Programmée le mercredi 27 à 21h30 et rediffusée le lendemain dans l’après-midi, la séance n°3 du festival Court Métrange, à Rennes, est composée de courts métrages qui sont autant de variations sur le thème du double, d’où son titre Miroir, mon vilain miroir.
Chronique de la séance
Le titre de la séance l’annonce, en détournant la célèbre réplique issue de Blanche-neige : les jeux de reflets proposés ici sont davantage inquiétants que rassurants, ce qui n’est pas une surprise. En effet, le cinéma de genre, s’il peut aussi raconter des choses positives, est souvent enclin à explorer nos peurs et nos démons.
Le premier film, Variations on a Theme (de Peter Collins Campbell, États-Unis), part d’une idée ingénieuse : un couple est contraint de cohabiter avec des doubles de lui-même (d’eux-mêmes, devrais-je dire), qui reflètent chacun un moment (harmonieux ou conflictuel) qu’ils ont vécu un jour donné (d’où le fait qu’ils baptisent chaque double par le nom du jour en question).
En voyant le film, j’ai songé au récent Les Ombres persanes, où là aussi on a un jeu de miroir entre deux couples, composés de sosies. L’approche de Variations on a Theme (titre faisant référence à l’univers de la musique) est plus drôle et absurde, ce qui n’enlève rien à la pertinence de son sujet (les doubles représentent des phases distinctes d’une même relation, ce qui illustre d’une certaine façon l’ambivalence et la complexité propres à chaque union amoureuse).

Carga Animal (d’Ivan Bustinduy, Argentine) est d’une atmosphère plus sombre. On y suit un camionneur qui travaille dans le transport d’animaux. Seulement voilà, il semblerait bien que l’une des cages disposées à l’arrière de son camion contienne autre chose qu’un chien… Le conducteur s’inquiète, mais il est visiblement le seul à ne pas trouver cela très normal.
Volontairement lent, axé sur le sentiment de trouble et de malaise qui gagne le protagoniste, Carga Animal met de toute évidence en scène un cas de conscience vertigineux sur la condition animale, d’une façon plutôt maline (le procédé m’a un peu rappelé Wild Summon, projeté au cours de l’inauguration du festival, mais j’ai trouvé Carga Animal plus intéressant car plus implicite dans son approche).
« Carga Animal » | Teaser from Joaquin Castro on Vimeo.
Phonorama (d’Alex Rey, Espagne) est un film d’animation qui joue sur un paradoxe temporel apparemment lié à un phénomène solaire étrange. Drôle et percutant, le film, très dialogué, séduit mais n’est pas toujours facile à suivre. J’y ai vu une critique du consumérisme et des méthodes de certaines grandes entreprises privées, mais la logique narrative demande une réflexion pas évidente à avoir sur une aussi courte durée. Cela n’empêche en rien d’apprécier ce court métrage caustique, rempli de clins d’oeil cinématographiques (le nom du réalisateur apparaît dans un plan, tandis que Nicolas Cage et Dennis Quaid reçoivent ici des hommages amusants) et littéraires (Isaac Asimov, le grand auteur de science-fiction, est explicitement cité).
Nurture (de Sasha Argirov, Canada) est le plus difficile des films inclus dans cette séance, dans la mesure où il aborde un thème particulièrement dérangeant (la colère rentrée d’un fils devant s’occuper d’une mère malade) et que son esthétique grisâtre fait tout pour appuyer le caractère morbide du récit. Ici, le double incarne les sentiments refoulés du fils. Un film cohérent et courageux dans sa démarche, mais j’avoue avoir pris peu de plaisir à le regarder.
Red Velvet (de Blake Simon, États-Unis) explore à sa façon la peur de l’accident nucléaire et de la contamination toxique qui en résulte, avec une approche horrifique assumée. On peut aussi y voir une réflexion sur la violence masculine. Efficace et bien réalisé, mais un peu moins singulier dans sa thématique que les deux premiers films de la séance.
Le dernier court métrage, We Forgot About the Zombies (de Chris McInroy, États-Unis), est aussi le plus ouvertement drôle et loufoque de cette sélection. Deux amis poursuivis par des zombies trouvent refuge dans une sorte de laboratoire où des seringues provoquent des transformations complètement improbables sur l’un d’entre eux, en quête d’un remède après avoir été mordu. La carte de la blague horrifique est jouée sans complexe et sans prétention aucune. Pas de discours particulier ici, si ce n’est qu’on peut voir à travers la conclusion une critique potache du narcissisme. Fun !
Les deux premiers films sont ceux qui m’ont le plus intéressé, mais Phonorama et We Forgot About the Zombies m’ont cependant procuré un vrai plaisir de vision. Ce soir, retour à Court Métrange pour y découvrir la séance intitulé Les Mythes au logis, qui réunit des courts métrages inspirés par l’univers des contes, des légendes et autres motifs folkloriques.
Autres contenus sur Court Métrange
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