Film de Chris Bavota et Lee Paula Springer
Pays : Canada
Année de sortie : 2019
Scénario : Chris Bavota et Lee Paula Springer
Photographie : Nicolas Venne
Montage : Chris Bavota, Francisco Peres
Musique : Julien Verschooris
Avec : Heston Horwin, Jillian Harris, Matt Keyes
Richie (faisant face à une fente étrange dans le mur de sa chambre) : Makes sense. Being born and all, that’s why it looks like a vagina, right?
Dialogue issu de Dead Dicks (2019)
Becca: It looks more like an asshole to me.
À partir d’un pitch farfelu, Dead Dicks aborde un sujet grave d’une manière à la fois comique, intelligente et sincère.
Synopsis du film
Becca (Jillian Harris) est une jeune et brillante étudiante en neurosciences, sur le point de partir à l’étranger où une belle opportunité s’offre à elle. Mais voilà, elle n’en a pas encore parlé à son grand frère Richie (Heston Horwin), plutôt instable psychologiquement, et auquel elle consacre beaucoup de temps et d’énergie.
Un soir, alors qu’elle se trouve dans le bar où elle travaille comme serveuse, Becca réalise que Richie a tenté de l’appeler à de multiples reprises, et qu’il a laissé des messages vocaux évoquant une sorte d’événement extraordinaire qui viendrait de se produire.
Inquiète, Becca se rend aussitôt chez lui, et découvre avec horreur le cadavre de son frère dans un placard. Seulement voilà, au même moment, un Richie bien vivant, nu comme un ver, surgit derrière elle…
Critique de Dead Dicks
Dead Dicks est le tout premier long métrage réalisé par le tandem canadien Chris Bavota et Lee Paula Springer (qui sont mariés dans la vie), et c’est un bon exemple de « petit » (de par son budget) film d’horreur indépendant qui préfère essayer de raconter quelque chose plutôt que de dérouler les nombreuses conventions du genre. C’est d’autant plus appréciable que ce n’est pas pour autant un film « auteurisant », « arty » ou prétentieux ; au contraire, on perçoit ici une honnêteté et une humilité qui contribuent à rendre le film attachant.
Son point de départ déroutant (un jeune homme ne parvient pas à se suicider, car une « copie » de lui-même renaît aussitôt) est une manière de parler de la dépression, du mal-être et surtout de la relation étouffante entre un homme dépressif et sa petite sœur bienveillante, qui cherche par tous les moyens à protéger son frère, quitte à mettre sa propre vie de côté. Ils sont donc tous deux empêtrés dans un schéma relationnel répétitif, rythmé par les rechutes régulières de Richie (Heston Horwin), dont les « renaissances » perpétuelles symbolisent cette notion d’enfermement.

Le processus (la renaissance d’un double) peut aussi être vu comme le symbole de la quête de soi (du « vrai » soi), ou encore d’une vie hantée par des démons intérieurs auxquels on n’échappe pas (même par le suicide ! façon, sans doute, d’exprimer cette idée avec d’autant plus de force). Toutes ces explications sont d’ailleurs compatibles et à partir d’une histoire assez loufoque, Dead Dicks aborde mine de rien des sujets graves en laissant au spectateur le soin de méditer une matière finalement plutôt riche et intéressante.
Habilement, le scénario évoque le background familial des protagonistes mais d’une manière allusive ; on a bien quelques pistes (telles que le décès de la mère) mais rien qui expliquerait précisément l’état psychologique de Richie, et tant mieux : trop de films cèdent à la manie de tout sur-expliquer. On croit aux personnages et à leur relation, et c’est là l’essentiel. C’est lié à une écriture intelligente et à une caractérisation aboutie mais aussi au jeu des deux comédiens principaux, Heston Horwin et Jillian Harris (à ne pas confondre avec la présentatrice TV canadienne du même nom), tous les deux très convaincants et visiblement investis dans leurs personnages.

Quant à la réalisation, on sent qu’elle a été intelligemment réfléchie, en fonction de l’histoire et de ses enjeux. Par exemple les protagonistes, quand ils sont seuls dans le cadre, occupent souvent le côté droit ou gauche du plan, et on a parfois l’impression que la partie laissée « vide » évoque la présence implicite de « l’autre » (le frère ou la sœur selon les cas), et donc l’idée de la relation omniprésente dont Dead Dicks est le récit à la fois amusé et douloureux.
Ne vous laissez pas avoir par le pitch du film : Dead Dicks ne cherche pas à jouer la carte de la bizarrerie gratuite. Il y a un vrai sujet, une vraie histoire, plutôt émouvante et grave, même si le film, et c’est tant mieux, a aussi un côté humoristique, comme son titre farfelu le laisse présumer.

Interview de Chris Bavota (en anglais)
À lire sur le site horrorchannel.co.uk, une interview de Chris Bavota, co-réalisateur de Dead Dicks, qui explique entre autres comment lui et sa collaboratrice (et épouse) se sont répartis les tâches sur le plateau (Bavota ayant visiblement travaillé sur la caméra, et Lee Paula Springer davantage sur la direction d’acteurs et la mise en scène).
Interview with Chris Bavota, co-director of Dead Dicks
C'est un coup d'essai réussi pour Chris Bavota et Lee Paula Springer que ce Dead Dicks souvent drôle mais aussi touchant et sincère. On espère que le couple prolongera une collaboration qui s'annonce prometteuse.
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