Film de Bertrand Tavernier
Année de sortie : 1980
Pays : France
Scénario : Bertrand Tavernier, Colo Tavernier O’Hagan, Marie-Françoise Hans
Photographie : Pierre-William Glenn
Montage : Armand Psenny
Musique : Pierre Papadiamandis
Avec : Nathalie Baye, Gérard Lanvin, Michel Galabru, Flore Fitzgerald, Philippe Noiret, Philippe Léotard
Rien n’est plus doux que ta douceur quand tu es douce. Elle a peur que la guerre éclate à cause des enfants qu’elle aura. Elle a peur de mourir jeune d’une grave maladie. Elle a peur de dormir dans le noir. Elle a peur des piqûres et de l’hôpital. Il a peur de se rendormir et de retrouver son cauchemar qui l’attend au coin de la nuit.
Avec Une semaine de vacances, Bertrand Tavernier capte avec beaucoup de justesse le spleen d’une professeure dont les questionnements font écho à bien des problématiques toujours actuelles. Il en résulte une jolie partition mélancolique, interprétée par d’excellents comédiens.
Synopsis du film
Hiver 1980, à Lyon. Laurence (Nathalie Baye), professeure de français, a le blues : elle ne sait plus très bien si elle est faite pour ce dur métier. Un matin, alors que son compagnon Pierre (Gérard Lanvin) la conduit au lycée, elle craque et sort brusquement de la voiture. Le docteur Sabouret (Philippe Léotard) lui prescrit alors un arrêt de travail d’une semaine.
L’occasion, pour la jeune femme, de se reposer et de tenter d’y voir un peu plus clair…
Critique d’Une semaine de vacances
C’est un livre au titre déroutant (Je suis comme une truie qui doute, publié en 1976) qui est à l’origine du film Une semaine de vacances. Dans ce livre, l’auteur Claude Duneton – un ancien enseignant – développe ses questionnements sur l’éducation nationale et les raisons qui l’ont poussé à la quitter. Ses réflexions ont manifestement intéressé Bertrand Tavernier, qui a donc décidé d’écrire – en collaboration avec son épouse, la scénariste Colo Tavernier O’Hagan, et avec l’aide d’une enseignante (Marie-Françoise Hans) – un scénario racontant la dépression d’une institutrice confrontée à des doutes vertigineux sur son rôle et son travail.
Le résultat est un film qui conjugue habilement intimité et sujet de société. Cette réussite tient notamment dans la manière dont Bertrand Tavernier parvient à exprimer les états d’âme de la protagoniste dans les différents cadres de l’action, tout en leur donnant une résonance collective toujours pertinente aujourd’hui.
Le premier cadre, c’est l’appartement où vit le couple incarné par Nathalie Baye et Gérard Lanvin. Les scènes qui s’y déroulent, qu’elles nous montrent Laurence seule en train de déprimer ou les échanges avec son compagnon, y sont d’une grande justesse. D’une part parce que le décor (un véritable appartement lyonnais) est intelligemment utilisé par le réalisateur et son chef opérateur Pierre-William Glenn : les couleurs et la lumière produisent une sensation de chaleur, d’intimité, qui favorise l’immersion du spectateur dans le quotidien (le foyer, pourrait-on dire) des personnages. Ensuite parce que le duo Nathalie Baye/Gérard Lanvin fonctionne à merveille. Peut-être est-ce d’ailleurs pour cette raison que Pierre Granier-Deferre fera appel à eux pour l’excellent Une Étrange affaire, qui sortira l’année suivante (1981).

Pierre (Gérard Lanvin) et (Nathalie Baye). Les deux comédiens joueront de nouveau ensemble dès l’année suivante, dans « Une Étrange affaire ».
Le deuxième cadre est bien entendu la ville de Lyon, d’où Bertrand Tavernier est originaire. Elle est ici remarquablement bien filmée en ce sens qu’elle devient le prolongement, se fait l’écho en quelques sortes, de la mélancolie de Laurence. Belle et brumeuse, la ville aux deux collines reflète en effet les doutes et le spleen de l’héroïne. Cette idée d’associer intimement une ville bien précise à l’état d’esprit et aux émotions du personnage principal donne à l’ensemble une dimension supplémentaire. C’est d’ailleurs une qualité que l’on retrouve par exemple dans le récent Baden Baden (2016), de Rachel Lang.

Lyon, la ville d’où Bertrand Tavernier est originaire, est le cadre de l’action du film « Une semaine de vacances »
Le troisième cadre est, quelque part, le contexte de deux premiers, tout ce qu’il y a autour, c’est-à-dire la société française, sur laquelle le réalisateur s’interroge par le biais de l’un des piliers les plus importants de toute société : l’éducation. Sur ce point, plusieurs des réflexions que livre Une semaine de vacances demeurent largement d’actualité. Par exemple la difficulté, pour un enseignant, d’accompagner chaque élève selon ses difficultés et blocages spécifiques (la scène où une petite fille, très bien interprétée par Geneviève Vauzeilles, confie à Laurence qu’elle ne se trouve pas intelligente
) ; ou encore la tirade de Pierre (Gérard Lanvin) sur cette tendance idiote, alors à la mode et encore très présente aujourd’hui, à mépriser la culture, jugée en quelques sortes élitiste (j’en ai un peu marre des intellos qui crient sur tous les toits à bas la culture !
). Quant à la lettre écrite par Anne (Flore Fitzgerald), une amie et collègue de Laurence, vers la fin du film, il est très probable qu’elle reflète le sentiment de bien des professeurs et enseignants d’aujourd’hui (Brusquement je n’ai plus supporté les classes surchargées, les changements de programme aberrants, les réformes continuelles qui transforment les profs en expérimentateurs, les élèves en cobayes
).
Côté interprétation, Une semaine de vacances est un sans fautes. Les expressions et mouvements de la jolie Nathalie Baye expriment pleinement l’introspection et les doutes de son personnage. Gérard Lanvin, entre virilité et sensibilité, compose un homme attachant, loin d’une image plus stéréotypée auquel le cinéma le renvoya un peu trop souvent par la suite (il ira encore plus loin dans Une Étrange affaire, où il livrera une composition saisissante d’homme totalement perdu et désemparé face à un Michel Piccoli manipulateur). Michel Galabru est émouvant en veuf solitaire, tandis que Philippe Noiret retrouve, le temps d’une courte séquence, son personnage de L’Horloger de Saint-Paul (1974), le premier long métrage de Bertrand Tavernier.
Une semaine de vacances est un bel hommage à un métier trop souvent critiqué en dépit de son importance majeure. C'est aussi un joli portrait de femme, qui trouve dans la ville de Lyon, éminemment cinégénique, de belles et mélancoliques résonances.
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