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Isabelle Huppert dans "Elle" (2016)
Policier / Thriller 1

Elle

Par Bertrand Mathieux · Le 29 mai 2016

Film de Paul Verhoeven
Année de sortie : 2016
Pays : France, Allemagne
Scénario : David Birke, d’après le roman Oh… de Philippe Djian (l’adaptation du scénario en français a été confiée à Harold Manning)
Photographie : Stéphane Fontaine
Montage : Job ter Burg
Musique : Anne Dudley
Avec : Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Virginie Efira, Anne Consigny, Charles Berling, Jonas Bloquet, Vimala Pons, Lucas Prisor, Alice Isaaz

Elle combine la réalisation élégante et dynamique de Paul Verhoeven, l’écriture mordante de Philippe Djian et le talent de sa principale interprète, Isabelle Huppert. Le résultat est une œuvre audacieuse, déstabilisante et pleine d’ironie.

Synopsis du film

Michelle (Isabelle Huppert) dirige une entreprise spécialisée dans la création de jeux vidéo, assistée de sa collègue et amie Anna (Anne Consigny). Un soir, un inconnu masqué pénètre chez elle et la viole. Quelques instants après le départ du criminel, Michelle reçoit la visite de son fils Vincent (Jonas Bloquet), à qui elle ne dit rien de l’agression qu’elle vient de subir.

Le lendemain Michelle se rend au travail, comme d’habitude, et ne fait aucune démarche auprès de la police. Rapidement, elle reçoit des SMS laissant penser que le criminel rôde toujours dans les parages.

Équipée d’une bombe lacrymogène, Michelle commence à chercher un suspect potentiel parmi son entourage…

Critique de Elle

Je me suis éraflé la joue : c’est sur cette simple phrase que débute le roman Oh… (2012) de Philippe Djian, dont le nouveau long métrage de Paul Verhoeven, en sélection officielle au Festival de Cannes 2016, est l’adaptation. C’est une explication similaire que Michelle (Isabelle Huppert) donne à son fils Vincent (Jonas Bloquet) dans le film, quand il l’interroge à propos d’une marque sur son visage. Le roman, comme le film, part de là : une femme venant de subir un viol décide de le cacher à la majeure partie de son entourage, et de ne pas alerter la police.

À partir de ce choix initial, Elle met en scène une galerie de personnages truculents aux comportements tour à tour singuliers, énigmatiques, vulgaires, pathologiques, violents ou grotesques (parfois tout cela à la fois). Le tout sur un ton usant volontiers d’une ironie fréquente chez le réalisateur de Starship Troopers (1997).

Où comment la généralisation amènerait à une interprétation erronée du film

Ainsi que son titre le souligne, Elle est d’abord un personnage – une femme, en l’occurrence. Une femme forte, indépendante, au lourd passif, qui a une vie sexuelle libre, qui dirige une entreprise de jeux vidéo (un univers essentiellement masculin), qui entretient son fils et qui materne plus ou moins son ex-mari. Une femme qui ne représente pas les autres femmes, et c’est essentiel de le souligner à une époque où certains ont trop souvent tendance à chercher dans des personnages un caractère représentatif – un tel exercice donnerait en l’occurrence du film de Paul Verhoeven une lecture erronée et source de polémique.

Car lorsque l’on perçoit à travers un personnage l’incarnation d’un groupe de personnes ou d’un genre, on s’attend en général à une vision plus ou moins normalisée des choses ; le personnage porte sur ses épaules une sorte de responsabilité, que l’auteur est censé assumer. Or Elle prend justement le contrepied de toute normalisation, et comme Philippe Djian le dit lui-même : Michelle n’est pas LA femme, c’est une femme particulière, avec son passé (source : Philippe Djian: Dans la vie, on n’est jamais loin de basculer). De la même manière, Elle n’est pas un film qui traite du viol en général – ce crime est ici un moyen, un élément déclencheur, mais pas une thématique à part entière.

Élément déclencheur qui entraîne une série de choix, d’actions et de réactions, par lesquels se définit peu à peu le personnage de Michelle (tout en conservant une large part de mystère). Toute approche psychologique approfondie est ainsi volontairement écartée, et ce parti pris s’applique d’ailleurs à l’ensemble du film : au spectateur de composer avec cette mosaïque troublante, cette suite d’accords dissonants qui provoquent tantôt le malaise, tantôt le rire (le film est souvent très drôle), tantôt la perplexité.

Cette bizarrerie est d’autant plus déroutante qu’elle ne nous est pas présentée comme telle : les actes les plus troublants et singuliers du film nous sont montrés avec une sorte de naturel, d’évidence. Nul personnage n’en souligne l’étrangeté ou l’anormalité, en tous cas jamais de façon insistante ; cela aurait créé un point de repère que le public se serait naturellement approprié. Or le brouillage des repères était précisément l’un des objectifs de Paul Verhoeven, et probablement de Philippe Djian avant lui.

Une absence de message habilement transgressive

Que penser de Elle (question qui s’applique donc aussi bien au film qu’à son personnage principal) ? Ce n’est évidemment pas, est-il besoin de le dire (sans doute, car il est probable que Elle soit attaqué à ce sujet), un film qui excuse ou minimise le viol – les scènes d’agression, brutales et dérangeantes, sont d’ailleurs filmées sans la moindre complaisance (on a parlé de thriller érotique pour qualifier le film, ce que Verhoven a démenti : il n’y a en effet pas ou peu d’érotisme ici, et ce qualificatif serait même plutôt choquant en l’occurrence).

Peut-on dire que c’est un film féministe ? Oui et non. Oui en raison de la personnalité de la protagoniste et de la manière dont elle transforme une situation subie en une situation choisie. Sans compter qu’elle paraît surnager au-dessus d’une multitude de personnages masculins aux profils peu flatteurs pour le sexe fort : les hommes sont, selon les cas, stupides, pervers, obsédés, faibles ou incapables de voir les choses en face. L’ex-époux campé par Charles Berling est sympathique et attachant, mais aussi complètement paumé. Et quand il cherche à se poser en protecteur, le film ridiculise aussitôt cette louable intention – manière évidente d’inverser les codes et d’asseoir l’indépendance de l’héroïne.

Isabelle Huppert dans "Elle"

Michelle (Isabelle Huppert) dans « Elle »

Mais dans le même temps, il est un peu caricatural de chercher ici un propos féministe à proprement parler. D’abord, comme indiqué plus haut, Michelle ne représente pas LA femme ; ensuite il est à mon avis inapproprié de guetter un message particulier dans Elle, qu’il soit moral, sociologique ou autre. C’est une démarche d’ailleurs toujours audacieuse que de créer sans forcément proposer de message, surtout dans des arts narratifs tels que la littérature ou le cinéma. Car beaucoup en cherchent systématiquement un – et alors soit son absence déroute, soit on lui substitue (à cette absence) des messages imaginaires, totalement subjectifs mais arbitrairement attribués à l’auteur.

Peut-être est-ce pour cette raison que Paul Verhoeven considère Elle comme son film le plus subversif. En effet, si plusieurs des précédents longs métrages du cinéaste néerlandais présentent une dimension critique (c’est le cas par exemple de Robocop, Total Recall et surtout Starship Troopers), leur propos est relativement clair, si du moins on en cherche un (ces films peuvent aussi être vus comme de purs divertissements). Tandis que dans Elle, Paul Verhoeven filme des comportements qui soulèvent des questions, qui elles-mêmes soulèvent des hypothèses ; rien n’est affirmé, rien n’est clair, tandis que tout cela résonne dans des zones particulièrement troubles de l’être humain. En cela il s’agit effectivement d’un film transgressif, surtout à une époque où le cinéma prend (trop ?) souvent la voie de la démagogie.

Welles, Verhoeven et le mouvement

Au niveau formel, Elle reflète le sens aigu du cadre, du rythme, de l’espace et du mouvement de son auteur. Le film bouge beaucoup (mais d’une manière élégante, jamais hystérique) : la caméra nous entraîne dans une sorte de valse déréglée dont on ignore totalement quelles en seront les prochaines mesures. Il faut dire que Verhoeven a cité La Soif du mal (1958) parmi les références cinématographiques qu’il avait en tête au moment du tournage de Elle ; or le film fiévreux de Welles est en perpétuel mouvement, à l’image du célèbre plan séquence sur lequel il débute.

Pour parvenir à un tel résultat, le cinéaste a pu s’appuyer en partie sur le talent du chef opérateur Stéphane Fontaine (qui a travaillé avec Arnaud Desplechin, Jacques Audiard, Nicole Garcia, Mia Hansen-Løve, Barry Levinson…) et du monteur allemand Job ter Burg (Borgman, La Peau de Bax, Blackbook).

Une musique et un casting brillants

La partition écrite par la britannique Anne Dudley pour le film évoque l’atmosphère raffinée et mystérieuse qui émane de celle composée par Jerry Goldsmith pour Basic Instinct (1992), du même Verhoeven – autant dire que c’est une réussite. Et puisque l’on parle de partition, celles des comédiens sont d’une égale justesse : Isabelle Huppert (Merci pour le chocolat ; Loulou ; La Porte du paradis) montre une nouvelle fois l’étendue de sa maîtrise (j’ai un grand respect pour elle, dira un Verhoeven admiratif), tandis que ses différents partenaires à l’écran (Laurent Lafitte, Virginie Efira – vue récemment dans l’excellent Caprice -, Anne Consigny, Charles Berling, Vimala Pons, Christian Berkel) tirent chacun leur épingle de ce jeu pervers, sans oublier le duo souvent comique et désopilant incarné par Alice Isaaz et Jonas Bloquet.

Bande-annonce

8 Note globale

Le récit de Elle dynamite les conventions avec une énergie aussi sombre que grisante. Humour, malaise, réalisme et étrangeté se côtoient au sein d'une mécanique aussi déréglée (dans le fond) que remarquablement précise (dans la forme). Confronté à ces émotions contradictoires, parfois à quelques instants d'intervalle, le spectateur se voit proposer une expérience dont l'ironie grinçante, la liberté de ton et la singularité dénotent avec la démagogie ambiante. C'est, peut-être, ce qui explique l'absence de Elle du palmarès cannois.

Anne ConsignyCharles BerlingIsabelle HuppertLaurent LafittePaul VerhoevenPhilippe DjianVimala PonsVirginie Efira
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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

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Un commentaire

  • elphege dit : 9 juin 2016 à 13 h 25 min

    Belle et solide critique. Bien aimé la référence à la « démagogie ambiante »….

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