice – comme chez Baby Face Nelson (Richard Dreyfuss) qui, pratiquement mort, presse encore son doigt sur la gâchette de sa mitraillette (voir photo ci-dessus). La violence et la fascination des armes est dans Dillinger ce qui lie absolument tous les personnages, quel que soit leur camp et leur rôle dans la société. Une violence transmise aux enfants, comme dans cette séquence significative ou Purvis donne un revolver à un jeune garçon.

L’agent Purvis (Ben Johnson) prête son arme à un enfant dans « Dillinger ».
Warren Oates
Entre Harry Dean Stanton (The Missouri Breaks d’Arthur Penn, L’Ouragan de la vengeance, excellent western de Monte Hellman, Pat Garrett et Billy the Kid de Sam Peckinpah, Le Parrain II de Francis Ford Coppola, Alien de Ridley Scott, Sailor et Lula de David Lynch, etc.) et Ben Johnson, charismatique à souhait dans le rôle de Purvis, Dillinger réunit un casting de haute volée. Mais le film est surtout une énième preuve de la prestance et du talent de Warren Oates. Un acteur comme on en voit de moins en moins : une vraie « gueule » qui le rend crédible dans les rôles de dur, et en même temps une profondeur et une sensibilité palpables.

Warren Oates
Sam Peckinpah l’avait bien compris ; l’acteur est d’ailleurs son alter ego dans Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, l’un des films les plus personnels du réalisateur de La Horde sauvage et des Chiens de paille. Oates est parfait dans le rôle de Dillinger, d’autant plus qu’il ressemble physiquement au gangster. Il tourne la même année dans le mythique Badlands (La Ballade sauvage en français) de Terrence Malick. Mais Warren Oates a joué dans d’autres grands films, dont L’Homme sans frontières de Peter Fonda et bien sûr La Horde sauvage.
Dillinger, sans être un chef d'œuvre, est un bon film de gangsters, très bien filmé et interprété, qui témoigne d'un véritable cachet visuel et d'un traitement intelligent de la violence. Un film injustement oublié, que tout amateur du cinéma américain des années 70 prendra plaisir à découvrir.
4 commentaires
lors, les quica cinéphiles qui ont grandi avec Taxi Driver, Wild Bunch, et autres Vol au dessus d’un nid de coucou ou Dog days Afternoon, entre Marathon Man et Straw Dogs, réjouissez-vous que des gens comme Scott ou Mann et il y a peu de temps encore Friedkin, nous racontent encore de bonnes histoires…
Hello
j’aime bien la plupart de vos références, par contre le grand ridley scott déçoit beaucoup ces temps ci (kingdom of heaven, quel navet!), et michael mann est un médiocre. C’est mon point de vue, du moins!
J’adore Oates, et je n’ai pas vu celui la . Pour les gueules, Richard Boone dans le magnifique « Hombre » de Martin Ritt.
Que pensez-vous de « L’Aube rouge » ? Cet article symbolise mieux qu’un autre votre attachement à cette « glorieuse décennie ». Connaissez-vous « Dillinger est mort » de Ferreri ?