Hier soir (mercredi 27 juillet), à la Cinémathèque française, avait lieu la troisième et dernière projection du cycle Parlons cinéma avec… Vimala Pons.
Une sélection inspirée et présentée avec humour
Du 13 au 27 juillet, Vimala Pons s’est vue confiée la programmation de trois séances à la Cinémathèque française. Une carte blanche, en quelques sortes. La comédienne et metteuse en scène, vue dans de nombreux films d’auteur souvent fantaisistes, décalés et singuliers (Comme un avion ; Marie et les naufragés ; Les Garçons sauvages et plus récemment le dernier film de Santiago Mitre), a choisi le format du double programme, proposant pour chaque séance un court puis un long métrage.
Ce parti pris lui a permis, comme elle l’a fort bien expliqué elle-même hier soir, de partager deux formes cinématographiques qui la touchent : le film d’art, qui se concentre sur l’image, le mouvement, l’immédiat ; et le film de fiction, beaucoup plus narratif, qui propose un récit avec un avant, un pendant et un après.
Vu la filmographie de Vimala Pons, on ne s’étonnera pas du bon goût reflété par la sélection faite, qui a mis à l’honneur, du côté des longs métrages, les brillants cinéastes Clément Cogitore et Kelly Reichardt (Pons avait choisi de montrer La Dernière piste, un très beau western). La troisième séance, la seule à laquelle j’ai assisté, comprenait un court métrage danois apparemment très apprécié par Lars von Trier (Det Perfekte menneske, de Jørgen Leth) et le premier film d’une très jeune réalisatrice (Emma Seligman, 25 ans), Shiva Baby.

La réussite de la soirée tient à la fois à la présentation drôle et intéressante de Vimala Pons, visiblement hyper enthousiasmée par ce projet, et bien entendu à la sélection.
Une jeune réalisatrice à suivre
Le film de Seligman, un tout petit budget (environ 200 000 dollars de mémoire ; il s’agit de son film de fin d’études), met en scène les angoisses intimes éprouvées par une jeune étudiante juive au cours d’un buffet familial, organisé dans le cadre d’une Shiv’ah (dans le religion juive, ce terme désigne la période de deuil suivant un enterrement). C’est un premier long étonnant de maîtrise, tant sur le plan de la forme (qui emprunte certains procédés au cinéma d’horreur et fantastique ; on pense en particulier au cinéma de Polanski, période Répulsion et Rosemary’s Baby) que de l’écriture. Celle-ci traite intelligemment des questionnements identitaires, des doutes et des vertiges propres à un âge de transition (l’héroïne a environ 25 ans), tout en explorant différents thèmes (la pression familiale et sociale ; l’angoisse liée à la maternité ; la culpabilité ; les modes de communication actuels ; le manque de confiance en soi ; la sexualité ; le rapport aux autres ; etc.) au fil d’un récit dense et extrêmement dialogué (les répliques fusent, un peu comme dans Flirter avec les embrouilles).
Souvent drôle mais aussi oppressant (tant la réalisation retranscrit bien les crises d’anxiété de la protagoniste) et émouvant, Shiva Baby (disponible sur la plateforme de streaming Mubi) donne beaucoup de raisons de s’intéresser à ce que va faire Emma Seligman dans les prochaines années, et aussi de suivre le parcours de ses comédiens, en particulier Rachel Sennott (impressionnante d’expressivité), qui depuis a tourné dans la comédie horrifique Bodies Bodies Bodies.
Le contraste troublant entre les deux films diffusés (l’un très calme et contemplatif, l’autre troublé et agité), évoqué lors de la discussion post-projection, était un autre aspect intéressant de la soirée.
On espère désormais une chose : que la Cinémathèque française va continuer de donner carte blanche à Vimala Pons, pour son plaisir et celui des spectateurs.
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