Film de James Wan
Année de sortie : 2010
Pays : États-Unis
Scénario : Leigh Whannell
Photographie : John R. Leonetti
Montage : James Wan, Kirk Morri
Musique : Joseph Bishara
Avec : Rose Byrne, Patrick Wilson, Ty Simpkins, Barbara Hershey, Lin Shaye, Andrew Astor, Leigh Whannell, Angus Sampson
Dalton: Oh my God, dad. He’s looking.
Énième variation sur le thème de la maison hantée, Insidious se démarque par une mise en scène soignée, un scénario plutôt bien construit, une imagerie inventive et des touches d’humour appréciables.
Synopsis de Insidious
Renai et Josh Lambert s’installent dans une nouvelle maison avec leurs trois enfants. L’un d’entre eux, Dalton, tombe inexplicablement dans une forme inconnue de coma, peu de temps après l’emménagement. Après son retour de l’hôpital (n’ayant toujours pas repris conscience, il bénéficie d’une assistance respiratoire et de soins à domicile), les manifestations paranormales se multiplient dans la maison…
Critique du film
L’un des plus vieux concepts du cinéma fantastique, la maison hantée, n’est pas franchement un exercice facile pour un metteur en scène. Il requiert à la fois une bonne maîtrise des effets inhérents au genre et une créativité suffisante pour ne pas ennuyer un spectateur les ayant observés dans d’innombrables films, toutes époques confondues. L’idée fait toujours recette : la série américaine intitulée American Horror Story l’a d’ailleurs reprise.
Au cinéma, Ti West a signé récemment deux films qui, coup sur coup, ont montré son habileté à nous faire frémir avec des portes qui grincent et des escaliers inquiétants, à savoir The House of the Devil (qui n’est pas à proprement parler un film de maison hantée, mais les ressorts restent sensiblement les mêmes) et The Innkeepers. À chaque fois, le réalisateur s’est montré convaincant pour planter une atmosphère et créer des personnages en utilisant des procédés de mise en scène qui ont fait leurs preuves (les deux films s’inscrivent directement dans la tradition du genre ; The House of the Devil se déroule d’ailleurs dans les années 80) tout en imposant sa signature, tant au niveau de la réalisation que de l’écriture. Et à chaque fois il a moins bien négocié les vingt dernières minutes, se montrant plus convaincant dans la suggestion que dans l’horreur pure.
Cette année (2012), James Watkins (auteur du terrifiant Eden Lake) a signé un film (La Dame en noir) en hommage à l’âge d’or de la Hammer, mettant en scène une mère revancharde hantant une vieille maison isolée en Angleterre. Une œuvre certes maîtrisée formellement mais qui se contente de reprendre les codes du genre et multiplie les effets faciles, à commencer par les fameuses déflagrations sonores destinées à nous faire sursauter tous les quarts d’heure. On sursaute, certes, mais au bout de la dixième fois, l’effet devient franchement lassant et de moins en moins efficace.

Josh (Patrick Wilson) dans « Insidious ». On remarquera le clin d’œil à « Saw » (du même réalisateur) par le biais du dessin sur le tableau.
Avec Insidious, l’australien James Wan (le réalisateur du premier Saw et de Dead Silence) plante lui aussi sa caméra dans une maison peu hospitalière, et le résultat est un divertissement efficace, jamais ennuyeux, parfois drôle (volontairement) et souvent effrayant, à peine entaché de quelques maladresses. Plusieurs raisons expliquent cette réussite. D’abord, le scénario de Leigh Whannell est plutôt bien calibré. On peut le diviser en trois phases.
La première, inévitable, est la mise en place de la situation, des personnages, et l’apparition progressive des premiers phénomènes inquiétants, avec la fameuse montée en crescendo. Au bout d’une heure environ – c’est-à-dire pile au moment où le genre devient particulièrement délicat (rester dans la suggestion ou dévoiler toutes ses cartes, sachant qu’elles sont plus ou moins convenues, sont deux pistes aussi glissantes l’une que l’autre) -, Whannell introduit soudain trois personnages savoureux et hauts en couleur, les fameux « chasseurs de fantômes » dont l’apparition – en insérant une note un peu décalée et amusée au sein d’une partition jusque-là plutôt sombre et très premier degré – surprend le spectateur et relance aussitôt son intérêt.
Enfin la troisième phase, qui comme souvent dans ce type de films est la plus explicite (pas de gore, néanmoins, à l’inverse de Saw), est sans doute la moins réussie mais nous emmène néanmoins à la conclusion (plutôt ratée d’ailleurs, pour ce qui est de la toute dernière scène) sans nous perdre en chemin.
Aidé par des comédiens convaincants et qui incarnent des personnages ayant un minimum de consistance et d’épaisseur, James Wan signe une mise en scène sobre et intelligente, montrant un réel sens du rythme et de l’espace ainsi qu’une confiance suffisante en son savoir-faire pour créer des moments de tension sans agresser systématiquement les tympans du spectateur. Il prend son temps, fait durer les séquences, préférant les lents travellings au montage saccadé qui donnait au premier Saw (même s’il reste probablement le plus regardable de la série) un aspect « clip » parfois agaçant – un travers par ailleurs extrêmement courant dans le cinéma commercial actuel.
Outre sa maitrise de la caméra et du montage (qu’il a lui-même signé en collaboration avec Kirk Morri), James Wan a un autre atout, à savoir une inventivité visuelle indéniable quand il s’agit de créer des « méchants » à coucher dehors. On se souvient du masque effrayant arboré par le tueur sadique de Saw, auquel le film fait référence par le biais d’un dessin évocateur sur un tableau de classe ; dans Insidious, le démon vedette est terrifiant, d’autant plus que Wan a le bon goût de le montrer assez peu (un parti pris qui des Dents de la mer à Alien a depuis longtemps fait ses preuves). Le design du démon comme la manière dont il est mis en scène sont donc deux autres points forts du film, et non des moindres.
Côté casting, on retrouve la jolie et talentueuse Rose Byrne (vue dans Marie-Antoinette, de Sofia Coppola, l’efficace Sunshine de Danny Boyle et dans 28 semaines plus tard, de Juan Carlos Fresnadillo), Patrick Wilson (le pédophile séquestré par Ellen Page dans le saisissant Hard Candy, de David Slade) et Lin Shaye (très convaincante dans le rôle d’une vieille femme charismatique, rompue à la chasse aux esprits). Shaye est une habituée du cinéma d’horreur (Les Griffes de la nuit, Critters, The Hidden, le très prenant Dead End) mais pas uniquement, puisqu’elle s’est illustrée également dans des comédies (Mary à tout prix).
Dans le rôle de ses complices, Leigh Whannel (le scénariste d’Insidious) et Angus Sampson (qui a vraiment ce qu’on appelle une « gueule ») composent un duo comique qui apporte juste ce qu’il faut d’humour et de dérision à l’ensemble.
Enfin, impossible de ne pas citer Barbara Hershey dans le rôle de la mère de Josh Lambert, vue dans de très nombreux films dont Boxcar Bertha (Martin Scorsese, 1972), L’Emprise (Sidney J. Furie, 1983), L’Étoffe des héros (Philip Kaufman, 1983), Hannah et ses sœurs (Woody Allen, 1986), Le Bayou (Andrei Konchalovsky, 1988) – pour lequel elle reçut le prix de la meilleure actrice à Cannes -, La Dernière tentation du Christ (Martin Scorsese, 1988), Portrait de femme (Jane Campion, 1996), Lantana (Ray Lawrence, 2001) et Black Swan (Darren Aronofsky, 2010).
Insidious devrait plaire aux amateurs du genre mais pas uniquement, ses qualités formelles et son écriture plutôt habile le rendant appréciable auprès d'un plus large public - à vrai dire tous ceux qui aiment bien trembler devant un bon divertissement. L'occasion n'est pas si fréquente...
Un commentaire
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