Film de Bruno Podalydès
Pays : France
Année de sortie : 2015
Scénario : Bruno Podalydès
Photographie : Claire Mathon
Montage : Christel Dewynter
Avec : Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain, Agnès Jaoui, Vimala Pons, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Jean-Noël Brouté, Noémie Lvovsky, Samir Guesmi
Comme un avion sans aile,
j’ai chanté toute la nuit
Comme un avion, de Bruno Podalydès, est une invitation à prendre le temps de faire la sieste au bord de l’eau, d’écouter de la bonne musique et de goûter aux plaisirs terrestres. On aurait tort de la dédaigner…
Synopsis du film
De nos jours, en région parisienne. Michel (Bruno Podalydès) et sa femme Rachelle (Sandrine Kiberlain) coulent des jours tranquilles : leurs enfants ont grandi, leur complicité et leur amour sont restés intacts. Mais Michel est un doux rêveur, et il pense avec regret à ses fantasmes de voyage en avion, jamais réalisés. Ses amis lui offrent un baptême de l’air pour son anniversaire, mais voilà qui est trop formaté pour cet éternel romantique.
Un jour, au travail, alors qu’il cherche un exemple de palindrome sur internet, Michel tombe sur le mot « kayak » et aussitôt, la forme de l’objet l’inspire. Rapidement, il commande en ligne un kakak en kit et prépare avec soin son projet : descendre pendant quelques jours une rivière, à bord de sa nouvelle acquisition…
Critique de Comme un avion
En général, les films qui mettent en scène un personnage qui quitte, temporairement ou non, le foyer conjugal pour partir en solitaire reproduisent, avec plus ou moins de finesse, des schémas dramatiques récurrents. Un mariage qui part à va-l’eau ; un travail aliénant ; un quotidien morne et sans espoir ; un conjoint violent ou simplement encombrant : autant d’ingrédients qui motivent le départ du fugueur et de la fugueuse, et fixent du même coup un lourd boulet à son pied. Dès lors, le voyage est surtout une fuite et le voyageur trimballe son passif sous un ciel parsemé de nuages ; tandis que l’enjeu du film est de savoir dans quelle mesure une liberté quelconque va poindre au bout de ce chemin ponctué de doutes et d’incertitudes.
L’une des bonnes idées de Comme un avion est de rompre totalement avec tous ces clichés. Certes, le protagoniste campé par Bruno Podalydès s’ennuie quelque peu dans sa profession et on sent chez lui, de façon plus générale, le désir inassouvi d’une escapade, même brève ; mais il est dans le même temps entouré d’amis multiples et le climat avec son épouse n’a rien de délétère – bien au contraire puisqu’elle le soutient dans son projet et l’accompagne même le jour J, avec un enthousiasme perceptible.
Ce parti pris finalement assez rare donne d’emblée au modeste périple de Michel une légèreté inédite, que jamais le film ne reniera. Au contraire, Comme un avion distille au fil des séquences des impressions berçantes mêlant lascivité, calme et sensualité avec une aisance qui, précisément, rappelle la sensation de glisser sur l’eau, sensation dont la mise en scène épouse délicatement la fluidité. Elle est aidée, en cela, par une réjouissante troupe de comédiens au sein de laquelle les belles, drôles et talentueuses Agnès Jaoui et Vimala Pons signent chacune une partition pleine de charme.
La musique joue également un rôle moteur : la fugue n°6 de Bach en do mineur ; la chanson de Charlélie Couture (Comme un avion sans ailes) dont le titre du film tire probablement son inspiration ; ainsi qu’une très jolie version (contemporaine) du célèbre negro spiritual Michael Row the Boat Ashore forment autant de motifs mélodiques qui donnent au film ce rythme léger et paresseux, cette atmosphère aérienne et poétique. Mais c’est Vénus, la superbe chanson d’Alain Bashung écrite par Gérard Manset, composée par Manset et Arman Méliès, qui synthétise le mieux la philosophie de Comme un avion :
Elle est née des caprices
Elle est née des caprices
Pommes d’or, pêches de diamant
Pommes d’or, pêches de diamant
Et ces cerises qui grossissaient lorsque…
Comme un avion est une ode à la sensualité, au plaisir et à la lenteur (de celle que loue Kundera dans son roman éponyme), servie par des comédiens inspirants, une mise en scène habitée par le sujet et une musique évocatrice. Un doux moment de cinéma.
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