Film d’Emmanuel Mouret
Année de sortie : 2020
Pays : France
Scénario : Emmanuel Mouret
Photographie : Laurent Desmet
Montage : Martial Salomon
Avec : Camélia Jordana, Vincent Macaigne, Niels Schneider, Émilie Dequenne, Guillaume Gouix, Jenna Thiam, Jean-Baptiste Anoumon, Louis-Do de Lencquesaing, Julia Piaton
Pour qu’il y ait faute, il faut qu’il y ait des règles claires. Mais quelles sont les règles, en amour ?
Maxime (Niels Schneider) dans « Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait »
Avec Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret s’interroge sur le sentiment amoureux et ses ambiguïtés à travers un récit nuancé, à la fois dense et d’une fluidité admirable.
Synopsis du film
Maxime (Niels Schneider) rend visite à son cousin François (Vincent Macaigne). Celui-ci étant ponctuellement absent, Maxime est accueilli par Daphné (Camélia Jordana), la compagne de François, qui attend un enfant.
Daphné, sachant que Maxime sort d’une délicate situation amoureuse, l’invite à se confier à ce sujet avant, à son tour, de lui raconter les circonstances de sa rencontre avec François.
Au fil de leurs récits, une mosaïque complexe et nuancée de désirs et de sentiments se dessine peu à peu…
Critique de Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait
Depuis son premier film au titre sous forme de calembour (Laissons Lucie faire !, sorti en 2000), Emmanuel Mouret n’a eu de cesse de questionner le sentiment amoureux, et d’observer les parcours sinueux et les paradoxes déroutants propres à celles et ceux qui l’éprouvent. Paradoxes que le titre limpide de son dernier long métrage – Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait – exprime d’emblée.
La démarche ne consiste pas à tenter de formuler une vérité absolue, encore moins d’asseoir une posture morale quelconque. Le cinéma d’Emmanuel Mouret n’est pas un cinéma où l’on juge ; c’est avant tout un cinéma plein de mystère, de tendresse (il a de l’affection pour ses personnages, c’est une évidence) et d’ambiguïté. Dès qu’une hypothèse se profile au sujet du comportement d’un personnage, une autre vient aussitôt la nuancer ; les locutions « en même temps » et « d’un autre côté » ponctuent d’ailleurs, immanquablement, les réflexions qu’inspire la vision de ses différents films – et celui-ci, qui est peut-être son plus beau, ne fait pas exception sur ce point.

Au départ très légers (voire burlesques, en ce qui concerne Fais-moi plaisir), les films de Mouret intègrent des notes plus mélancoliques (présentes en fait dès le début mais disons, alors, moins perceptibles) depuis l’excellent Caprice (en réalité depuis Une Autre vie mais ce film, qui est un mélodrame, occupe une place un peu à part dans sa filmographie, du fait d’un ton plus homogène). Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (qui fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes 2020) représente un aboutissement dans cette recherche d’un ton nuancé : il montre en effet un équilibre rare, et précieux, entre douceur et amertume, légèreté et gravité, comédie et drame (des alliages qu’on retrouve, précisément, dans la relation amoureuse).
Équilibre rare, car ces tonalités se mêlent dans une toile impressionniste, dont aucun motif n’est surligné ou trop accentué. Cela vaut également pour l’utilisation de la caméra : si elle reflète une grande précision, il s’agit d’une précision discrète ; on ne verra jamais, chez Mouret, de mouvements d’appareils ampoulés ou de plans à la sophistication trop évidente. Mais ne nous y trompons pas : la mise en scène et les cadrages sont très soigneusement pensés.

Le scénario reprend le principe des « parenthèses » (c’est-à-dire qu’il imbrique des récits dans le récit, racontés par plusieurs personnages), une figure narrative déjà présente dans Un Baiser s’il vous plaît, dont Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait se rapproche beaucoup. Sa structure est cependant plus complexe : il y a ici plus de personnages, plus de relations qui s’entrecroisent, plus de rebondissements qui surviennent. C’est que Mouret, s’il cite (entre autres) volontiers François Truffaut (et notamment La Femme d’à côté) et Eric Rohmer, est aussi un admirateur d’Alfred Hitchcock : de son propre aveu, il a souhaité ici mettre en scène un film de suspense, mais un suspense amoureux.
Parce qu’il est plus riche (en événements) que les précédents, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait est aussi le plus long des films de Mouret à ce jour (2h02 minutes ; ses autres films se situant plutôt autour d’une heure et demie). L’ennui ne pointe ceci dit jamais le bout de son nez : le film est d’une fluidité exemplaire, comme le sont les notes de musique (classique : on entend du Chopin, du Grieg, du Satie…) qui l’accompagnent. Plusieurs facteurs concourent à cette fluidité : la narration, admirablement construite ; la mise en scène, d’une élégante précision ; les dialogues, qui parviennent à être littéraires sans jamais être verbeux ; et bien entendu le jeu des comédiens.

Ils sont tous absolument parfaits : pas une réplique, pas un geste, pas une expression ne paraît emprunté ou approximatif. C’est vrai pour Camélia Jordana (vue récemment dans le très beau La Nuit venue), Vincent Macaigne (Tonnerre), Niels Schneider (qui par son côté rêveur et candide, reprend un peu le type de personnage que Mouret incarnait lui-même dans ses premiers films), Guillaume Gouix (Gaspard va au mariage), Émilie Dequenne, Jenna Thiam, Jean-Baptiste Anoumon…
Le talent de tous ces acteurs est évident mais ce qui est évident aussi, c’est qu’ils s’épanouissent d’autant plus que le cinéma de Mouret leur laisse beaucoup d’espace (les plans séquence sont d’ailleurs très fréquents, ce qui était déjà le cas dans ses autres films). Je ne parle pas ici d’improvisation (sans doute pratiquement absente en l’occurrence), mais on sent que les comédiens respirent, s’écoutent mutuellement (ce qui peut paraître banal mais ce qui, en réalité, me semble loin d’être si fréquent que cela). Ce sentiment d’espace se communique au spectateur qui, malgré son masque de protection contre le COVID, respire lui aussi profondément…

À sa manière, le film est aussi une réflexion autour du cinéma et de la fiction en général ; on pourrait d’ailleurs presque parler de mise en abyme. Dans l’une des scènes, Daphné (Camélia Jordana) et Maxime (Niels Schneider) se réfèrent chacun, pour justifier des comportements humains, à des personnages de films ou de romans. Dans une autre scène, sur laquelle nous resterons discrets, il est question de composer un personnage. Cette référence à la fiction surgit même, implicitement, au détour d’un dialogue ; par exemple quand Maxime, après avoir raconté une partie de son histoire sentimentale à Daphné, suggère à celle-ci d’en faire de même (alors qu’elle l’invitait à continuer la sienne), c’est révélateur d’une logique narrative, et pas seulement de la politesse de Maxime : cette astuce permet d’alterner l’exposition de chaque personnage, pour des raisons de rythme et de construction.
Il n’est pas étonnant que Mouret, en parlant d’amour, nous parle aussi de fiction : pour lui, ce sont deux domaines qui doivent nous inspirer des questions, des émotions aussi, et conserver une importante part de mystère. Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait capte délicatement ce mystère, avec une virtuosité jamais démonstrative et même, une touchante humilité – c’est que les bons auteurs, souvent, ne se croient pas plus intéressants que leur sujet.
Bande-annonce
"Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait" est un beau et doux film impressionniste, ayant le bon goût de n'asséner ni jugement ni vérité toute faite sur un sentiment amoureux volontiers synonymes de contradictions et de paradoxes. Une harmonie constante règne entre des comédiens visiblement heureux de pouvoir composer autour d'un texte aussi élégant, et de personnages aussi nuancés. Le spectateur, bercé par la musicalité du film, et par son mystère vaporeux, n'est pas en reste.
3 commentaires
Nul nul nul le. Pauvre il veut nous faire du sautet il en est loin ouppppps heureux k j ai pas payé u e place de ciné sur çanal au bout de 15 minutes j ai zape
Je ne trouve pas que cela ressemble à du Sautet, ce n’est pas du tout le même style d’écriture, ni le même ton. Ceci dit, pour ma part, je trouve ça largement aussi bien !
Film certes assez long à démarrer mais très sympathique qui remet en question. Film je dirais uniquement compréhensible par des gens qui ont une ouverture d’esprit et un amour libre au quotidien. Les autres ne pourront pas le comprendre ou mal