Film de Baltasar Kormákur
Année de sortie : 2022
Pays : États-Unis
Scénario : Ryan Engle
Photographie : Philippe Rousselot
Montage : Jay Rabinowitz
Musique : Steven Price
Avec : Idris Elba, Iyana Halley, Leah Sava Jeffries, Sharlto Copley
Beast est un divertissement généreux, à la fois sans prétention et bien exécuté.
Synopsis du film
Le docteur Nate Samuels (Idris Elba) part en vacances avec ses filles Norah (Leah Jeffries) et Meredith (Iyana Halley) dans le parc national Kruger, la plus grande réserve animalière d’Afrique du sud. C’est dans ce pays qu’il avait rencontré son épouse, décédée d’un cancer peu après leur séparation.
Ils sont hébergés par Martin Battles (Sharlto Copley), un biologiste spécialisé dans la vie sauvage avec lequel Nate entretient de profonds liens d’amitié.
Le lendemain de leur arrivée, Martin, Nate et ses filles partent faire une balade dans la réserve. Martin décide de leur faire visiter un petit village local, qui se trouve être curieusement désert. Après une rapide inspection, Martin et Nate découvrent avec horreur des cadavres de villageois. Les griffures et morsures d’un grand fauve sont visibles à plusieurs endroits…
Critique de Beast
Les films avec des animaux agressifs (types requins ; crocodiles ; ours ; etc.) sont nombreux mais rarement réussis. Il s’agit même, dans 98% des cas, de copieux navets. Si Les Dents de la mer demeure de très loin la référence la plus prestigieuse en la matière, quelques honnêtes longs métrages parviennent cependant à se distinguer de temps à autres, comme ceux, par exemple, d’Andrew Traucki, dont le film The Reef est tout à fait regardable (sa suite, The Reef: Stalked, est en revanche complètement ratée).
Le dernier film de Baltasar Kormákur compte parmi les très rares bonnes surprises que nous réserve ce sous-genre, et ce pour plusieurs raisons.
Parlons d’abord du scénario de Ryan Engle. Certes, il est très conventionnel, prévisible (comme presque toujours dans ce genre de films, les personnages ont traversé une épreuve personnelle avant le début de l’action, et les événements vont leur permettre d’affronter leurs démons) et comporte un message écologique pas très fin (le braconnage, c’est mal). Mais il s’avère plutôt bien construit, et évite de trop verser dans le pathos ou l’exagération. Dit autrement, les grosses ficelles sont là, mais elles sont suffisamment bien utilisées pour ne pas plomber la narration.
Côté réalisation, Baltasar Kormákur a vraiment fait du bon travail. La précision de ses mouvements de caméra et son goût pour les plans séquence, y compris lors de « simples » scènes d’intimité (par exemple, quand la famille Samuels arrive chez Martin Battles, un long plan séquence suit le déplacement des comédiens dans le décor), permettent d’obtenir des scènes très fluides, agréables à regarder, et qui valorisent le jeu des acteurs.

Rappelons que si le cinéaste islandais s’est frotté à différents styles (sa filmographie a commencé avec le sympathique 101 Reykjavik, une pure comédie), il commence à cumuler pas mal d’expérience dans le cinéma à spectacle, et la réalisation maîtrisée de Beast en témoigne. Précisons qu’il peut ici s’appuyer sur un excellent chef opérateur, le français Philippe Rousselot, qui a travaillé avec John Boorman (sur La Forêt d’Émeraude), Stephen Frears (sur Les Liaisons dangereuses et Mary Reilly), Bertrand Blier (sur Trop belle pour toi), mais aussi Neil Jordan, Patrice Chéreau, Tim Burton…
Outre leurs scénarios régulièrement calamiteux, les films d’agression animale ont un autre écueil : la laideur des effets CGI. Il est en effet fréquent d’y voir des requins semblant sortir d’un jeu vidéo bas de gamme (pour faire de nouveau référence à Traucki, son choix de ne filmer que de véritables squales dans The Reef lui avait permis de contourner ce problème). En l’occurrence, si on se rend bien compte que le lion de Beast est virtuel, son apparence et ses mouvements sont plutôt convaincants, tandis que la sensation de poids, de masse est bien présente. Du coup, les apparitions de la bête sont assez efficaces, d’autant que comme déjà souligné, la mise en scène les orchestre habilement.
Du côté du casting, Beast ne déçoit pas. Idris Elba (révélé par la série culte The Wire) a toujours autant de charisme (décidément, il ferait un très bon James Bond !), et parvient à exprimer la peur et le doute, donnant ainsi à son personnage, et aux situations qu’il traverse, la crédibilité requise. Sharlto Copley (District 9 ; Free Fire) convainc en amoureux de la vie sauvage résolument hostile aux braconniers, tandis que les deux jeunes actrices qui interprètent les filles du Dr. Samuels (Iyana Halley et Leah Sava) s’en sortent très bien.
Rien de révolutionnaire ici : Beast ne prétend pas être autre chose qu’un bon spectacle. Sur le fonds, il s’inscrit dans la veine des survival écologiques qui mettent en scène une nature vengeresse, désireuse d’en découdre avec son tortionnaire (l’être humain). Il le fait sans finesse ni grande originalité mais avec savoir-faire, une vraie générosité et un plaisir communicatif.
Le résultat est un moment de cinéma agréable et décomplexé, tel que le cinéma français, empêtré dans son approche « auteurisante » du cinéma de genre (ce qui pourrait fonctionner, si encore on soutenait de bons auteurs…), se montre incapable de produire (et cessons de se référer sans cesse au Pacte des loups, film attachant mais kitchissime et inabouti sur le plan de l’écriture, par ailleurs sorti il y a vingt ans !).
Beast aborde un sous-genre casse-gueule avec une belle maîtrise technique, tant sur le plan des effets spéciaux que de la réalisation. Si l'on ajoute à cela de bons comédiens et un récit convenu mais qui tient la route, on obtient un film sympathique, qui remplit son contrat.
Aucun commentaire