Film de Saïd Hamich
Pays : France, Maroc
Année de sortie : 2018
Scénario : Saïd Hamich
Photographie : Adrien Lecouturier
Montage : Xavier Sirven
Musique : Pauline Rambeau de Baraton
Avec : Anas El Baz, Kate Colebrook, Saïd Benchnafa, Bénédicte-Lala Ernoult, Jamila Charik, Abdelhak Saleh
Dans une autre vie
Les marguerites s’effeuillent au ralenti
Personne n’est vainqueur
Alain Bashung, L’Apiculteur
Avec Retour à Bollène, Saïd Hamich joue la carte de la sobriété et de la nuance. Bien lui en prend : ce portrait à la fois intime et social n’en est que plus juste et élégant.
Synopsis du film
Nassim (Anas El Baz), la trentaine, vit à Abu Dhabi avec sa petite-amie américaine. Il revient pour quelques jours à Bollène, la ville du sud de la France où il a grandi, et où habitent encore sa famille et une bonne partie de ses amis.
Très vite, ce retour ravive un sentiment de rupture, avec lequel Nassim compose parfois maladroitement…
Critique de Retour à Bollène
La thématique du retour, et tout ce qu’elle brasse avec elle, est un ressort dramatique classique au cinéma comme en littérature. Il suffit d’ailleurs de commencer à taper retour à
sur Google pour voir s’afficher une myriade de titres évocateurs, plus ou moins fameux : Retour à Howards End ; Retour à Cold Mountain ; Retour à Duncan’s Creek…
Retour à Bollène, le premier long métrage de Saïd Hamich comme réalisateur (il était connu jusque-là pour son activité de producteur, et notamment pour le film Much Loved), propose une nouvelle variation autour de cette situation de base. Variation qui témoigne d’indéniables qualités.
D’abord, c’est un film personnel, faisant écho – en partie du moins – à l’expérience de son auteur, qui a lui-même grandi à Bollène ; ensuite, il rend très bien compte du contexte géographique, social et politique dans lequel s’inscrit l’action et enfin, il possède cette dimension à la fois intime et collective que son sujet exigeait.
En effet, Saïd Hamich nous parle d’un homme (Nassim, joué par l’acteur marocain Anas El Baz) dont l’expérience personnelle renvoie à une certaine réalité sociale (il a quitté Bollène, sa ville d’origine, pour ne pas être l’arabe de service
, et parce que le marché du travail en France le renvoyait sans cesse à ses origines marocaines, malgré ses diplômes). La complexité de sa situation réside dans le fait qu’en fuyant cette réalité sociale aliénante, Nassim s’est en partie coupé de sa propre famille et de ses amis, et le retour
mentionné par le titre du film le renvoie très vite à cette douloureuse fracture.
Le réalisateur et scénariste a l’intelligence de ne pas réduire Nassim à un symbole (celui du français d’origine marocaine, si fréquemment caricaturé par les médias et la fiction) : c’est un personnage consistant, à la fois crédible et romanesque, que la plume de Saïd Hamich et la composition tout en retenue d’Anas El Baz dépeignent avec beaucoup de nuances (et c’était d’autant plus nécessaire que Nassim semble toujours se situer dans une sorte d’entre-deux, à la fois humainement et socialement).
Saïd Hamich fonctionne à l’économie. La structure du scénario est limpide ; les scènes souvent courtes ; et chacune apporte un éclairage nouveau sur le protagoniste et son environnement, sans jamais se répéter. En peu de temps (1h07), le film parvient ainsi à exprimer plusieurs idées intéressantes ; et s’il nous alerte sur la montée du racisme et du nationalisme en France (une réalité que reflètent tristement les « brillants » commentaires YouTube visibles sous la bande-annonce de Retour à Bollène), le récit ne saurait se résumer à ce seul constat.
Les dimensions familiale, culturelle, sociale, politique et psychologique du film forment en effet un assemblage à la fois riche et cohérent, sur lequel le cinéaste, en auteur avisé, laisse au spectateur le soin de se faire sa propre idée. Comme sur ce protagoniste un peu perdu, tour à tour égoïste et attachant, qui certes n’est pas exempt de défauts mais qui possède une belle qualité : celle de s’interroger et de pouvoir un tant soit peu évoluer.
Les individus, mais aussi les sociétés en général, sortent souvent grandis de ce genre de processus…
Retour à Bollène est une œuvre épurée et juste, dont le récit conjugue habilement des facettes intimes et sociales, traitées avec élégance et retenue. Une bonne raison de se pencher sur les futurs films de Saïd Hamich, s'il décide un jour de reprendre la caméra.
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