Film de Jeanne Herry
Année de sortie : 2014
Pays : France
Scénario : Jeanne Herry
Photographie : Axel Cosnefroy
Montage : Francis Vesin
Musique : Pascal Sangla
Avec : Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Pascal Demolon, Olivia Côte, Sébastien Knafo, Muriel Mayette-Holtz
Elle l’adore, fort d’un scénario original et cohérent de bout en bout, s’affirme comme l’un des polars français les plus intelligents et singuliers de ces dernières années.
Synopsis du film
Vincent Lacroix (Laurent Laffite) est un chanteur de variété qui enchaîne les succès. Un soir, après une partie de poker avec des amis, une violente dispute avec sa compagne s’achève de manière terrifiante…
Vincent prend alors une décision singulière : celle d’appeler une fan inconditionnelle, Muriel Bayen (Sandrine Kiberlain), pour lui demander de l’aide…
Critique d’Elle l’adore
Le titre du premier long métrage de Jeanne Herry est un peu réducteur : il pourrait laisser penser que Elle l’adore est, pour l’essentiel, une réflexion sur le phénomène d’idolâtrie entre un fan et une célébrité quelconque. Or si ce thème occupe une place importante dans le film, il est loin de constituer l’unique matière de celui-ci. Le mensonge, et ses différentes formes, semble être le véritable fil rouge de ce polar atypique, qui loin de se plier aux conventions du genre possède un cachet qui lui est propre.
Au niveau du ton, le film oscille entre humour et gravité sans jamais aller trop loin d’un côté ou de l’autre. On sent que Jeanne Herry s’est avant tout attachée à écrire un récit cohérent, avec des personnages forts, et non à remplir un cahier des charges. Insistons sur ces personnages car ils sont tous, même les plus « secondaires », caractérisés avec beaucoup de finesse. On croit en chacun d’eux : aucun ne se résume à une simple « fonction » dans l’histoire tandis que leurs parcours, leurs sentiments et leurs choix respectifs conditionnent le déroulement incertain d’une intrigue à la fois farfelue et rigoureusement ficelée.
Muriel Bayen est bien sûr un personnage « pivot » dans le film. Sandrine Kiberlain compose avec beaucoup de nuances cette esthéticienne obnubilée par un chanteur égoïste (convaincant Laurent Lafitte), dont l’un des travers (une mythomanie tenace) va devenir, au cours d’une scène clé, une arme redoutable.
Autour de cette femme mystérieuse (le scénario ne cherche jamais à expliquer outre mesure l’origine de ses comportements), les autres personnages ne sont en aucun cas des faire-valoir, jusqu’au duo de policiers campé par Pascal Demolon et Olivia Côte dont la relation tourmentée court-circuite sans cesse leur travail d’enquêteurs – ce qu’on avait finalement rarement vu au cinéma.
Chacun d’entre eux compose avec plus ou moins de difficultés et de chance avec ses névroses, sa culpabilité, mais aussi avec le hasard et l’ironie du destin, qui n’ont que faire de la morale. La manière dont toutes ces pièces s’assemblent ici reflète un sens du récit évident, qu’une réalisation habile ne trahit jamais.
Singulier, malin et maîtrisé, Elle l'adore livre une variation savoureuse sur les "failles" humaines que sont le mensonge, l'égoïsme, l’idolâtrie et le désir. C'est aussi le portrait d'une femme mystérieuse, à la fois fragile et étonnamment forte.
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