Film de Guillaume Brac
Année de sortie : 2014
Pays : France
Scénario : Guillaume Brac et Hélène Ruault
Photographie : Tom Harari
Montage : Damien Maestraggi
Musique : Julien Roig, Timothée Régnier
Avec : Vincent Macaigne, Solène Rigot, Bernard Menez, Jonas Bloquet
Dans Tonnerre, la caméra de Guillaume Brac capture des moments de vie animés par une écriture sensible, une mise en scène sans maniérisme et des comédiens émouvants.
Synopsis de Tonnerre
Maxime (Vincent Macaigne), un musicien qui traverse visiblement une mauvaise passe, décide de passer quelque temps chez son père (Bernard Menez), dans la ville de Tonnerre (Bourgogne). Il espère pouvoir se reposer un peu et composer dans le calme, loin de la capitale.
Le jour où Mélodie (Solène Rigot), une jeune étudiante, vient l’interviewer pour le compte d’une publication locale, Maxime tombe passionnément amoureux d’elle. Tous deux partagent quelques beaux moments, jusqu’au jour où Mélodie ne donne plus signe de vie. Maxime va alors peu à peu perdre pied…
Critique du film
Tonnerre. Voilà un titre qui, de prime abord, interpelle. En lisant le résumé du film, on comprend qu’il fait référence à la ville homonyme, dans l’Yonne. C’est donc un titre qui, selon que l’on le lise comme un nom propre ou un nom commun, délivre d’emblée deux informations : le premier long métrage de Guillaume Brac accordera une certaine importance au cadre géographique de l’histoire ; et celle-ci aura probablement une dimension dramatique.
Le premier point peut paraître banal, mais c’est en réalité loin d’être le cas : beaucoup de films, de romans ou de nouvelles, décrivent des événements dont le contexte géographique a peu d’importance, et peut même ne pas être identifié. Ce n’est en aucun cas un point faible, cela signifie simplement que l’histoire pourrait se dérouler indifféremment dans une ville ou dans une autre, dans une région x ou y, tout simplement parce qu’il n’y a pas de relation – directe ou indirecte, concrète ou imagée – entre les faits relatés et le paysage qui les entoure, ou encore que ce dernier ne produit aucune atmosphère particulière. C’est d’ailleurs parfois le fait même que le lieu soit indéfini qui donne une certaine couleur au récit. Inversement, on citera beaucoup de longs métrages indissociables de l’endroit où ils sont sensés se dérouler, pour diverses raisons. Difficile d’imaginer, par exemple, un Baisers volés hors du Paris des années 60 ; un Conte d’été ailleurs que sur la côte bretonne ; une Poursuite impitoyable à des années lumières du Texas ; un Narcisse noir hors des frontières de l’Inde britannique ; un Atlantic City ailleurs que dans la ville des casinos et un Du côté d’Orouët loin… d’Orouët.
Ce dernier exemple n’a rien de fortuit, l’auteur de Tonnerre ayant déclaré à propos du film de Jacques Rozier, sorti en 1973 : Du Côté d’Orouët a déclenché mon envie de faire du cinéma. Grâce à lui, je me suis rendu compte que l’on pouvait faire un film fort et très émouvant en racontant des choses simples. Cela m’a décomplexé. D’un coup, le cinéma devenait beaucoup plus accessible, plus à portée de main
(source : lyonne.fr).
Difficile de ne voir qu’un hasard, dès lors, entre cette influence assumée du réalisateur et la présence au générique de Tonnerre de Bernard Menez, qui a tenu son tout premier rôle au cinéma dans Du côté d’Orouët. Le cinéaste a eu raison de laisser parler l’admirateur en lui au moment de composer le casting du film : le célèbre comédien livre ici une composition particulièrement juste et touchante.

Bernard Menez et Vincent Macaigne dans « Tonnerre »
À la lumière de ces informations, on ne s’étonnera pas que Tonnerre s’inscrive dans le cinéma intimiste, ancré dans le quotidien, auquel est manifestement sensible Guillaume Brac, qui cite d’ailleurs Maurice Pialat parmi ses autres références. Pour reprendre les termes que le jeune cinéaste utilise lui-même dans la citation ci-dessus, c’est un film fort
qui raconte des choses simples
. En cela, Tonnerre fait partie d’un genre très présent au sein du cinéma français (entre autres) ; un genre qui privilégie un jeu naturel et une réalisation épurée, dénuée de toute stylisation visible. Ce type de cinéma, si on le retrouve souvent sur les écrans, exige une rigueur et une précision qui sont, elles, plus rares. Les tournages orageux des films de Maurice Pialat en attestent : projeter sur un écran des moments de vie, à la fois simples, émouvants et authentiques, et surtout faire en sorte qu’ils forment un ensemble cohérent, avec une constante justesse de ton, est un exercice difficile, qui a produit bien des naufrages sur les rives de l’ennui et de la platitude.
C’est là un piège que Tonnerre évite de bout en bout. Du premier au dernier plan, on est embarqué par les personnages (même si le comportement du protagoniste dérange, révolte parfois), par leurs relations et leur histoire ; on est saisi par la justesse des mots et des gestes ; on découvre avec curiosité les rues de cette ville que l’auteur a si intimement liée au récit, et qu’il filme si bien. L’intensité promise par le titre du métrage suit une progression maîtrisée. Le film passe tour à tour par des zones calmes, turbulentes, violentes, mélancoliques, au fil de la construction simple et précise propre au scénario de Guillaume Brac et d’Hélène Ruault, qui avaient déjà écrit ensemble le moyen métrage Un monde sans femmes (2011), très réussi, et dans lequel jouait déjà Vincent Macaigne (aux côtés de Laure Calamy). Un scénario qui déroute d’ailleurs, par sa capacité à emmener le spectateur sur un terrain qui interroge, dérange sur le plan de la morale ; d’autant plus que le réalisateur se garde de tout jugement explicite, laissant le public réagir à sa manière face à la tempête dans laquelle s’engouffrent, contre toute attente, les différents protagonistes.
Les films comme Tonnerre laissent naturellement une place très importante aux comédiens, en ce sens que la réalisation est avant tout au service de leur composition, de leur présence. Nous avons déjà souligné la qualité du jeu de Bernard Menez, il faut aussi rendre hommage à Solène Rigot, très convaincante en jeune femme indécise, et à Vincent Macaigne. Lui et Guillaume Brac font partie de cette fameuse « nouvelle génération » d’artistes décrite par les Cahiers du cinéma dans un article daté d’avril 2013, et c’est une reconnaissance plus que légitime. Macaigne, metteur en scène de théâtre (son adaptation d’Hamlet à Avignon, en 2011, a fait couler beaucoup d’encre) et comédien, a une présence tout à fait remarquable qui, comme chez un certain Gérard Depardieu (les deux hommes se sont d’ailleurs rencontrés), conjugue force et sensibilité au sein d’une palette de nuances qu’on devine riche. Il aura a priori bien des occasions de l’explorer : entre La Bataille de Solférino, Tonnerre, l’excellent Tristesse Club de Vincent Mariette et maintenant Eden, il semblerait que sa carrière d’acteur de cinéma, initiée il y a déjà plus de dix ans (dans La Répétition, sorti en 2001), ne soit pas prête de s’interrompre. Tonnerre en restera, quoiqu’il arrive, une pièce de choix.
De par son réalisme, son approche de l'intimité des personnages et de leur environnement (social et géographique), Tonnerre s'inscrit dans une veine du cinéma français intimiste que d'illustres auteurs comme Maurice Pialat ont marqué de leur empreinte, et que des artistes comme Guillaume Brac et Vincent Macaigne honorent à leur tour, avec un talent et une sincérité indéniables.
3 commentaires
Bonjour
Citizen poulpe est mort?
Dommage, j’en mange un ce soir a l’ail et au persil pour la peine.
By!
Le Poulpe n’est pas mort, il va bientôt resurgir des profondeurs, sous une forme quelque peu différente – améliorée disons ! Probablement dans le courant de cet automne.
Bonjour
Tans mieux. C’était un peu long.