Film de Robert Altman
Année de sortie : 1972
Pays : Etats-Unis, Royaume Uni
Scénario : Robert Altman
Photographie : Vilmos Zsigmond
Montage : Graeme Clifford
Musique : John Williams, Stomu Yamashta
Avec : Susannah York, Rene Auberjonois, Marcel Bozzuffi, Hugh Millais, Cathryn Harrison.
Images est l’unique incursion de Robert Altman dans le genre thriller psychologique, à l’atmosphère teintée de fantastique. S’il s’avère plutôt décevant, ce film méconnu est une curiosité dans la filmographie abondante du célèbre réalisateur.
Synopsis d’Images
Tandis qu’elle travaille sur son dernier livre, l’écrivain pour enfants Cathryn reçoit des appels téléphoniques d’une mystérieuse femme, lui suggérant que son mari, Hugh, est en train de la tromper. A son retour, elle lui fait part de ses soupçons. Puis elle croit voir, à la place de Hugh, un autre homme…
Face à la réaction de panique de sa femme, Hugh suggère qu’ils passent quelques jours à la campagne, pensant qu’elle a besoin de repos et de calme. Mais Cathryn est rapidement victime d’autres visions…
Critique du film
C’est en lisant un article publié dans Télérama à l’occasion du décès, le 15 janvier dernier, de l’actrice Susannah York (Qui se souvient de Susannah York ?) que j’ai appris l’existence d’Images, œuvre singulière dans la carrière de Robert Altman, dont le pitch évoquerait plutôt un film de Roman Polanski. Images aborde effectivement un thème cher au metteur en scène de Répulsion, Rosemary’s baby, Frantic, Le Locataire et plus récemment The Ghost Writer : la schizophrénie.
Tourné entre l’excellent John McCabe – très beau western avec Warren Beatty et Julie Christie – et Le Privé (un film noir d’après Raymond Chandler, avec le charismatique Elliot Gould dans le rôle de Philip Marlowe), Images marque la seconde – et pas la dernière – collaboration de Robert Altman avec le grand chef opérateur Vilmos Zsigmon, qui signa notamment la photographie de Délivrance (de John Boorman), Blow Out (de Brian de Palma), Voyage au bout de l’enfer et La Porte du paradis (de Michael Cimino).
Côté casting, on retrouve, outre Susannah York, Marcel Bozzuffi (Le juge Fayard dit le Shériff), comédien français qui venait à l’époque de camper un gangster nerveux (refroidi par Gene Hackman) dans French Connection, de William Friedkin.
Images explore la folie d’une femme, Cathryn (interprétée par Susannah York), dont les rapports avec les hommes (son père l’a abandonnée) et avec une part de sa féminité (sa sexualité et son désir de maternité) sont tourmentés, au point qu’elle développe une schizophrénie aiguë. Rien n’est ici révélé sur la tournure du film, puisque c’est très (trop ?) rapidement que celui-ci nous oriente sur cette piste.

Susannah York
Le scénario, signé Robert Altman lui-même, ne s’embarrasse en effet guère d’ambiguïté, tout comme il ne prend pas le temps de développer les personnages et une atmosphère avant de suggérer, ou plutôt d’illustrer très clairement, les troubles psychologiques dont souffre le personnage principal. C’est un parti pris qui n’est absolument pas critiquable en soi, mais en l’occurrence, la vitesse à laquelle s’enchaînent des séquences étranges et surréalistes désamorce, dès le début du film, toute forme de tension, en banalisant ce qui aurait sans doute gagné à être distillé plus subtilement.
La quasi absence de progression et l’effet répétitif de la plupart des scènes font que là où Images devrait surprendre, faire réfléchir ou même inquiéter le spectateur, il finit au contraire par former un assemblage de plans certes ingénieux et non vide de sens, mais plutôt hermétique. La réalisation de Robert Altman a tendance à accentuer cette impression : on a parfois le sentiment, sans doute trompeur, qu’il s’intéresse plus à la caméra qu’aux personnages et à sa propre histoire. Même si dans plusieurs séquences il illustre intelligemment le propos à travers des plans ingénieux et souvent symboliques.

Un plan significatif du film : Cathryn (Susannah York) et le reflet d’une petite fille (Cathryn Harrison) dans la vitre.
Susannah York prête tout son talent à son personnage, mais celui-ci étouffe un peu au sein d’un scénario et d’une mise en scène qui ne lui permettent pas véritablement de se développer et de prendre du relief. Cathryn est un assemblage de névroses, de pulsions et de frustrations certes cohérent, mais elle finit par être réduit à cet assemblage. La femme ne prend pas véritablement vie à l’écran. C’est dommage, car il y a de bonnes idées, dont celle d’utiliser des extraits du livre In Search of Unicorns (écrit par Susannah York elle-même) pour appuyer le récit. La fameuse licorne à laquelle fait référence son titre est en effet porteuse de plusieurs symboles en rapport avec les problèmes psychologiques de Cathryn : selon les périodes de l’histoire et les courants de pensée, cet animal légendaire symbolise tour à tour la pureté, le mal, l’inconscient, la dualité (lire l’article Licorne, sur Wikipédia).
Détail amusant et très significatif : l’actrice qui interprète la petite fille s’appelle Cathryn Harrison – Cathryn étant le prénom de la femme jouée par Susannah York – et son personnage est prénommé… Susannah. Cette astuce suggère la relation évidente entre les deux personnages, également soulignée dans le plan montré plus haut. Cathryn, qui ne parvient pas à se construire et à s’assumer en tant que femme, est restée quelque part une petite fille solitaire et rêveuse, qui s’évade à travers les contes pour enfants qu’elle écrit.
Malgré ses faiblesses, Images est toutefois un film étonnant que tout fan de Robert Altman sera sans doute curieux de découvrir, pour y voir peut-être des qualités qui m’ont échappé – même si je lui en reconnais certaines. Je lui préfère, dans un genre bien différent, d’autres films du même réalisateur tels que John McCabe, Fool for Love (avec Sam Shepard, Harry Dean Stanton et Kim Basinger dans ce qui est sans doute son plus grand rôle) et The Player, une brillante satire d’Hollywood.
Images, s'il bénéficie de qualités esthétiques indéniables (en partie dues au chef opérateur Vilmos Zsigmond), propose un traitement finalement peu subtil de son sujet. Plus occupé à soigner la réalisation qu'à développer ses personnages, Altman signe une oeuvre froide, désincarnée, qui est une curiosité dans sa carrière mais qui est loin de figurer parmi ses films les plus aboutis. Reste la performance de Susannah York, très convaincante.
5 commentaires
Merci pour la critique.
Où retrouer un DVD de ce chef d’oeuvre ?
Max
Salut, a priori il n’est pas sorti en zone 2, par contre le zone 1 (tu ne pourras pas le lire sur un lecteur zone 2) est dispo sur Amazon.com : http://www.amazon.com/Images-Susannah-York/dp/B00009Y3NA
Le DVD doit être plutôt rare car il est cher ! Il y a des sous-titres français.
J’ai vu ce film il y a quelques mois, effectivement il est quasi-introuvable même sur le web (je n’ai pas eu mieux qu’une VO sans sous-titres).
Pour ce qui est du film lui-même je me souviens surtout de deux choses: la séquence d’intro très intrigante et chargée d’onirisme, et la bande-son du film, minimaliste (et assez expérimentale pour l’époque je pense). Du reste c’est une sorte de thriller psychologique assez contemplatif mais plutôt accrocheur.
Une chronique bien dure à mon sens, j’ai beaucoup aimé cet Images, qui lorgne parfois du côté du Repulsion de Polanski (une des scènes de meurtre est bien calquée dessus d’ailleurs…). Disons que le fait de désamorcer toute ambigüité dès le début du film aide grandement à entrer dedans sans se triturer la cervelle, le réalisateur ne tourne pas autour du pot et se contente « juste » de nous faire contempler la lente descente aux enfers de Cathryn. Certes c’est parfois plutôt répétitif, mais j’avoue que ça fonctionne du tonnerre (chez moi en tout cas ; )). Après c’est clair que le métrage n’atteint pas encore le niveau de « Trois Femmes »…
Pas vu That Cold Day in the Park, il devrait arriver dans la boîte aux lettres dans pas long, mais je ne pense pas être déçu…
Oui un peu sévère peut-être, il y a de bonnes choses mais je l’ai trouvé quand même trop redondant et trop répétitif. J’ai eu du mal à vraiment rentrer dans l’histoire. Ceci dit je ne parle sur ce site que de films qui m’ont intéressé, à de très rares exceptions près, donc je lui trouve quand même des qualités ! Mes préférés d’Altman restent « John McCabe » et « The Player ». Dans une moindre mesure j’ai aussi aimé « Short Cuts », « Le Privé » et « Gosford Park ». Je crois que j’aime moins ses incursions dans le fantastico-psychologique, bien que j’apprécie ce genre. Pas vu « That Cold Day… » non plus !