Film de John Landis
Année de sortie : 1981
Pays : Royaume Uni, États-Unis
Scénario : John Landis
Photographie : Robert Paynter
Montage : Malcolm Campbell
Musique : Elmer Bernstein
Avec : David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John Woodvine
Avec Le Loup-garou de Londres, John Landis signe un mélange d’horreur et d’humour décalé, servi par les remarquables effets spéciaux de Rick Backer.
Synopsis du film
David Kessler (David Naughton) et Jack Goodman (Griffin Dunne), deux étudiants américains, se retrouvent – à l’occasion d’un long voyage à travers l’Europe – dans le parc national de North York Moors, en Angleterre. La nuit approchant, ils décident de faire un arrêt dans une auberge sobrement baptisée The Slaughtered Lamb.
Les locaux ne semblent pas se réjouir de l’arrivée des deux touristes, surtout lorsque Jack les questionne à propos d’un symbole étrange (une étoile à cinq branches) inscrit sur l’un des murs de l’établissement. Mal à l’aise, ils décident de partir tandis qu’on leur conseille de ne quitter la route sous aucun prétexte.
Quelques minutes plus tard, pris par leur conversation, David et Jack ne se rendent pas compte qu’ils marchent désormais en plein coeur de la lande anglaise. Soudain, un grognement retentit dans la nuit et ils tentent aussitôt de rejoindre la route – mais il est déjà trop tard…
Critique du Loup-garou de Londres
1981 : le loup-garou vedette du cinéma
L’année 1981 a fait date pour les cinéphiles amateurs de loups-garous, puisqu’elle fut le cadre de la sortie de deux werewolf movies toujours considérés comme des classiques absolus du genre, à savoir Hurlements (de Joe Dante, sorti en avril 81 aux États-Unis) et Le Loup-garou de Londres, de John Landis, qui lui emboîta le pas dès l’été suivant.
On peut dire que c’est là un pur hasard de calendrier, du moins le semble-t-il, surtout si l’on considère que l’idée du Loup-garou de Londres avait germé dans l’esprit malicieux de Landis plus de dix années plus tôt, alors qu’il travaillait comme assistant de production sur le tournage de De l’or pour les braves (1970), un film de guerre au casting prestigieux (incluant Clint Eastwood, Telly Savalas et Donald Sutherland). C’est la vision d’un rite mortuaire pratiqué par des Roms, dans un endroit désert de ce que l’on appelait alors la Yougoslavie, qui inspira au futur auteur des Blues Brothers le scénario du Loup-garou de Londres, dont il termina une première version dès 1969.
Au début des années 80, John Landis est passé depuis un moment déjà derrière la caméra, puisqu’il a signé quatre longs métrages, dont le tout premier – un hommage aux monster movies intitulé Schlock (1973) – n’est d’ailleurs pas sans préfigurer celui qui nous intéresse ici, du moins en ce qui concerne l’attrait manifeste de Landis pour les films hantés par des créatures velues. Parmi ces quatre films figurent deux œuvres cultes, à savoir The Kentucky Fried Movie (1977) – une hilarante compilation de fausses pubs et bandes annonces auquel l’humour des Nuls doit beaucoup – et Les Blues Brothers (1980), la célèbre comédie musicale rythmée entre autres par la non moins célèbre chanson Everybody Needs Somebody to Love.
Entre horreur classique et ironie : l’approche de John Landis
Mais revenons à nos moutons – vous noterez la subtile association avec l’univers de la lycanthropie – avec ce fameux Loup-garou de Londres qui est à la fois un bel hommage au genre et un film imprégné de l’humour – volontiers ironique – de son auteur. Le début du film met en scène une situation extrêmement fréquente dans la littérature et le cinéma horrifiques : des voyageurs, évoluant dans une campagne isolée, trouvent refuge à la tombée du jour au sein d’une auberge où des locaux méfiants leur réservent un accueil plutôt froid. Regards hostiles, non-dits et symboles inquiétants sur les murs ponctuent la scène (on songe, entre autres, à l’ouverture du parodique Bal des vampires, de Roman Polanski). À deux reprises, on leur signifie de rester sur la route, et de ne pas s’aventurer dans la lande – et bien sûr, ils ne suivront pas cette mise en garde une fois dehors…
Cette mise en place très classique reprend bien entendu volontairement les codes du genre à la lettre, tandis que l’attaque prévisible qui sanctionne l’imprudence des deux jeunes américains incarnés par David Naughton et Griffin Dune est filmée avec le souci perceptible d’effrayer le spectateur – ce qui n’empêchera nullement le metteur en scène de glisser de nombreux gags tout au long du film. Contrairement au plus sérieux Hurlements, Le Loup-garou de Londres jongle donc avec les registres horrifiques et comiques et il le fait plutôt bien, notamment quand il parvient à allier les deux dans une même scène.
Ainsi, le cauchemar que David fait à l’hôpital, dans lequel des loups-garous habillés en soldats allemands massacrent sa famille, est à la fois drôle – impossible de ne pas esquisser un sourire devant le décalage entre ces bêtes folkloriques et leurs uniformes évocateurs – et grinçant, dans la mesure où il relie David (qui est juif) à un passé historique tragique. Il était particulièrement habile, de la part de Landis, de mettre en perspective la peur du loup éprouvée à cet instant par le personnage avec cette peur plus spécifique liée à ses origines. Cette séquence montre bien comment John Landis, en véritable auteur, s’approprie la mythologie du loup-garou d’une manière à la fois respectueuse, loufoque et personnelle.
Son sens de l’ironie se retrouve dans le choix des musiques et notamment du standard Blue Moon (écrit par Richard Rodgers et Lorenz Hart), dont il utilise trois versions distinctes : celle de Bobby Vinton (pendant le générique de début) ; celle de Sam Cooke (pendant la scène de la transformation) ; et enfin celle du groupe The Marcels au cours du générique de fin – à l’issue duquel John Landis adresse d’ailleurs un message de félicitations au Prince Charles et à Diana Spencer, tout juste mariés (en février 1981, soit six mois avant la sortie du film).
Un loup-garou dans la ville
Le loup-garou est une légende profondément rurale ; c’est pour cette raison que Le Loup-garou de Londres débute dans une campagne anglaise particulièrement isolée. En déplaçant l’action en milieu urbain, et qui plus est dans la plus grande ville du Royaume-Uni (Londres), John Landis ne fait pas que jouer sur un effet de contraste : c’est aussi une manière de montrer que même dans un cadre moderne – symbole de civilisation et de progrès technique -, les peurs rurales et anciennes, les instincts les plus primaires peuvent se frayer un chemin…
Une scène immortalisée par le travail de Rick Backer
La célèbre scène de la transformation, marquée par les brillants effets spéciaux du maquilleur Rick Backer, est encore aujourd’hui très convaincante. Là encore, Landis souligne l’horreur de la situation tout en glissant des notes comiques (le protagoniste regrettant d’avoir traité son ami de morceau de viande
), illustrant ainsi cette double composante qui forme le ton général du film. D’autre part la séquence – avec ces gros plans sur les membres du malheureux David qui s’agrandissent – joue avec cette métaphore sexuelle très fréquemment associée à la lycanthropie, en littérature comme au cinéma.
L’un des plans dont le réalisateur américain est le plus fier apparaît lors de la scène du métro, où un londonien, allongé sur un escalator, regarde la créature s’approcher de lui ; on ne distingue que rapidement, et en arrière plan, cette dernière, et le metteur en scène applique ici une recette qui avait déjà fait ses preuves : en montrer peu est en effet souvent un facteur de réussite dans tout bon monster movie qui se respecte (on citera ici Jacques Tourneur pour La Féline, Steven Spielberg pour Les Dents de la mer et Ridley Scott pour Alien).
Le casting
Le final, dont le déroulement contraint Landis à exposer cette fois davantage son loup-garou tragi-comique, convainc moins pour des raisons purement techniques : si la séquence de la transformation dénote d’un savoir faire admirable, l’animation de la créature a en revanche moins supporté le poids des années et la comparaison, certes injuste, avec des films plus récents. Néanmoins le film se regarde avec plaisir, et ce n’est pas dû qu’à l’écriture mordante de Landis et au talent de Rick Baker, mais aussi à un excellent casting : David Naughton et Griffin Dune composent un sympathique duo, tandis que la britannique Jenny Agutter apporte une véritable épaisseur dramatique à son personnage d’infirmière amoureuse.
Son compatriote John Woodvine convainc également dans le rôle du docteur Hirsch, et la solidité de l’interprétation fait indéniablement partie des atouts de cette œuvre attachante dont on comprend très bien qu’elle ait marqué les esprits, même si elle s’avère parfois inégale en termes de rythme et d’intensité.
Rick Baker et Rob Bottin, deux légendes des effets spéciaux
Si c’est donc Rick Baker qui signa les effets spéciaux du Loup-garou de Londres, c’est un autre grand maquilleur – Rob Bottin – qui réalisa ceux de Hurlements, l’autre film qui fit scintiller une pleine lune inquiétante dans les salles obscures au cours de l’année 1981. Tous deux ont des parcours assez remarquables, dont le résumé nécessiterait des articles dédiés : nous nous contenterons ici d’un échantillon sélectif.
Rick Baker, après avoir été assistant sur le tournage de L’Exorciste de William Friedkin, travailla entre autres sur King Kong (la version de 76 avec la sublime Jessica Lange) ; La Guerre des étoiles ; Furie (de Brian De Palma) ; Videodrome (de David Cronenberg, avec ce célèbre plan montrant James Woods plonger une main dans son ventre, ou encore une main armée sortir de l’écran de télévision) ; et Hellboy (de Guillermo del Toro). Le Loup-garou de Londres lui valut bien entendu de travailler sur d’autres films mettant en scène des lycanthropes, à savoir Wolf (1994), avec Jack Nicholson ; Cursed (2005), avec Christina Ricci ; et Wolfman (2010), avec Benicio del Toro. Enfin – impossible de ne pas le mentionner -, c’est Rick Baker qui est l’auteur du maquillage dans le clip culte de la chanson Thriller, réalisé par… John Landis. Michael Jackson a fait appel à eux parce qu’il avait été impressionné par Le Loup-garou de Londres.
De son côté, Rob Bottin a travaillé avec Joe Dante sur Piranhas (1978) puis avec John Carpenter sur The Fog (1980) ainsi que l’excellent The Thing (1982), où sa contribution est particulièrement remarquable. Il collabora avec Ridley Scott pour Legend (1985), et Paul Verhoeven sur Robocop (1987), Total Recall (1990) et Basic Instinct (1992).
Tous deux furent encensés, à juste titre, pour leur travail respectif sur Le Loup-garou de Londres et Hurlements, et il est indéniable que ces films n’auraient pas autant marqué la mémoire des spectateurs s’ils n’avaient comporté des scènes particulièrement impressionnantes pour l’époque, scènes qui doivent énormément au savoir-faire de ces maquilleurs virtuoses.
Du côté des loups, de Michel Meurger
Les origines, mais aussi les significations du mythe du loup-garou sont aussi variées que passionnantes. Comme souvent, la légende naît de faits authentiques – tels que les attaques de loups par exemple, ou encore des voleurs déguisés en loup – mais elle est également liée à des facteurs culturels, sociologiques, religieux, historiques… L’excellente revue indépendante Le Visage Vert, spécialisée dans la littérature fantastique, a publié dans ses numéros 22, 23 et 27 un dossier en trois parties intitulé Du côté des loups, rédigé par le critique et essayiste français Michel Meurger. L’auteur revient sur des anecdotes historiques mais aussi sur diverses oeuvres littéraires qui ont contribué à développer le mythe du lycanthrope.
Le Visage Vert est disponible dans un réseau de libraires à Paris, Lille et Pau. La revue peut également être commandée par le biais de son site internet.
Grâce à la qualité de ses effets spéciaux, à une mise en place aussi classique qu'efficace et à sa tonalité originale et personnelle, Le Loup-garou de Londres s'est affirmé comme l'une des principales références du werewolf movie. Plus récemment, John Landis a filmé une autre histoire de transformation dans Deer Woman (2005), l'un des épisodes de l'excellente série anthologique Masters of Horror. Écrit avec son fils Max Landis et bénéficiant de la présence envoutante de Cinthia Moura, Deer Woman comporte une référence explicite au Loup-garou de Londres.
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