Film de Danielle Arbid
Année de sortie : 2021
Pays : France
Scénario : Danielle Arbid, d’après le roman Passion simple d’Annie Ernaux
Photographie : Pascale Granel
Montage : Thomas Marchand
Avec : Lætitia Dosch, Sergueï Polounine, Lou-Teymour Thion, Caroline Ducey, Grégoire Colin, Slimane Dazi
5 ans après Peur de rien, Passion simple est une nouvelle réussite dans la filmographie de Danielle Arbid, sur un thème difficile qu’elle aborde avec grâce, délicatesse et sobriété : la passion amoureuse.
Synopsis du film
Hélène (Lætitia Dosch), universitaire et mère divorcée, s’éprend d’Alexandre (Sergueï Polounine), un diplomate russe, avec lequel elle entretient une relation purement physique. Il l’appelle de temps à autres, ils font l’amour, puis ils retournent chacun à leur quotidien. Entre chaque retrouvaille, Hélène attend…
Critique de Passion simple
Que ce titre, Passion simple, convient bien au nouveau long métrage de Danielle Arbid. Il y a en effet quelque chose de « simple » ici, mais certainement pas de simpliste. De simple et de mystérieux. Le mystère dans la simplicité, c’est souvent bien plus fascinant qu’une complexité surfaite et démonstrative.
Le film de Danielle Arbid est en effet avare d’explications, d’analyses psychologiques, comme l’est probablement (je ne l’ai pas lu) le roman d’Annie Ernaux dont il est l’adaptation. C’est un film où le spectateur observe davantage qu’il ne réfléchit. Il ressent beaucoup aussi : l’utilisation de la caméra, au plus près des visages, des corps et même du grain de la peau, procure ici une expérience sensorielle immersive. Ainsi, s’il ne se passe dans le fond pas beaucoup de choses dans Passion Simple, on ne s’ennuie jamais, nos sens étant en permanence sollicités et cela pas uniquement dans les scènes d’amour, lesquelles sont par ailleurs remarquablement bien filmées, interprétées et « chorégraphiées » (notons que Sergueï Polounine est un danseur de ballet professionnel).
On aurait tort en effet de réduire Passion Simple à ces séquences, même si elles sont nombreuses et bien entendu importantes. Les scènes de transition, d’attente, sont tout aussi précieuses et témoignent de la virtuosité de la réalisatrice qui parvient, en seulement quelques plans montrant une femme travailler chez elle, à créer, avec la complicité de la chef opératrice Pascale Granel, un pur moment de cinéma, et à nous faire effleurer l’intimité secrète que cache une scène apparemment banale.
On soulignera notamment un joli travail sur les jeux de reflets dans des images paraissant illustrer le drôle de rapport au monde, et à l’autre, qu’expérimente la protagoniste. Le film est rempli de moments suspendus et presque berçants, traduisant l’état d’esprit d’une femme elle-même en lévitation, portée par un désir têtu et inexplicable.
Une femme incarnée à merveille par Laetitia Dosch, d’un naturel confondant, et que Danielle Arbid ne filme jamais comme une victime, de même que son amant Alexandre n’est jamais montré comme un manipulateur. Hélène choisit de vivre cette expérience certes vertigineuse et parfois même dangereuse ; en ce sens, c’est une femme libre. Et même lorsque le film montre les effets négatifs de son obsession (elle néglige son enfant ; sombre dans l’apathie la plus totale), on ne sent ni jugement ni leçon de morale de la part de la réalisatrice ; plutôt un questionnement. Pourquoi Hélène fait-elle ce choix, et pourquoi cet homme précis la pousse vers un tel abandon, un tel oubli d’elle-même ? Passion Simple ne propose pas de réponse précise à cette question, laissant au spectateur le soin, s’il le souhaite, d’élaborer ses propres hypothèses, ou d’appréhender le récit uniquement sur les plans émotionnel et sensoriel.
Cette ambiguïté, qu’on aimerait retrouver dans davantage de films contemporains, contribue à donner à Passion Simple son aura insaisissable. On ne sait pas exactement que penser de tout cela, et c’est pour cette raison que le film nous habite plus longtemps. Ses musiques aussi : les morceaux choisis par la réalisatrice sont tous excellents, et elle en fait un bien bel usage (la BO de Peur de rien témoignait du même bon goût).
À titre personnel, je retiendrai plus particulièrement une version ralentie de la chanson I Want You de Bob Dylan par Linda Vogel. Son refrain, composé pour l’essentiel des trois mots qui constituent le titre, synthétise bien le sentiment à la fois beau, vénéneux et insondable qui maintient Hélène quelques centimètres au-dessus de la surface terrestre pendant toute la durée de Passion Simple, et dont la réalisatrice, et sa comédienne, sont si bien parvenus à rendre compte, tout en se gardant bien de vouloir le décrypter.
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Passion simple est un beau film sur la passion et le désir, dont l'une des qualités, et non des moindres, est de privilégier l'observation et la sensation à l'analyse. Une réussite, qui doit aussi beaucoup au talent de Lætitia Dosch.
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