Film d’Alain Corneau
Année de sortie : 1981
Pays : France
Scénario : Michel Grisolia, Alain Corneau
Photographie : Pierre-William Glenn
Montage : Thierry Derocles
Musique : Philippe Sarde
Avec : Yves Montand, Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Gérard Lanvin, Richard Anconina, Michel Galabru.
Noël (montrant un revolver) : Et ça, dis, hein, ça c’est pas de ta faute ça?
Mickey : Et toi, t’en as pas p’t’être toi?
Avec Le Choix des armes, Alain Corneau signe un polar tendu et implacable, qui décrit habilement la spirale de la violence et ses conséquences tragiques.
Synopsis
Après s’être évadés dans des circonstances particulièrement violentes, deux voyous, Mickey (Gérard Depardieu) et Serge (Pierre Forget), se réfugient chez Noël (Yves Montand), ancien bandit désormais rangé qui vit à la campagne avec son épouse Nicole (Catherine Deneuve).
Mortellement blessé au cours d’une fusillade, Serge succombe rapidement. Tandis que la tension monte entre Mickey – une tête brulée – et Noël, l’inspecteur Sarlat (Gérard Lanvin), révolté par la mort d’un policier abattu pendant l’évasion, se lance à la poursuite du fugitif.
Peu à peu, l’engrenage des armes et de la violence va se refermer sur ces différents personnages…
Critique du film
L’emprise destructrice des armes sur l’individu
À travers un scénario intelligemment construit et un montage millimétré, Le Choix des armes démontre que les armes entraînent les hommes dans un cercle vicieux et destructeur, aussi bien pour eux-mêmes que pour les autres. Un cercle dans lequel la communication – qui à plusieurs moments du film aurait pu être salvatrice – devient pratiquement impossible, les relations entre les individus se réduisant à de perpétuels rapports de force.

Si ce constat n’a rien d’original, et a été illustré de nombreuses fois au cinéma, Le Choix des armes le fait de façon particulièrement convaincante. En partie grâce à un récit habile, qui instaure une montée progressive de la tension et reflète parfaitement la mécanique de la fatalité.
Le Choix des armes met en scène trois personnages principaux, dont chacun va se retrouver confronté non seulement à la violence des autres, mais également à la sienne propre. Mickey est un jeune loubard issu des quartiers difficiles (sur lesquels le film pose d’ailleurs un regard lucide et prémonitoire), qui a bien du mal à communiquer autrement que par la violence. Son impulsivité provoque un véritable tourbillon dans le quotidien tranquille de Noël. Ce dernier est un ancien braqueur à la retraite qui, face à Mickey, va devoir renouer avec une violence à laquelle il avait résolument tourné le dos. De son côté, l’inspecteur Sarlat est un jeune inspecteur de police totalement consumé par une soif de vengeance, conséquente au meurtre (commis par Mickey) de l’un de ses collègues.
Inexorablement, ces trois hommes vont plonger dans une spirale tragique et brutale qui va exacerber leurs rancœurs et les amener à commettre l’irréparable. Or la manière dont le script (signé Alain Corneau et Michel Grisolia) décrit cet engrenage est d’une précision tout à fait remarquable.
Autre facteur de la réussite du film : la qualité de la réalisation. Par exemple, pour illustrer sa réflexion sur la violence, Corneau apporte un soin tout particulier aux scènes d’action, au cours desquelles le bruit des détonations et l’impact des balles sont particulièrement frappants (rien d’étonnant à ce que le réalisateur cite Sam Peckinpah parmi ses références cinématographiques). Cet aspect est essentiel puisque l’objectif du film est de montrer les effets ravageurs des armes. Ainsi, si la violence ne surgit que lorsque la tension est à son comble, elle éclate avec une brutalité glaçante et sans la moindre complaisance – laquelle eût été en totale contradiction avec la thématique principale du film.

Depardieu et Montand : un face-à-face intense
Le Choix des armes est servi par de grands acteurs, Yves Montand et Gérard Depardieu en tête.
Yves Montand, qui avait déjà tourné avec Alain Corneau dans Police Python (ainsi que dans un autre grand film noir, à savoir Le Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville), parvient à illustrer le dilemme de son personnage par une composition inspirée, dans laquelle le comédien met beaucoup d’humanité et d’émotion.
Quant à son partenaire Gérard Depardieu, il vit littéralement son personnage de chien fou indomptable, écorché, aux réactions animales et irrationnelles. L’acteur bouillonne à l’écran, transpire de cette violence incontrôlable qui le dépasse, le submerge, tout en exprimant à merveille les différentes facettes d’un personnage plus nuancé qu’il n’y paraît. La violence traduit chez lui une incapacité à s’exprimer et à communiquer normalement, à maîtriser ses émotions. Bien que son comportement soit le plus souvent stupide et condamnable dans le film, Mickey est émouvant car il n’a pas un si mauvais fond, et Depardieu rend parfaitement compte des paradoxes et de la sensibilité de son personnage. Nous sommes donc ici très loin de tout schéma manichéen au niveau de la caractérisation des protagonistes.

Le Choix des armes
À noter également la qualité de l’interprétation de Gérard Lanvin (qui jouera la même année dans Une Étrange affaire, de Pierre Granier-Deferre), la présence de Richard Anconina ainsi que celle de Catherine Deneuve (qui interprète l’épouse de Noël, un personnage utile mais peut-être un peu fade) et de Michel Galabru dans le rôle d’un commissaire désabusé.
La musique de Philippe Sarde, constituée majoritairement d’un thème entêtant joué à la contrebasse (interprété par les prestigieux musiciens de jazz Buster Williams et Ron Carter), souligne habilement la gravité et la tension inhérentes au film. Enfin, la photographie est l’œuvre de l’excellent chef opérateur Pierre-William Glenn, qui a collaboré avec d’illustres metteurs en scène dont Maurice Pialat, Joseph Losey, François Truffaut, Costa-Gavras, Yves Boisset, Robert Enrico, Samuel Fuller, Michel Deville et plus récemment Guillaume Nicloux (sur Cette femme-là).
Le Choix des armes illustre avec brio l'emprise incontrôlable que la violence et la colère exercent sur les hommes quand ceux-ci ne parviennent plus à communiquer. Ce polar tendu et nerveux, servi par une écriture resserrée, une mise en scène au cordeau, une bande originale expressive et des comédiens de haut niveau, se hisse parmi les classiques du genre en France. En toile de fond, le film pointe aussi, avec justesse, la grisaille et l'ennui dans les banlieues.
2 commentaires
[…] Citizen Poulpe über „Le choix des armes“ […]
Au-delà des armes, le cinéma d’Alain Corneau est sous tendu par une idée de base. Le Destin est plus fort que tout. Plus les personnages agissent pour y échapper, plus ils s’enfoncent. En fait, s’ils n’agissaient pas et se contentaient de la politique du « wait and see », on peut supposer que les problèmes se régleraient d’eux mêmes, à peu près bien.
C’est parfaitement résumé dans le Choix des Armes, lorsque Mickey avoue à Noël que s’il ne l’avait pas vu passer dans la rue, à sa recherche pensait-il, jamais il ne serait revenu. Donc, Nicole ne serait pas morte … Dans l’ensemble de l’oeuvre de Corneau on retrouve cette thématique. Dans La Menace, tout ce que fera Savin le précipitera vers sa perte. Dans Police Python 357, Ferrot déclenchera lui-même la série d’événements tragiques. Les héros d’Alain Corneau sont en fait des perdants magnifiques.