Ce mercredi 27 septembre, à 19 heures, avait lieu la seconde séance de courts métrages en compétition au festival Court Métrange de Rennes. Retour sur une projection riche en sensations et en découvertes.
Avant la séance
Avant la projection, je suis allé faire un tour au Village Métrange, le point de rendez-vous des festivaliers, situé en face du cinéma Pathé de Rennes. Il s’y déroulait une discussion autour de la série Abysses, entre des membres de l’association Court Métrange (dont sa présidente) et l’équipe de l’émission Spoilers. Vers la fin de l’échange, il a été évoqué la difficulté de s’approprier, en France, les codes d’un genre fantastique et SF largement associé au cinéma américain. Je me suis permis d’évoquer, auprès d’un membre de Spoilers, la très bonne série OVNI, d’Antony Cordier, un bon exemple selon moi de série fantastique très française dans son atmosphère et son approche.
J’ai ensuite acheté, au stand librairie, Nous parlons depuis les ténèbres, une anthologie littéraire horrifique co-concoctée par la présidente du jury de cette 19ème édition de Court Métrange, Estelle Faye, avant d’aller faire un tour du côté du chapiteau abritant une exposition d’objets et œuvres divers.

Direction ensuite la salle 2 du cinéma Pathé, assez vaste, et tout aussi remplie que la veille pour l’inauguration.
Chroniques de la séance n°2
Je dois d’emblée confier que cette seconde séance, baptisée La Croisière s’anime, m’a impressionné. Techniquement et artistiquement, les cinq courts métrages sélectionnés (uniquement des films d’animation cette fois, d’où le titre) sont ambitieux, aboutis, audacieux. Du point de vue du récit et de la narration, ils sont inventifs et souvent passionnants, même si (et c’est tout à fait normal) tous n’ont pas éveillé chez moi le même enthousiasme.
Todo Esta Perfido (de Carla Pereira et Juanfran Jacinto, Espagne) est un film mettant en scène des sortes de marionnettes au visage volontairement ingrat. Il s’agit d’une parodie de soap opera, à l’humour acide, qui dépeint des personnages totalement inconscients traversant, dans un lotissement formaté à souhait, des situations absurdes. C’est franchement drôle, et la bande originale est réussie. On peut y voir une réflexion sur une humanité en mal de repères, aux comportements inconséquents, figée dans un confort matérialiste et artificiel. Mais le film n’explicite aucun message ultra évident, ce qui est tout à son honneur (on peut d’ailleurs en dire autant des quatre autres).
Amok (de Balazs Turai, Hongrie et Roumanie), avec ses couleurs saturées et ses péripéties délirantes, est un délire psychédélique, mais cohérent. La narration, assez dense, évoque la logique tortueuse d’un cauchemar. On y suit un personnage, Clyde, qui visiblement est rattrapé par ses démons lorsqu’il s’apprête à déclarer sa flamme à sa fiancée.
Graphiquement, le film est impressionnant de maîtrise, et bouillonne d’idées visuelles. Elles servent un vrai sujet, celui de la transmission de la violence (conjugale) à travers les générations. La bande son et la musique sont là aussi d’un niveau élevé. Déroutant, surprenant et plutôt brillant.

Un Genre de testament (de Stephen Vuillemin, France) est peut-être le film de la soirée qui m’a le plus saisi. L’idée de départ est excellente : une femme, au moment de créer un site internet à son nom, réalise que le nom de domaine a déjà été acheté par une homonyme. Elle découvre alors toute une série de petits films animés mettant en scène une femme qui lui ressemble trait pour trait. Ce sont ces vidéos que l’on voit à l’écran, tandis que la voix-off de la narratrice exprime les réflexions, questionnements de cette dernière, face à des scènes inspirées de situations qu’elle a vécues, mais enrichies de détails reflétant de toute évidence l’expérience et les angoisses de la dessinatrice.

Comme la narratrice, le spectateur peine à comprendre clairement, en tout cas sur le moment, les motivations de cette mystérieuse homonyme, mais de toute évidence, le film évoque l’idée de se projeter soi-même dans un autre personnage, et aussi dans le temps (la narratrice est plus jeune que la dessinatrice), ce qui, d’un certain point de vue, constitue une métaphore brillante du rapport à la fiction, au cinéma comme en littérature. Comme le titre l’indique, l’idée de la mort, et de nouveau celle de la transmission, hantent ce court métrage servi par des dessins d’une élégance assez inouïe et, encore une fois, par une musique remarquable. Il se termine d’ailleurs par une reprise très libre du Moribond de Brel, utilisée dans une séquence d’une nostalgie poignante. Un petit chef d’œuvre.
La Pursé (de Gabriel Nobrega, Brésil) est un conte macabre empreint d’un humour noir efficace, lui aussi très bien exécuté ; mais je dois dire que j’ai eu du mal à me détacher de l’impression marquante qu’avait produit sur moi la vision de Un Genre de testament, si bien que je ne suis rentré qu’à moitié dans cette histoire horrifique qui néanmoins, n’a pas manqué de m’arracher quelques sourires.

La séance s’est terminée par Carne de Dios (de Patricio Plaza, Mexique et Argentine), qui décrit le trip sous champignons hallucinogènes d’un prêtre soigné par une chamane quelque part dans la pampa. On retrouve, comme dans Amok, une touche psychédélique, au fil d’un récit chargé de symboles évoquant la culpabilité d’une âme chrétienne confrontée à ses propres péchés et tentations. Le niveau technique est bon, en revanche la thématique du film m’a, à titre personnel, moins séduit.

Globalement, je suis sorti de cette seconde séance avec la tête qui tournait, tant elle proposait des images frappantes, au service d’idées singulières et d’émotions parfois assez profondes. Vous l’aurez compris, Un Genre de testament est mon court préféré de la soirée mais dans l’ensemble, Court Métrange a mis la barre très haut.
Aucun commentaire