Film de Francis Ford Coppola
Année de sortie : 2011
Pays : États-Unis
Écrit et produit par Francis Ford Coppola
Montage : Robert Schafer
Photographie : Mihai Malaimare Jr.
Musique : Dan Deacon, Osvaldo Golijov
Avec : Val Kilmer, Elle Fanning, Joanne Whalley, Bruce Dern, Ben Chaplin, David Paymer, Alden Ehrenreich
Avec Twixt, Francis Ford Coppola signe un film personnel dans lequel sa vie intime et ses références artistiques se croisent au gré d’un récit libre et fantaisiste. Le désormais rare Val Kilmer y trouve l’un de ses rôles les plus attachants à ce jour.
Synopsis de Twixt
Hall Baltimore (Val Kilmer), un écrivain « de seconde zone » spécialisé dans les histoires de sorcières, débarque dans une petite ville isolée pour dédicacer son dernier roman.
Il rencontre rapidement Bobby LaGrange (Bruce Dern), le shérif local, qui l’informe du récent meurtre d’une jeune fille.
La nuit venue, Baltimore rencontre, dans un rêve, une adolescente surnommée « V » (Elle Fanning). Peu à peu, il réalise que la ville cache un mystère qui pourrait bien lui inspirer un nouveau roman…
Critique du film
Le début de Twixt sonne comme une invitation familière. Quelques plans sur une petite ville isolée ; Tom Waits (un habitué des films de Coppola, vu dans Rusty James, The Outsiders, Cotton Club et Dracula) en narrateur envoutant ; un texte qui annonce d’emblée la tonalité d’un film qui joue – dans un mélange de respect et d’amusement – avec les codes du récit horrifique « old school » ; et enfin l’entrée en scène d’un Val Kilmer qu’on a d’emblée envie de suivre dans la fable gothique imaginée par Francis Ford Coppola.
Un peu empâté, plutôt rare au cinéma ces dernières années, l’interprète de Madmartigan et de Jim Morrison se glisse en effet avec une grande aisance dans la peau de cet écrivain alcoolique pour lequel Coppola nous fait partager son affection, et avec lequel il a en commun le goût de la liberté créative, mais aussi une expérience personnelle douloureuse qu’il explore ici avec une touchante sincérité.
Le film est clairement l’œuvre décomplexée d’un cinéaste amoureux de son art et qui entretient avec lui un rapport émerveillé, frais, comme s’il l’exerçait pour la première fois – d’un cinéaste qui n’a rien à prouver (c’est le moins que l’on puisse dire) et qui (à l’inverse d’autres réalisateurs de sa génération) ne semble pas en quête du film ultime, sur lequel critiques et spectateurs s’émerveilleraient et théorisaient à outrance. Si quête il y a ici, c’est celle du plaisir de créer, de parler de la création artistique, de convoquer des figures inspirantes comme Charles Dickens, Edgar Allan Poe, Walt Whitman, Charles Baudelaire, Nathaniel Hawthorne ou encore Roger Corman, le réalisateur-producteur qui prit autrefois Coppola (et bien d’autres) sous sa houlette.
Ces références littéraires (majoritairement issues du 19ème siècle, une période fondatrice pour la littérature américaine) et cinématographiques côtoient, dans Twixt, l’expérience professionnelle et personnelle du metteur en scène (l’histoire fait clairement écho au décès de l’un de ses fils, survenu dans les années 80), au fil d’un récit qui illustre avant tout le processus créatif de l’artiste et les difficultés auxquelles il doit faire face – d’où la liberté avec laquelle Coppola nous ballade du rêve à la réalité, en brouillant volontiers les pistes et en ponctuant la narration de diverses ellipses.

Elle Fanning
Même si son esthétique est sophistiquée, Twixt témoigne d’une absence de prétention qui, chez l’un des plus grands cinéastes de tous les temps, forcent le respect. On sent chez lui la même humilité que chez Hall Baltimore, le protagoniste ; Coppola, le réalisateur d’Apocalypse Now et de Rumble Fish, ne se place donc pas au dessus d’un écrivain à la petite semaine qui, au fond, éprouve les mêmes désirs que lui : créer le plus librement possible et parler de ce qui le touche, de ce qui le hante.
Baignant dans une imagerie très kitsch et onirique (l’idée du film est née d’un rêve, ce qui explique bien des choses), Twixt est un film intime, presque familial, comme le souligne la présence au casting de Joanne Whalley (parfaite en épouse colérique et autoritaire), l’ex-femme de Val Kilmer. Les autres personnages sont tout aussi savoureux, qu’il s’agisse du Poe ressuscité par Ben Chaplin, du shérif grotesque campé par Bruce Dern (le père de Laura), de la petite fille incarnée par Elle Fanning (actrice qu’on devrait très vite revoir sur les écrans) ou encore du motard romantique joué par Alden Ehrenreich (une sorte de Motorcycle Boy devenu libre et immortel).

Val Kilmer et Bruce Dern
Très différent (plus léger et drôle, même s’il réserve des scènes inquiétantes et émouvantes) de Tetro et de L’Homme sans âge, les deux précédents films de Coppola, Twixt s’inscrit pourtant dans la même veine : comme Tetro, il est très personnel et comme L’Homme sans âge, il adopte un cachet visuel teinté de merveilleux. On peut ne pas être sensible à son atmosphère, on peut lui trouver des petits défauts, on peut aussi juger la réflexion autour du processus créatif assez commune (le film n’en est pas moins unique), tout cela n’a pas beaucoup d’importance : les sentiments qui prédominent pendant et après la projection étant l’enthousiasme, la légèreté et le respect à l’égard d’une démarche à la fois sincère, généreuse et jamais narcissique.
Les critiques qui parlent d’un « petit » Coppola passent à côté, à mon avis, d’une œuvre où il n’est justement pas question de « grand » ou de « petit », ce type de considération allant à l’encontre de l’état d’esprit sincère et innocent du métrage. Car Twixt semble en effet combiner l’expérience d’un septuagénaire avec le regard d’un jeune homme passionné de cinéma (et de littérature).
C’est le film d’un « homme sans âge », en somme…
Convoquant à la fois ses douleurs personnelles et ses références littéraires et poétiques, Coppola signe avec Twixt une œuvre drôle, sincère et touchante, servie par un Val Kilmer particulièrement attachant.
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