Film de Ti West
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2011
Scénario, montage : Ti West
Photographie : Eliot Rocket
Musique : Jeff Grace
Avec : Sara Paxton, Pat Healy, Kelly McGillis, Alison Bartlett, Lena Dunham et George Riddle.
Leanne Rease-Jones : Do you mind keeping it down?
Claire : You know what? Just back off ! You’re asking me what I do the other day? Well, I just recorded an unexplainable phenomenon! There is a ghost in this hotel and I got it on tape and it’s a big deal! So … just leave me alone!
Note : cette critique a été rédigée par un nouveau contributeur, Benoît Veyronnet.
Reprenant le concept classique du film de maison hantée, The Innkeepers est sans conteste l’une des bonnes surprises du cinéma d’épouvante américain de ces dernières années. S’il reste encore assez méconnu – surtout en France où aucun distributeur n’a voulu le prendre en charge – le dernier film de Ti West s’est taillé une bonne réputation au fil des divers festivals où il a été projeté, et pourrait bien devenir un petit classique.
Synopsis de The Innkeepers
Claire et Luke sont les deux derniers employés du Yankee Pedlar Inn, un hôtel sur le point de fermer définitivement ses portes. Ils passent ainsi le dernier week-end d’ouverture avec les rares derniers clients, tandis que leur patron est en vacances. Passionnés de phénomènes paranormaux, ils sont convaincus qu’un fantôme hante les lieux et cherchent à le prouver à l’aide d’enregistrements sonores.
Critique
A l’heure où le cinéma horrifique américain connaît ses plus gros succès commerciaux avec les found footage (la franchise Paranormal Activity) et les torture porn (la franchise Saw), un film comme The Innkeepers fait figure d’agréable anachronisme. En effet, Ti West persiste et signe dans le film d’épouvante old school après le sympathiquement rétro The House of the Devil. Mais si ce dernier se présentait comme un véritable hommage aux films d’horreur américains des 70/80’s en jouant la carte d’un certain fétichisme vintage jusque dans sa patine visuelle et la typographie du générique, le dernier opus du réalisateur de Cabin fever 2 semble plus intemporel, à l’image de l’hôtel où se déroule toute l’action du métrage.

Mais c’est bien dans son rythme et son atmosphère que le film s’inscrit dans la lignée d’œuvres comme Rosemary’s baby, par exemple, où le metteur en scène prend son temps à installer l’histoire, à nous accrocher à ses personnages, et à faire naître l’angoisse de façon diffuse et progressive jusqu’à un dernier acte particulièrement stressant.
Le film est découpé en trois chapitres et un prologue nous collant aux basques de Claire et Luke, deux employés d’hôtels gentiment geeks, travaillant le dernier week-end avant la fermeture définitive. La petite particularité est que nos deux protagonistes sont dès le début fascinés par les phénomènes paranormaux (ils regardent d’ailleurs des vidéos sur Internet du type Paranormal Activity) et bien décidés à prouver la présence d’un fantôme dans l’immeuble avec des prises de sons. Cette idée de mise en scène nous vaut un sound design immersif, notamment dans une séquence où Claire parcourt des recoins de l’hôtel avec un casque et un micro.

L’aspect visuel a également bénéficié d’un travail extrêmement soigné dans un Cinémascope de toute beauté, qui nous frustre encore plus du sort réservé au film en France, toujours honteusement inédit et qui n’a connu qu’une unique diffusion sur grand écran au PIFFF 2011. Les cadres ciselés et la superbe photographie sont un régal pour les mirettes, et jouent habilement la carte du hors-champ quand l’horreur se pointe dans un joli moment d’effroi en sous-sol principalement axé sur les regards pétrifiés de nos ghostbusters en herbe. Le climax final se rappelle aussi de la leçon de Polanski : montrer le moins pour suggérer le plus par la « simple » maîtrise du montage.

Mais si la tension fonctionne c’est aussi, voire surtout, grâce à des personnages réellement attachants, formidablement écrits et interprétés par Sara Paxton (vue dans le remake de La Dernière maison sur la gauche) et Pat Healy (vu cette année dans le glaçant Compliance). L’alchimie du duo principal fonctionne à merveille, l’humour est très présent et les dialogues sont à ce titre savoureux, notamment en ce qui concerne le cynisme débonnaire de Luke. Au fur et à mesure que l’histoire progresse, les fêlures de nos héros apparaissent, et même les seconds et petits rôles ont droit à une caractérisation efficace. Mention spéciale à Kelly McGillis, ex star des 80’s avec ses rôles dans Top Gun et Witness, incarnant ici une actrice déchue et alcoolique aux pouvoirs médiumniques. On aimerait presque être avec ces personnages tant ils nous semblent familiers et touchants ; et trop peu de films d’horreurs actuels affichent une telle volonté dans l’écriture de faire vivre ses protagonistes plutôt que d’en faire uniquement des réceptacles de la souffrance.

En s'inscrivant dans une démarche narrative et une esthétique du genre à l'ancienne, The Innkeepers parvient paradoxalement à être l'un des films fantastiques américains les plus originaux de ces dernières années. Pourtant, le film de maison hantée a connu quelques récents nouveaux rejetons tels que le Insidious de James Wan ; mais là où le réalisateur de Dead Silence orchestrait un rollercoaster en forme d'hommage cinéphile (à Poltergeist de Hooper/Spielberg en tête), West vise plus le cœur que les tripes, quitte à laisser une partie de son audience sur le carreau. Les autres seront sans nul doute sous le charme de cette série B classe et foncièrement attachante. On a donc hâte de voir comment Ti West a investi le sous-genre de l'horreur spatiale (Alien, Event Horizon) dans The Side effect, actuellement en phase de post-production.
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