Film de Michel Franco
Année de sortie : 2022
Pays : Mexique, France, Suède
Scénario : Michel Franco
Photographie : Yves Capes
Montage : Óscar Figueroa et Michel Franco
Avec : Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios, Henry Goodman, Albertine Kotting, Samuel Bottomley
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Alice (Charlotte Gainsbourg) dans Sundown
Sundown se passe sur une plage mexicaine, mais Michel Franco n’étant pas vraiment spécialisé dans les films de vacances, on y sent surtout un parfum entêtant de solitude et de mort. Que cela ne vous décourage pas d’aller voir ce film mystérieux et singulier.
Synopsis du film
Alice (Charlotte Gainsbourg) et ses deux enfants passent des vacances dans un hôtel de luxe à Acapulco, en compagnie de Neil (Tim Roth), un homme dont on ne sait d’abord pas très bien quels sont les liens précis qui l’unissent aux trois autres personnages.
Un matin, Alice apprend par téléphone l’hospitalisation puis, quelques instants plus tard, le décès brutal de sa mère. Tous quatre se rendent à l’aéroport pour retourner en Angleterre, où ils vivent, dans les plus brefs délais. Mais une fois au comptoir d’enregistrement, Neil affirme avoir oublié son passeport à l’hôtel…
Critique de Sundown
Le mystère au cinéma et dans la littérature n’est pas réservé qu’aux films policiers et fantastique ; la fiction, depuis longtemps, nous présente régulièrement un personnage énigmatique, insondable, qu’on regarde agir sans bien saisir les motifs qui guident ses choix, ni les pensées et sentiments qui le traversent. Le nouveau film du cinéaste mexicain Michel Franco est construit autour d’un personnage de ce type, auquel l’acteur Tim Roth prête sa mince silhouette, son visage allongé et ses yeux clairs.
L’attitude quasi mutique de Neil Bennett (Roth) dans Sundown a en effet de quoi intriguer le spectateur, et aussi éprouver son empathie tant, en surface, elle paraît égoïste. Mais comme la plupart des auteurs intéressants, Franco cherche davantage à susciter notre perplexité que notre jugement moral ; si l’on accepte de mettre celui-ci de côté, c’est donc avec intérêt qu’on observe cet inconnu plonger dans une curieuse torpeur.

Celle-ci s’épanouit dans un environnement moite, dont les contours moraux sont tout aussi troubles que l’état d’esprit du protagoniste. Malgré ses décors de carte postale, la ville d’Acapulco est en effet connue pour être gangrénée par la violence perpétrée par des gangs divers. Le choix du lieu de tournage ne doit donc rien au hasard ; d’ailleurs, comme Franco l’a lui-même expliqué, Acapulco est, dans Sundown, un personnage à part entière
. Même absence de fortuité en ce qui concerne l’entreprise dont la famille Bennett tire sa fortune (une société possédant des élevages et des abattoirs) : son activité fait bien sûr écho au thème de la mort qui, lorsqu’elle ne surgit pas directement à l’écran, plane sur tout le métrage.
Le récit, qui ressemble à une sorte de dérive apathique, où même les parenthèses amoureuses (la relation entre Bennett et Berenice, une commerçante mexicaine interprétée par Iazua Larios) ne produisent qu’un infime sursaut, témoigne d’un vif sens du détail, des toutes premières secondes à un final éclairant dont nous ne dirons rien ici. La concision est une autre qualité du scénario, Sundown durant moins d’une heure et demie. Beaucoup de films actuels gagneraient à s’inspirer de ce format resserré, tant le cinéma contemporain semble parfois autant gagner en durée que perdre en substance. Ici, il n’y a pas une minute de trop, ni de ce genre de dialogues superflus (il y a d’ailleurs très peu de dialogues) qui tendent parfois à sur-expliquer les choses.
La réalisation de Franco et la photographie d’Yves Cape participent à créer une atmosphère singulière, où des paysages habituellement associés aux vacances et au plaisir semblent comme contaminés par quelque chose qui ne dit pas vraiment son nom. Les comédiens, dont un remarquable Tim Roth (Charlotte Gainsbourg est tout aussi juste), concourent également à faire de ce drame silencieux et crépusculaire une œuvre d’une belle cohérence, que l’on peu rapprocher, par certains aspects (l’étude des réactions humaines face à l’idée de la mort), d’un autre film où joue Tim Roth : The Hit, de Stephen Frears, sorti en 1984.
Lancinant comme une vieille douleur, Sundown nous donne à observer un personnage opaque dans un environnement tout aussi trouble. Si on aime être perplexe au cinéma, du moins pendant une bonne partie de la séance, alors on sera sans doute séduit par ce récit maîtrisé, qui rappelle un des premiers films dans lequel est apparu Tim Roth : The Hit, de Stephen Frears. Tous deux explorent en effet, à leur façon, des thématiques existentielles, et plus particulièrement le rapport à la mort.
3 commentaires
Cette critique correspond totalement à ma vision de ce film, que j’ai regardé en « apnée ». Pour moi un grand film d’auteur qui intrigue de bout en bout ! bravo Bertrand Mathieux qui a su exprimer ce que j’étais incapable d’aussi bien décrire (bon, c’est vrai que c’est son métier, et pas le mien, mais il le fait bien)
Merci Nicole ! Plus un loisir qu’un métier en ce qui me concerne, mais bon à force je suppose qu’on apprend quand même un peu. Content que l’article vous ait plu en tout cas.
j’ai beaucoup aimé ce film qui pose le vrai problème de l’existence avec une grande dignité tout en »non dit et dans une durée non seulement suffisante mais qui aurait perdu probablement en longueurs inutiles.
A signaler la qualité des clichés sur la ville d’Acapulco.