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Gérard Lanvin dans "Une étrange affaire"
Drame 8

Une Étrange affaire

Par Bertrand Mathieux · Le 2 avril 2009

Film de Pierre Granier-Deferre
Année de sortie : 1981
Pays : France
Scénario : Christopher Frank, Pierre Granier-Deferre et Jean-Marc Roberts, d’après son roman Affaires étrangères
Photographie : Étienne Becker
Montage : Isabel García de Herreros
Musique : Philippe Sarde
Avec : Gérard Lanvin, Michel Piccoli, Nathalie Baye, Jean-Pierre Kalfon, Jean-François Balmer

Bertrand Malair : C’est très important, Louis, tu sais, l’image d’un père. Ça explique tout. Ou rien. Mais même si ça n’explique rien, ça explique tout.

Une Étrange affaire traite avec subtilité de la pression et de l’influence que l’entreprise peut exercer sur l’individu, tout en décrivant des personnages suffisamment atypiques (dont celui incarné par Piccoli) pour ne pas être que l’illustration d’une réalité malheureusement « banale ». En somme, le film est ambigu, et c’est une qualité précieuse !

Synopsis d’Une Étrange affaire

Louis Coline (Gérard Lanvin) est publicitaire pour un grand magasin parisien. Son ancien patron, récemment décédé, est remplacé par un certain Bertrand Malair (Michel Piccoli), un manager mystérieux et imposant qui veut faire de l’entreprise un leader sur son marché.

Malair, appuyé par ses acolytes François Lingre (Jean-Pierre Kalfon) et Paul Beulais (Jean-François Balmer), va exercer sur Louis une emprise grandissante. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur le comportement de l’intéressé, et sur sa vie de couple avec sa femme Nina (Nathalie Baye).

Critique du film

Une illustration saisissante du conditionnement des salariés

Si on ne peut pas totalement résumer Une Étrange affaire à une réflexion sur le monde du travail – le film est en réalité plus complexe que cela –, il n’en demeure pas moins qu’il illustre en partie le conditionnement du salarié par son supérieur hiérarchique, les pressions inhérentes à la vie professionnelle et la quête effrénée de la performance et de la réussite sociale, au détriment de l’épanouissement personnel.

Bien qu’elle atteigne dans le film des sommets particulièrement vertigineux, la manipulation exercée par Bertrand Malair (Michel Piccoli) sur Louis Coline (Gérard Lanvin) repose en effet sur des techniques de management bien connues, qui visent en partie à stimuler le désir d’appartenance du salarié.

Ce désir est lié à une forme de peur – celle de ne pas, de ne plus « appartenir » à une organisation (l’entreprise). Or Louis Coline a peur de perdre son emploi, et il faut rappeler ici que Une Étrange affaire est sorti au début des années 80, période à laquelle le chômage avait déjà commencé à monter (son taux était de 5% à l’époque). S’il est (malheureusement) toujours très actuel, le film était donc lié à des problématiques sociales et économiques relativement récentes à l’époque, en France du moins.

Michel Piccoli et Gérard Lanvin dans "Une étrange affaire"
Bertrand Malair (Michel Piccoli) et Louis Coline (Gérard Lanvin) dans « Une Étrange affaire »

Une approche tout en sobriété

S’il aborde un phénomène (la manipulation au travail) relativement courant, le film le traite de manière atypique ; en d’autres termes, ce que subit Louis dans le film renvoie à une réalité presque banale, mais qui prend ici des proportions singulières. Or tout le talent de Pierre Granier-Deferre est de privilégier une approche sobre, distante par rapport au déroulement de l’histoire. Il ne souligne jamais grossièrement le contraste entre le banal et l’étrange, et le basculement qui s’opère peu à peu est donc d’autant plus troublant pour le spectateur.

La facture plutôt classique de la réalisation (à noter que Granier-Deferre revendiquait le côté « traditionnel » de son travail, et tendait à se démarquer de l’héritage de la Nouvelle Vague) renforce, par effet de contraste, l’aspect intrigant d’un récit qui certes propose une réflexion sur le monde du travail et le management moderne, mais qui comporte également une dimension plus intime et psychologique – dimension qui fait que le film n’est pas « seulement » une critique sociale, et échappe à une lecture trop binaire.

Une relation ambigüe

L’emprise que va exercer Bertrand Malair sur Louis n’est en effet pas que le fruit d’une technique de management : elle doit aussi être mise en perspective avec la personnalité et l’histoire personnelle des deux hommes.

Le film nous apprend que Louis a souffert de l’absence de son père, or à plusieurs reprises, Malair se comporte à son égard de façon paternaliste : il demande à François de lui téléphoner après une soirée pour s’assurer que Louis est bien rentré chez lui ; s’arrête au pharmacien pour lui acheter des médicaments lorsqu’il est enrhumé ; etc. On peut donc supposer qu’inconsciemment, Louis perçoit en lui l’image d’un père qu’il n’a pas, ou peu, connu. Notons que cette attitude de Malair ne semble pas être que le résultat d’un calcul : son attachement paraît souvent authentique, d’autant plus que lui-même évoque, à demi-mots, des problèmes relationnels avec son propre père.

Ce background personnel, qui illustre une problématique typique en psychologie (l’absence du père), peut aussi se voir comme une métaphore, la figure du patron étant souvent, par essence, paternaliste, tandis que l’entreprise est, encore aujourd’hui, volontiers comparée à une « famille » (comparaison douteuse, on en conviendra). Mais dans tous les cas, on constate une véritable ambiguïté dans la relation Malair/Coline, relation qu’on ne peut pas tout à fait résumer au schéma de dominant/dominé, de manager/managé, etc. C’est précisément cela, d’ailleurs, qui est intéressant dans le film.

Le casting

Une Étrange affaire est servi par une interprétation de premier ordre. Le jeu de Michel Piccoli exprime brillamment l’opacité de son personnage, tandis que Gérard Lanvin convainc dans un registre inhabituel : (trop) souvent cantonné à des rôles d’homme viril et déterminé, il campe ici avec beaucoup de justesse un individu dépassé, désemparé et en situation de faiblesse.

À ses côtés, la jolie Nathalie Baye est parfaite dans un rôle de femme forte, beaucoup plus lucide que son mari (un parti pris d’ailleurs assez intelligent et moderne). Notons que ces deux comédiens (Baye et Lanvin) venaient à l’époque de tourner ensemble Une Semaine de vacances, de Bertrand Tavernier, où ils incarnent également un couple (d’ailleurs, c’est Nathalie Baye qui a des problèmes au travail dans le film de Tavernier).

Nathalie Baye dans "Une étrange affaire"
Nina Coline (Nathalie Baye) dans « Une Étrange affaire »

Quant à Jean-Pierre Kalfon et Jean-François Balmer, c’est un plaisir de voir ces deux « gueules » du cinéma français, spécialistes des seconds rôles souvent savoureux.

L’écriture

Le scénario d’Une Étrange affaire est signé Pierre Granier-Deferre et Christopher Franck, scénariste de talent qui travailla notamment avec Michel Deville (sur Eaux profondes) et Costa-Gravas. Il réalisa lui-même plusieurs films dont L’Année des méduses (avec Valérie Kaprisky et Bernard Giraudeau) et Elles n’oublient jamais (avec Thierry Lhermitte et Nadia Farès), deux thrillers qui passent régulièrement à la télévision.

Jean-Marc Roberts, auteur du roman Affaires étrangères (publié en 1979) sur lequel le film est basé, a également participé à l’écriture du film.

Vidéo : tournage du film Une Étrange Affaire

Voici une vidéo issue du site de l’Ina montrant des images du tournage.

Dossier : Le monde du travail au cinéma…

Une Étrange affaire est largement évoqué dans un dossier disponible sur le site, intitulé Le monde du travail au cinéma : exemples d’approches et de représentations.

8 Note globale

Une Étrange affaire illustre brillamment les effets pervers que l'autorité, le besoin de reconnaissance et les objectifs de performance peuvent produire au sein du monde de l'entreprise. Une observation qui, grâce notamment à la complexité des personnages et à l'ambiguïté de leurs relations, n'est jamais caricaturale, mais au contraire d'une remarquable finesse.

Boulot mal géréCritique socialeGérard LanvinManipulationMichel PiccoliMonde du travailNathalie BayePierre Granier-Deferre
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Bertrand Mathieux

Principal contributeur du blog Citizen Poulpe. Parmi mes cinéastes préférés : Michael Cimino ; Claude Chabrol ; Maurice Pialat ; Michael Powell ; Kelly Reichardt ; Arthur Penn ; Olivier Assayas ; Emmanuel Mouret ; Guillaume Brac ; Francis Ford Coppola ; Michel Deville ; Guillaume Nicloux ; Karim Moussaoui ; Woody Allen ; Sam Peckinpah ; Nacho Vigalondo ; Danielle Arbid ; Jean-Pierre Melville ; David Lynch ; Billy Wilder ; David Mamet ; William Friedkin ; Nicolas Pariser ; Sergio Leone ; Jane Campion ; Miguel Gomes ; Ari Aster ; Christian Vincent ; Sidney Lumet ; Dominik Moll ; Ernst Lubitsch ; Gilles Marchand ; Alfred Hitchcock ; John Carpenter ; Otto Preminger ; Whit Stillman ; Nicholas Ray...

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8 commentaires

  • carole bélanger dit : 29 novembre 2010 à 2 h 34 min

    J’aimerais revoir ce film (tout comme l’extraordinaire « une simple formalité » avec Polanski et Depardieu), mais ils ne sont pas disponibles au Canada en DVD et ne passent jamais à la télé. Y a t-il un lien que je ne connaisse pas pour revoir ces films avant de mourir?!? Le passage des films européens en Amérique se fait très lentement, on dirait… Et même si j’achetais le film lors d’un voyage en France, la vidéo serait illisible au Canada (technologie différente).
    Dommage!

    Répondre
    • Citizen Poulpe dit : 4 décembre 2010 à 19 h 47 min

      je pense que vous pouvez commander le DVD français sur des sites comme la fnac ou amazon. Certes ce n’est pas la même zone, mais si vous avez un ordinateur vous pouvez le lire a priori, avec des logiciels comme VLC media player. Il existe aussi des programmes pour « dézoner » les DVD je pense (hum j’ignore si c’est très légal…).

      je n’ai pas vu le film que vous mentionnez, merci pour l’info !

      Répondre
  • Jean dit : 28 février 2011 à 20 h 55 min

    Il est possible de le revoir via DP Stream et de là le regarder en streaming ou de le télécharger via mégaupload (il y aura un lien). Certes ce n’est pas très légal, mais si cela peut vous aider.

    http://www.dpstream.net/films-une-etrange-affaire-en-streaming-141571.html

    Répondre
  • patrick kever dit : 10 mai 2013 à 19 h 24 min

    carole, vas sur le site de téléchargement « redlist », le film est disponible!!! bonne chance!!

    Répondre
  • pawnoir dit : 26 juin 2013 à 11 h 34 min

    Merci pour ce bel article qui m’a poussé à aller voir le film sur youtube. Effectivement, figure du père, techniques de management, un petit côté fantastique à la Roman Polanski… Une ambiance oppressive qui m’a fait penser à La Fête et les invités de Jan Němec.

    Répondre
  • Patrick dit : 5 juin 2016 à 15 h 54 min

    Le film est en ce moment à la demande sur la chaîne Ciné + Classic mais pour 2 jours encore.

    Belle analyse du film.

    Répondre
    • Bertrand Mathieux dit : 5 juin 2016 à 15 h 55 min

      Merci (pour le compliment et pour l’information) !

      Répondre
  • mickazel59 dit : 28 septembre 2016 à 1 h 54 min

    Ce film est très métaphorique, Michel Piccoli représente le capitalisme dans toute son horreur puisqu’il va lui et ses « sbires » campes par Jean-François Balmer et Jean-Pierre Kalfon, s’immiscer progressivement dans le quotidien puis dans l’intimité d’un jeune cadre joué par Gérard Lanvin et le rendre complètement aliéné par son travail au point de délaisser sa petite amie.

    Répondre
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