Film d’Antony Cordier
Année de sortie : 2017
Pays : France
Scénario : Antony Cordier, Julie Peyr, Nathalie Najem
Photographie : Nicolas Gaurin
Montage : Christel Dewynter
Musique : Thylacine
Avec : Félix Moati, Lætitia Dosch, Christa Theret, Johan Heldenbergh, Guillaume Gouix, Marina Foïs
Avec Gaspard va au mariage, Antony Cordier se penche sur une cellule familiale atypique pour explorer à nouveau les thèmes de la liberté, du désir et de la fantaisie, et leurs interactions souvent délicates avec les normes sociales.
Synopsis du film
Gaspard (Félix Moati) retourne dans la propriété de sa famille pour assister au mariage de son père Maxime (Johan Heldenbergh). Il croise Laura (Lætitia Dosch) dans le train, et lui demande de faire semblant d’être sa compagne.
Une fois sur place, Laura découvre une famille bien extravagante…
Critique de Gaspard va au mariage
Antony Cordier, à propos de
Gaspard va au mariage: Ce qui est drôle dans la vie, ce sont les qualités des gens, pas tellement leurs défauts. Quand Gaspard retourne dans sa famille, il remet le doigt dans un engrenage qui est un torrent d’affection familiale : son père l’idolâtre, son frère réclame sa présence, sa sœur le désire… C’est une catastrophe pour lui et la forme de cette catastrophe, c’est l’amour.
Le cinéaste Antony Cordier aime bien ce qui sort un peu du rang, ce qui questionne les convenances sociales de notre temps. Dans son premier long métrage, le très joli Douches froides (2005), il filmait des adolescents effleurant l’amour à trois tandis que dans Happy Few (2010), il observait deux couples « ordinaires » se livrer à une délicate tentative d’échangisme. Dans Gaspard va au mariage, son goût du décalage est plus flagrant encore, en ce sens qu’il est directement illustré par un élément de décor : comment ne pas voir, en effet, dans le zoo détenu par la famille du protagoniste l’incarnation même des fantaisies et des pulsions qui peuplent le cinéma de Cordier, et donc les corps et les esprits de ses personnages ? Peter Greenaway avait d’ailleurs choisi un contexte similaire dans le singulier A Zed & Two Noughts (1985).
Singulier également mais plus accessible (ce qui n’est bien sûr en rien un reproche, sauf peut-être pour les cinéphiles les plus snobs), Gaspard va au mariage aborde un sujet qui touche beaucoup de gens : les liens familiaux. Bien sûr, la famille chez Antony Cordier reflète le goût de la liberté et de la sensualité auquel il nous avait déjà habitué dans ses précédents films ; entre une sœur vêtue d’une peau d’ours et un père (formidable Johan Heldenbergh) qui se baigne nu, face à ses enfants, au milieu des garra rufa (ces fameux poissons « nettoyeurs », en l’occurrence très symboliques dans le contexte de cette scène), on n’est pas vraiment ici dans le genre de famille française que le cinéma hexagonal nous donne le plus souvent à voir.
Mais Cordier ne fait pas dans le décalage pour le décalage, loin de là, et c’est ce qui explique en partie la qualité de son cinéma. Non seulement ses personnages ont de la consistance (on croit en chacun d’eux), mais le réalisateur montre habilement que leurs fantasmes, sentiments et rêveries plus ou moins assumés entrent souvent en conflit tantôt avec eux-mêmes, tantôt avec les autres et plus généralement avec la société et le monde extérieur.
Virgile, par exemple, cherche dans le mariage à se situer dans une forme de normalité, tandis que le zoo familial est rattrapé à la fois par une réalité économique et, plus globalement, par une époque à laquelle l’auteur semble reprocher à demi-mots un goût trop prononcé des convenances, du paraître et du politiquement correct. Mais au-delà du cas de Virgile, tous les protagonistes de Gaspard va au mariage tentent, de façon plus ou moins bancale, de se construire au milieu (et hors) d’un environnement familial attachant mais aussi encombrant (un torrent d’affection familiale
, pour citer Antony Cordier), et d’un environnement social en partie contraignant.
Écrit en collaboration avec Julie Peyr (qui a travaillé plusieurs fois avec Arnaud Desplechin) et Nathalie Najem, le scénario convainc par une caractérisation ingénieuse des personnages et par un développement solide, tandis que Cordier se montre toujours à son aise avec une caméra (épaulé par son fidèle chef opérateur Nicolas Gaurin, qui avait déjà photographié ses précédents films), même si la bande originale de Thylacine (très réussie) lui a inspiré quelques scènes qui ressemblent un peu trop à des clips et créent ainsi une légère (et brève) impression de rupture (peut-être souhaitée, par ailleurs). Cela ne suffit en rien à gâcher un moment de cinéma singulier, sensible et plein de fraîcheur, ponctués d’accents de mélancolie jamais trop appuyés et de jolies trouvailles visuelles.
Regarder Gaspard va au mariage en streaming
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Gaspard va au mariage est un conte (comme le souligne son titre) familial farfelu dans lequel on retrouve ces pointes de fantaisie, de sensualité et de liberté typiques du cinéma d'Antony Cordier, mais aussi une lucidité plus grave qui, conjuguée aux éléments précités, forme un bel équilibre.
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