Film de Saul Bass
Année de sortie : 1973
Pays d’origine : États-Unis
Scénario : Mayo Simon
Photographie : Dick Bush
Montage : Willy Kemplen
Musique : Brian Gascoigne (compositeur principal), Stomu Yamashta (montage), David Vorhaus & Desmond Briscoe (musique électronique)
Avec : Nigel Davenport, Michael Murphy, Lynne Frederick.
Unique long métrage de Saul Bass comme réalisateur, Phase IV est un film singulier, qui met en scène une situation couramment exploitée dans la science-fiction : la civilisation humaine confrontée à une espèce hostile, qui menace sa position dominante sur le globe.
Synopsis de Phase IV
En Arizona, les chercheurs Ernest D. Hobbs (Nigel Davenport) et James R. Lesko (Michael Murphy) étudient le comportement des fourmis, sujet à des évolutions aussi étranges qu’inquiétantes à la suite d’événements cosmiques inconnus. En effet, plusieurs espèces se mélangent pour former un groupe remarquablement bien organisé et coordonné, et mener des attaques sophistiquées contre les êtres humains.
Dans une base située en plein désert, les deux hommes vont chercher à comprendre et à anticiper les mouvements des insectes. Une lutte stratégique commence. Le film relate les 4 phases de ce phénomène extraordinaire.
Critique du film
Saul Bass est avant tout célèbre pour avoir conçu des génériques et des affiches de film – c’est lui qui créa, par exemple, celle d’Autopsie d’un meurtre (Anatomy of a Murder), une référence du film de procès (réalisé par Otto Preminger).
Bass révolutionna le générique cinématographique en lui donnant une dimension esthétique (et parfois narrative) qu’il n’avait jamais ou rarement eu auparavant, en tous cas à ce point. Il signa notamment les génériques de plusieurs films d’Alfred Hitchcock – et non des moindres (Vertigo ; Psychose) -, d’Otto Preminger (L’Homme au bras d’or ; Autopsie d’un meurtre) et de Stanley Kubrick (Spartacus). Dans les années 1980 et 1990, Martin Scorsese, admiratif de son travail, fit appel à lui pour Les Nerfs à Vif, Les Affranchis, Le Temps de l’Innocence et Casino, dont le superbe générique sera sa dernière œuvre (Saul Bass disparaîtra en 1996, un an après la sortie du film).

Kendra (Lynne Frederick) dans « Phase IV »
On soupçonne que Bass collabora activement au découpage de certaines séquences des films sur lesquels il fut amené à travailler ; certains prétendent, témoignages à l’appui, qu’il aurait dessiné le storyboard de la scène culte de la douche dans Psychose – version des faits que démentit Sir Alfred Hitchock. Impossible d’émettre un avis tranché sur ce point ; en revanche, on ne peut qu’admirer les qualités de Saul Bass aussi bien au niveau visuel qu’en termes de construction et de montage – qualités qui le prédisposaient sans doute à passer derrière la caméra pour un long métrage. Il ne le fit qu’une seule fois, et le résultat est Phase IV.

James R.Lesko (Michael Murphy) analyse le langage des fourmis en mettant en corrélation leurs signaux et leurs déplacements.
Racontant la révolte structurée et méthodique de milliers de fourmis contre l’espèce dominante du globe terrestre (l’être humain), Phase IV illustre de fait un thème récurrent dans la science-fiction. Thème qui en l’occurrence peut se voir d’un point de vue purement humaniste et écologique (la nature se rebelle contre ceux qui exploite et/ou détruise la planète ; Long Weekend prendra clairement cette direction en 1978, mais La Planète des singes aborde également ce sujet à sa manière), ou encore comme l’illustration de la peur (ancestrale) qu’éprouve l’être humain à l’idée d’être dominé, renversé par une force supérieure.
À partir d’un scénario épuré et efficace (signé Mayo Simon, avec lequel Bass avait déjà collaboré sur le documentaire Why Man Creates en 1968), Saul Bass privilégie une approche sobre, scientifique (comme Le Mystère Andromède, par exemple), qui évite volontairement toute forme de spectaculaire ou de surenchère. La bande son souligne habilement l’étrangeté de l’atmosphère, tandis que le cinéaste soigne ses cadres et son montage, délivrant un récit millimétré et rigoureux. De son côté, la photographie du britannique Dick Bush (qui signera la photo du Convoi de la peur, trois ans après Phase IV) donne à certains plans une expressivité et un cachet indéniables.
Phase IV met en scène une situation décrite dans plusieurs récits de science-fiction : l'ébranlement de la suprématie humaine sur la planète. Le résultat est un film mâitrisé et bien exécuté, qui reflète par ailleurs le savoir-faire de son auteur au niveau du générique : celui qui clôture Phase IV est en effet une composante de l'histoire à part entière, où apparaissent pour la première fois le titre du film et sa (pessimiste, évidemment) conclusion.
5 commentaires
il a l’air terrible.
De très loin la meilleure analyse lue sur ce film culte !
Chapô !
Merci beaucoup pour le compliment !
Je vois que vous avez aimé « Phase IV », je songeais à Saul Bass récemment en revoyant deux films dont il a fait le générique : La Mort aux trousses et Les Nerfs à vif.
L’excellent site Art of the Title lui a rendu un bel hommage en vidéo, qui devrait vous plaire, si vous ne l’avez pas déjà vu : The Title Design of Saul Bass
excellent!! l’ai vus des dizaines de fois, à chaque fois sur une chaîne allemande! il existe en dvd zone 1 sans sous-titres, le possède en vhs cic d’époque!! film remarquable,ma théorie est que l’homme détruit tout(guerre-polution-vaccins-malbouffe etc…) , et vas se faire remplacer par les animaux ;plus intelligents!!
Créditer Bass de la réalisation de la scène de la douche de « Psychose », et pas seulement de son story-board, revient à vouloir déposséder un créateur de sa création (comme le tenta Pauline Kael avec « Citizen Kane », au point que Welles songea à la poursuivre en justice). Dans un documentaire de Laurent Bouzereau, Janet Leigh fait un sort à cette légende – dont acte.