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Albert Finney dans "Samedi soir, dimanche matin"
Drame 4

Samedi soir, dimanche matin

Par Bertrand Mathieux · Le 2 octobre 2013

Film de Karel Reisz
Titre original : Saturday Night and Sunday Morning
Année de sortie : 1960
Pays : Royaume Uni
Scénario : Alan Sillitoe, d’après son roman Saturday Night and Sunday Morning
Montage : Seth Holt
Photographie : Freddie Francis
Musique : John Dankworth
Avec : Albert Finney, Shirley Anne Field, Rachel Roberts, Hylda Baker, Norman Rossington

Arthur Seaton : Don’t let the bastards grind you down!

Avec Samedi soir, dimanche matin, le metteur en scène Karel Reisz s’inscrit parmi les précurseurs du cinéma réaliste et social britannique. Le film offrit par ailleurs à Albert Finney, auteur d’une performance remarquable, son premier rôle important au cinéma.

Synopsis de Samedi soir, dimanche matin

Arthur Seaton travaille en tant qu’ouvrier tourneur dans une usine de Nottingham. Il tente d’oublier les heures épuisantes passées à l’usine dans la chaleur enfumée des pubs, dans les parties de pêche dominicales et dans les bras d’une maîtresse, Brenda, mariée à l’un de ses collègues.

Le jour où Brenda tombe enceinte de lui, la situation se complique pour Seaton…

Critique du film

I hope that Arthur Seaton is alright
I hope that Charlie Bubbles had a very pleasant flight

Extrait de la chanson Where Are They Now (1973), par les Kinks.

Le contexte culturel et social d’un film – d’une œuvre d’art en général, d’ailleurs – est plus ou moins important selon les cas ; en l’occurrence, Samedi soir, dimanche matin peut difficilement être vu et pleinement apprécié sans en tenir compte – ce qui ne signifie pas, loin s’en faut, que le premier long métrage de Karel Reisz ne possède pas de qualités intrinsèques.

Sorti un an après Les Corps sauvages (Look Back in Anger) de Tony Richardson, et produit par ce dernier, Samedi soir, dimanche matin est, à l’instar du film précité, l’un des premiers exemples notables du cinéma social et réaliste britannique, dont Ken Loach allait, bien plus tard, devenir l’une des figures les plus célèbres. Et s’il fallait le rattacher à un mouvement plus général – c’est-à-dire non limité au septième art uniquement -, ce serait le « kitchen sink realism », qui avait comme particularité de dépeindre – que ce soit par le biais de romans, de pièces ou de films – le quotidien de la classe ouvrière britannique de façon réaliste et en mettant en scène un personnage plus ou moins rebelle à l’égard du système.

Albert Finney dans "Samedi soir, dimanche matin"

Albert Finney dans « Samedi soir, dimanche matin »

Arthur Seaton, le héros de Samedi soir, dimanche matin, est l’un des exemples les plus iconiques de cette typologie de personnages. Sa vie, partagée entre l’usine, les soirées au pub, les bagarres, le lit de sa maîtresse et la pêche, comporte tous les ingrédients pour faire de lui, aux yeux d’une partie du public anglais, le reflet d’une certaine réalité sociale et le symbole de la colère qu’elle inspire. Face à cette réalité, Seaton revendique le droit au plaisir et à la liberté individuelle (I’m out for a good time – all the rest is propaganda!). Refusant la conformité, il peste contre la télévision devant laquelle végète ses parents (They have a TV set and a packet of fags, but they’re both dead from the neck up) et méprise les ouvriers qui cirent les pompes du patron. Pour autant, Seaton n’a pas d’étiquette politique et c’est d’un ton davantage léger qu’engagé qu’il évoque, dans une scène du film, le fait d’avoir voté communiste avec la carte électorale de son père. C’est là un autre aspect important du personnage : en échappant à une couleur politique précise et en ne recherchant que son propre plaisir, Seaton n’en est que plus libre et intemporel. D’ailleurs, la scène pop rock anglaise continua, près de trente ans après la chanson des Kinks intitulée Where Are They Now?, à faire référence à Samedi soir, dimanche matin, par le biais de groupes tels que les Arctic Monkeys ou encore Madness.

Albert Finney

Albert Finney dans « Samedi soir, dimanche matin »

Le fait que Seaton ait produit de tels échos dans la culture britannique doit beaucoup à la performance d’Albert Finney (L’Usure du temps, Les Duellistes), qui pour son tout premier rôle principal au cinéma est parvenu avec une présence et un talent admirables à donner à son personnage toute l’énergie et la force qu’il exigeait. Finney est Seaton dans le film, et le fait qu’il réalisa, en 1967, Charlie Bubbles – qui est fait du même bois que Samedi soir, dimanche matin – prouve que ce type de rôle et de thématique lui tenait particulièrement à cœur. Il faut du bagout, une gueule et du tempérament pour camper un personnage comme Seaton – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on trouve, parmi les autres comédiens qui se sont distingués dans le genre, des pointures telles que Richard Burton (Look Back in Anger) et Richard Harris (Le Prix d’un homme) -, or Finney remplit aisément ces critères.

Rachel Roberts et Albert Finney dans "Samedi soir, dimanche matin"

Rachel Roberts et Albert Finney dans « Samedi soir, dimanche matin »

Seaton est l’épicentre du film ; c’est en lui que se concentre tout son propos et son énergie. Karel Reisz en est parfaitement conscient et sa caméra s’attarde souvent sur le visage tantôt épanoui, tantôt rêveur ou tourmenté du protagoniste. Mais les décors jouent également un rôle essentiel : les plans sur les quartiers industriels de Nottingham, les pubs, les maisons et les rues paisibles ont quelque chose d’emblématique – ils immortalisent une certaine Angleterre, comme le souligna justement l’historien du cinéma Claude Beylie qui écrivit à propos du film : Il s’agissait moins d’un procès de la condition ouvrière (certes décrite sans fard), que d’une évocation chaleureuse et, somme toute, nostalgique d’une Angleterre en voie d’extinction[…]. Beylie affirma également que le qualificatif de « marxiste », souvent attribué (hâtivement) au cinéma social britannique de l’époque, n’était guère approprié en l’occurrence ; en cela il a tout à fait raison puisque comme expliqué ci-dessus, Seaton ne revendique aucune appartenance politique et se montre même ouvertement sceptique à l’égard du communisme (It’s not the first time that bastard’s called me a red though. Not that I wouldn’t vote communist if I thought it would get rid of blokes like him). Loin du brûlot politique, Samedi soir, dimanche matin célèbre donc à la fois une colère saine contre un quotidien difficile, et le charme lié à certains aspects de ce même quotidien ; Seaton ne cherche d’ailleurs pas vraiment à en bouleverser les règles – mais à en tirer un maximum de plaisir et à lui opposer son individualité et ses principes. En somme, il est un peu comme un boxeur qui ne chercherait pas à mettre son adversaire KO, mais plutôt à marquer le maximum de points.

Shirley Anne Field dans "Samedi soir, dimanche matin"

Shirley Anne Field dans « Samedi soir, dimanche matin »

Samedi soir, dimanche matin se distingue également par un traitement frontal, et d’un réalisme alors inhabituel, de la sexualité et de l’avortement – ce qui lui valut une interdiction aux moins de seize ans à sa sortie. La relation entre Arthur et Brenda, une femme mariée, est en effet assez loin des conventions du cinéma britannique de l’époque, même si elle a aujourd’hui perdu de sa force initiale.

5 Note globale

Sans être aussi fort que Le Prix d'un homme, le film de Lindsay Anderson produit d'ailleurs par Karel Reisz (qui s'inscrit clairement dans le même genre cinématographique), Samedi soir, dimanche matin est un film de bonne facture servi par un acteur d'exception. C'est aussi le reflet d'un courant culturel, d'une époque, et d'un état d'esprit qui au fond traverse les générations et les frontières - qui n'a jamais vidé un bon verre en maudissant son travail et son patron ?

Albert FinneyBoulot mal géréFilm socialJoies du libéralismeKarel ReiszKitchen sink realismMonde du travail
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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

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4 commentaires

  • Jean-Pascal Mattei dit : 2 octobre 2013 à 15 h 06 min

    De Reisz, on se souvient aussi de « La maîtresse du lieutenant français », toujours éclairé par le brillant Freddie Francis (Elephant Man, son chef d’œuvre ?) sur une belle musique de Carl Davis ; quant à Finney, il trouvera son meilleur rôle chez Huston (« Au-dessous du volcan ») et, plus récemment, une poignante apparition chez Burton (« Big Fish »). Le réalisme social du cinéma anglais n’advient pas avec Loach mais remonte au moins à Dickens et à ses meilleurs adaptateurs (dont David Lean), et on le retrouve encore à la télévision britannique. Cette précision, cette justesse dans le portrait à la fois collectif et pluriel d’une société semble devoir beaucoup à la conscience de classe du pays, décuplée par la problématique contemporaine (apparue au débit des années quatre-vingt) du cosmopolitisme (revoyez les premiers Frears, qui paraissent tournés hier). Cette peinture sociale se trouve renforcée, encadrée, par le naturalisme du décor – ici Nottingham, ailleurs la campagne faussement bucolique des séries policières – : comme chez Balzac, le personnage s’avère inséparable de son environnement, refusant de s’y soumettre entièrement et pourtant produit du lieu et de l’époque. En France, peu de films abordent « les gens d’en bas », et plus rares encore ceux qui le font avec talent (« La Belle Equipe » de Duvivier, avec sa double fin rose et noire ; « Ressources humaines » de Cantet, avec ses acteurs non professionnels). Art structurellement, économiquement bourgeois, le cinéma hexagonal se préoccupe très peu de la classe ouvrière, et encore moins qu’elle aille ou non au paradis. D’où la valeur de ce titre qui parvient à capter un air du temps, celui du début des années soixante, encore dépourvu de l’amertume et des désillusions de la décennie suivante (et de la radicalisation politique consécutive). Et dire que Truffaut réduisait le cinéma anglais à Hitchcock…

    Répondre
  • lemer dit : 26 octobre 2013 à 10 h 41 min

    Bonjour Bertrand

    Immense acteur. Pas vu, dommage. Trop cher sur Amazon, et même pas trouvable par des moyens différent..
    Vu dernièrement, Piazza Fontana de Marco Tullio Giordana sur les évènements de l’attentat de la Banque Nationale d’Agriculture le 12 décembre 1969. Du bon cinéma italien. Film qui relate l’avant Brigades Rouge et aussi ce qui en découle, entre autre, l’attentat de la gare de Bologne et l’assassinat d’Ado Moro. Les parisiens auront la chance de voir Pasolini Roma a la cinémathèque française. Bonjour la décentralisation…

    Répondre
  • Jean-Pascal Mattei dit : 28 octobre 2013 à 10 h 43 min

    Bonjour Lemer,
    Je me permets de vous renvoyer aux adresses suivantes pour découvrir la riche exposition accompagnant la rétrospective Pasolini de la Cinémathèque et une conversation à propos du poète-cinéaste avec Olivier Père. Sur l’Italie des « années de plomb », Tullio Giordana signa aussi l’excellente saga historique « Nos meilleures années » (au titre emprunté à Pasolini, « la meilleure jeunesse ») visionnée jadis sur Arte. Je vous recommande aussi le « Romanzo criminale » de Placido, plus traditionnel et attaché au genre du polar sentimental. Bonne visite virtuelle et à bientôt.
    http://www.pasoliniroma.com/#!/fr/index
    http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2013/10/16/theoreme-de-pier-paolo-pasolini/#disqus_thread

    Répondre
  • lemer dit : 1 décembre 2013 à 14 h 52 min

    Bonjour Bertrand

    Merci pour les liens.
    Étant d’origine italienne par ma mère, je regarde tous les films italiens depuis maintenant une trentaine d’années. De Pasolini a Sorentino. A ce propos voir la Grande Bellezza. Vu ce WE la Femme du Veme de Pawel Pawlikowski tiré du Roman de Douglas Kennedy. Excellent jeu d’acteurs et film envoutant. A bientôt.

    Répondre
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