Film de Paul Brickman
Année de sortie : 1983
Pays : États-Unis
Scénario : Paul Brickman
Photographie : Bruce Surtees
Montage : Richard Chew
Musique : Tangerine Dream
Avec : Tom Cruise, Rebecca De Mornay, Curtis Armstrong, Nicholas Pryor, Janet Carroll, Richard Masur, Joe Pantoliano
Joel Goodson: It was great the way her mind worked. No guilt, no doubts, no fear. None of my specialities. Just the shameless pursuit of immediate gratification. What a capitalist.
Risky Business est un coming-of-age movie offrant un dosage équilibré de légèreté, de cynisme et de lucidité. Le tout jeune Tom Cruise y trouva le rôle qui lança sa carrière.
Synopsis du film
Le jeune Joel Goodson (Tom Cruise) est un étudiant sérieux, qui vit chez ses parents (Nicholas Pryor et Janet Carroll) sur la rive nord de Chicago. Mr et Mrs Goodson sont très attachés à la réussite sociale, et font tout (comme leur nom de famille le suggère) pour que leur unique enfant prenne le chemin d’une brillante carrière ; la première étape consiste, bien évidemment, à intégrer une grande université américaine.
Joel se pose néanmoins beaucoup de questions sur son avenir, tandis que ses hormones commencent à le travailler sérieusement. Profitant de l’absence de ses parents, partis en voyage, il téléphone un soir à une call-girl, Lana (Rebecca De Mornay). C’est le début des problèmes…
Critique de Risky Business
Joel : Hey, listen to you guys. I mean, doesn’t anyone wanna accomplish anything? Or do we just wanna make money?
Ses amis : Make money!
Si passionnante et riche soit-elle sur le plan cinématographique (entre autres), la décennie 80 compte néanmoins, en cinéma comme en musique, son lot d’œuvres kitsch et un peu datées, car trop marquées par des codes esthétiques pas toujours du meilleur goût (même s’ils ont leur charme, à certaines heures de la nuit
). Les films avec Tom Cruise datant de cette époque s’inscrivent parfois parmi ces films qui accusent plus ou moins le passage du temps, comme par exemple Top Gun (1986), même si ce dernier procure – justement pour ses aspects un peu grotesques (et pour sa bande originale culte) – un indéniable plaisir de vision (d’autant qu’à bien des égards il reflète une époque, ce qui lui donne déjà un certain intérêt).
On aurait cependant tort de ranger trop hâtivement le film qui – trois ans plus tôt – avait lancé la carrière de la star dans le même tiroir que le fameux long métrage de Tony Scott. Risky Business, pour plusieurs raisons que nous évoquerons, ne saurait en effet être réduit au « premier grand rôle » de Tom Cruise (même s’il avait déjà tenu l’un des rôles principaux dans l’oubliable Losin’ It ; et un petit rôle dans The Outsiders de Francis Coppola), ni à une quelconque pastille pour les nostalgiques des années 80.
La structure du film est typique du genre cinématographique auquel appartient ce dernier, et que les américains nomment les coming-of-age movie, c’est-à-dire les films qui suivent les pas d’adolescent(e)s ou de jeunes hommes et femmes en pleine transition vers l’âge adulte
. Les exemples sont innombrables non seulement parce que le sujet parle à tout le monde (et attire en général le jeune public), mais en plus parce qu’il offre des schémas narratifs tout trouvés, basés sur une logique d’initiation et d’apprentissage (qu’on abordera, selon les cas, avec humour et/ou gravité). L’un des grands classiques du genre, outre Atlantique, est Le Lauréat (1967) de Mike Nichols. Comme il fait logiquement appel à de jeunes comédiens, le coming-of-age movie joue régulièrement le rôle de découvreurs de talents, ce qui profita aussi bien à Dustin Hoffman dans le film précité qu’à Tom Cruise pour celui qui nous intéresse ici.

« The dream is always the same. Instead of going home, I go to the neighbors’. […] Then I see her; this… girl, this incredible girl. »
L’une des qualités du film est de développer ces composantes du récit par le biais d’une écriture précise dans sa forme, maline dans son fond. Risky Business explore en effet des thématiques telles que l’obsession (très américaine) de la réussite sociale (que les parents de Joel transmettent – lourdement – à ce dernier ; ils s’appellent d’ailleurs « Goodson » qui veut dire littéralement « bon fils »), et la quête de l’argent comme principal idéal de vie dans les sociétés capitalistes. Le scénario développe ces sujets en usant d’un ton qui mêle humour, cynisme et ironie (le dénouement est particulièrement ironique), tout en soulignant son propos (loin d’être mièvre) par des répliques significatives et fort bien écrites. Propos non mièvre, donc, en ce sens que l’évolution du protagoniste n’est pas fondamentalement positive sur le plan humain : elle reflète, en opposition avec les questions louables qu’il se posait initialement ([…] doesn’t anyone wanna accomplish anything?
), l’acceptation d’un système basé sur l’argent, où ce dernier peut acheter à peu près tout (y compris une place à l’université).
Cette fable autour du modèle capitaliste fonctionne d’autant mieux que sur le plan esthétique, Risky Business bénéficie de la photographie soignée de Bruce Surtees, excellent chef opérateur qui travailla avec Clint Eastwood (Un Frisson dans la nuit ; Pale Rider), Don Siegel (L’Inspecteur Harry) et Arthur Penn (sur l’excellent Night Moves). Côté musique, on a droit à quelques standards de l’époque (Hungry Heart de Bruce Springsteen et surtout In The Air Tonight de Phil Collins), mais également à une bande originale inspirée composée par Tangerine Dream, des pionniers de la musique électronique qui ont signé entre autres la BO du Convoi de la peur (1977).
Côté interprétation, Risky Business met en avant un duo de choc composé de Rebecca De Mornay (pour l’anecdote, Sharon Stone passa une audition pour le rôle) et de Tom Cruise mais c’est, il faut bien le dire, surtout ce dernier qui tire son épingle du jeu (bien que tous les acteurs livrent une prestation plus d’honorable), tant il compose à merveille son personnage (on citera à titre d’exemple la fameuse danse improvisée sur Old Time Rock N’ Roll) et dégage, déjà, cette présence si particulière que le cinéma allait par la suite largement exploiter. On le retrouvera peu de temps après devant la caméra des frères Scott (Ridley pour Legend et Tony pour Top Gun), de Martin Scorsese (La Couleur de l’argent), de Barry Levinson (Rain Man) et d’Oliver Stone (Né un 4 juillet).
Risky Business est un conte initiatique qui traite des "valeurs" de la société de consommation avec beaucoup d'ironie. Ses qualités visuelles et scénaristiques font qu'on peut s'étonner que son auteur, Paul Brickman, n'ait guère connu de succès significatif, en tant que cinéaste, par la suite.
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