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Season of the Witch
Fantastique 1

Season of the Witch

Par Bertrand Mathieux · Le 30 mars 2009

Film de George A. Romero
Autres titres : Jack’s Wife, Hungry Wives, Witches
Année de sortie : 1973
Pays : États-Unis
Scénario, photographie et montage : George A. Romero
Musique : Steve Gorn
Avec : Jan White, Ray Laine, Anne Mufly, Joedda McClain.

Une femme : Do you remember Jack’s wife?

Avec Season of the Witch, George A. Romero utilise la sorcellerie et sa symbolique pour traiter avant tout de la libération de la femme dans les sociétés occidentales.

Synopsis de Season of the Witch

Pittsburgh, début des années 70. Joan Mitchell (Jan White), mère de famille au foyer, vit avec son mari Jack Mitchell (Bill Thunhurst) et sa fille Nikki (Joedda McClain), âgée de 17 ans. Jack travaille beaucoup et Joan s’ennuie sérieusement au quotidien. Ses nuits sont ponctuées de cauchemars et ses journées, maintenant que sa fille a grandi, lui paraîssent terriblement vides.

Un jour, les amies de Joan évoquent l’existence d’une femme, Marion Hamilton (Virginia Greenwald), qui pratiquerait la sorcellerie. Joan éprouve aussitôt un mélange de peur et de fascination vis-à-vis de Marion. Elle décide de lui rendre visite…

Critique du film

La dimension sociale et politique des films de George A. Romero

Season of the Witch fait incontestablement partie des films de George A. Romero qui présente une forte dimension sociale et politique. Même s’il se défendait par exemple d’avoir voulu faire passer un message dans Diary of the Dead (2007), Romero fait rarement du pur divertissement, en ce sens que ses œuvres ont souvent une signification précise (bien qu’elles puissent être appréciées au premier degré) et sont étroitement connectées aux réalités sociales et culturelles qui correspondent à l’époque où elles ont été tournées (et qui pour la plupart, restent largement d’actualité).

Dans The Crazies, réalisé la même année que Season of the Witch, Romero utilise le pitch de base (des émanations toxiques répandent la folie dans une petite ville des États-Unis) pour dépeindre une administration américaine irresponsable, plus meurtrière que les personnes contaminées (très probable référence à la guerre du Vietnam, alors en cours). Quant aux morts-vivants du culte Zombies (1978), ils viennent comme par hasard hanter un centre commercial – difficile de ne pas voir dans ce choix significatif une critique de la société de consommation. Dès La Nuit des morts-vivants (1968), le précurseur du film de zombies, les références sociales et politiques sont bien présentes (on citera par exemple la mort hautement symbolique du protagoniste noir, abattu par des policiers à la fin du film).

Avec Season of the Witch, c’est à la condition de la femme que s’intéresse l’auteur, à une époque où le mouvement de libération des femmes, parti des USA au début des années 60, bat son plein dans de nombreuses sociétés occidentales (dont la France).

Season of the Witch : un film d’épouvante féministe

La condition des personnages féminins dans le film

Dès le début de Season of the Witch, les rêves de l’héroïne expriment clairement sa condition de femme au foyer brimée. Mère d’une adolescente bientôt majeure, épouse d’un mari peu attentionné et obnubilé par son travail, Joan est sujette à des aspirations, des désirs que son quotidien ne lui permet absolument pas de réaliser. Sa situation est symbolisée par un rêve explicite : son époux Jack lui passe une laisse autour du cou avant de l’enfermer dans une cage… Dans de nombreux cauchemars, elle est également traquée par un inconnu masqué, qui cherche à pénétrer chez elle, et dont on peut supposer qu’il représente son mari.

Jan White dans Season of the Witch

Jan White dans Season of the Witch

Les amies de Joan vivent d’ailleurs un quotidien similaire : toutes sont financièrement dépendantes de leur conjoint et mènent une vie de mère et d’épouse qui laisse peu de place à l’épanouissement personnel. Dans ce contexte qui, bien entendu, fait référence à une réalité sociale bien réelle, la rencontre de Joan avec une mystérieuse femme pratiquant la sorcellerie (incarnée par Virginia Greenwald) va représenter pour l’héroïne l’opportunité de se libérer de sa condition.

La sorcellerie : tout un symbole

Le choix de la sorcellerie n’a évidemment rien d’anodin : il faut rappeler que dans 99% des cas, les procès en sorcellerie qui eurent lieu aux 16ème et 17ème siècle (en France comme dans bien d’autres pays) étaient des procès sexistes, révélateurs des préjugés et des fantasmes qu’une société alors très religieuse nourrissait à l’égard des femmes.

En réaction à ce phénomène qui fit de nombreuses victimes innocentes, la sorcière incarne une image de liberté et de révolte féminines, que Season of the Witch utilise intelligemment pour articuler son propos féministe. Contrairement à beaucoup d’autres récits fantastique ou horrifiques, la sorcellerie n’est donc pas ici un ingrédient destiné à créér un sentiment de peur, mais un symbole d’émancipation aux lointaines racines.

Lire à ce sujet le dossier de presse de l’exposition « Présumées Coupables » aux Archives Nationales

Les références cinématographiques

Season of the Witch illustre donc l’émancipation d’une femme soumise à des codes et préjugés sociaux et culturels qui étaient, à l’époque du tournage, en plein bouleversement.

Le premier point culminant de la libération mentale et physique de la protagoniste est une relation sexuelle avec le petit ami de sa fille, Gregg Williamson (Raymond Laine). Celui-ci appelle d’ailleurs sa maîtresse « Mrs Robinson », en référence au film Le Lauréat (1967), de Mike Nichols, qui raconte l’histoire d’une liaison entre un jeune homme (joué par Dustin Hoffman) et une jolie quadragénaire (Anne Bancroft). Season of the Witch cite d’ailleurs un autre grand classique de l’époque, Rosemary’s Baby (1968), de Roman Polanski, auquel Shirley Randolph (Ann Muffly), une amie de Joan, fait allusion lors d’une conversation à propos de la sorcière (la sorcellerie est omniprésente dans Rosemary’s Baby, mais contrairement au récit de Romero, elle présente dans le Polanski une dimension clairement inquiétante et horrifique).

Une conclusion radicale

La fin de Season of the Witch souligne radicalement le propos du film et reflète aussi une certaine impasse, puisque la violence naît de l’impossibilité de communiquer et de faire bouger les lignes par le dialogue. On peut songer au plus récent Alexandra’s project (2006), de Rolf de Heer, dont l’héroïne tourmentée échaffaude un plan redoutable pour prendre sa revanche sur un mari trop égoïste et dominateur. Season of the Witch utilise toutefois une approche davantage symbolique que le film de Rolf de Heer et de ce point de vue, son final est davantage une métaphore qu’autre chose.

Jan White dans "Season of the Witch"

Jan White dans Season of the Witch

Une parenté thématique avec The Stepford Wives

Season of the Witch n’est pas l’unique film d’épouvante des années 70 qui propose une réflexion sur la condition de la femme. The Stepford Wives, de Bryan Forbes, un classique du cinéma fantastique, aborde également cette thématique (lire Portraits croisés : Season of the Witch & Les Femmes de Stepford). On notera au passage la ressemblance troublante entre les prénoms des héroïnes respectives de ces deux films : Joan et Joanna…

La frustration de George A. Romero

Romero, comme dans beaucoup de ses films, s’est énormément investi dans Season of the Witch, dont il a signé – en plus de la réalisation – le scénario, le montage et la photographie. Malheureusement, il semblerait que des investisseurs l’aient abandonné en cours de route, jugeant probablement l’œuvre incapable de rivaliser, commercialement parlant, avec La Nuit des morts-vivants (1968), un classique incontournable du cinéma d’horreur dont l’influence est toujours active. Ces difficultés financières ont altéré le résultat final, empêchant Romero de faire exactement le film qu’il voulait – situation d’autant plus frustrante que l’histoire lui tenait particulièrement à cœur.

Mais l’artiste est souvent le premier critique de son travail : si Season of the Witch est certes imparfait, et que le manque de moyens se ressent, le film est intéressant aussi bien sur le fond que sur la forme. Ainsi les rêves de l’héroïne permettent au réalisateur quelques tentatives audacieuses et assez expérimentales au niveau des cadrages, du montage et de la bande sonore. Par ailleurs, l’inventivité de Romero compense les problèmes de budget : de nombreux plans, réussis et créatifs, servent habilement le propos et l’atmosphère du film.

L’actrice principale, Jan White, est très convaincante dans son rôle de femme angoissée et oppressée. La réalisation de Romero met intelligemment en valeur l’expressivité de son visage et les émotions qu’on y lit – et pour cause, parallèlement à sa portée sociale et culturelle, Season of the Witch est aussi un beau portrait de femme.

Jan White dans Season of the Witch

Jan White dans Season of the Witch

7 Note globale

Avec ce conte horrifique féministe, profondément ancré dans son époque, George Romero démontre une nouvelle fois que le cinéma d'épouvante est pour lui essentiellement un moyen de parler de la société moderne.

FéminismeGeorge A. RomeroJan WhiteLibération sexuelleSorcellerie
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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

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Un commentaire

  • Jean-Pascal Mattei dit : 12 août 2013 à 15 h 18 min

    « Redacted » et « Diary of the Dead » cartographient magistralement notre monde numérique, magma d’images virales et tribales où l’on cherche en vain, comme Peter Schlemihl son ombre, notre corps (et notre âme) perdu, au moyen des outrages de la pornographie et de l’hyper violence. La forme exprime le fond. La fiction contamine tous les espaces (notamment privés). Ce pandémonium possède la perfection binaire du 1 et du 0 associée à la plasticité de fichiers éternellement manipulables (contrairement aux livres, figés dans le réel aboli). Strindberg l’affirmait déjà dans « Inferno » (le sien, pas celui d’Argento) : « Nous vivons en enfer. L’enfer est ici. »

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