Film de Nico van den Brink
Pays : Pays-Bas
Année de sortie : 2022
Scénario : Daan Bakker , Nico van den Brink
Photographie : Emo Weemhoff
Montage : Xander Nijsten
Musique : Ella van der Woude
Avec : Sallie Harmsenn, Anneke Blok, Alexandre Willaume-Jantzen, Markoesa Hamer, Ad van Kempen, Edon Rizvanolli, Willemijn Kressenhof, Noor van der Velden
Avec Moloch, le cinéaste néerlandais Nico van den Brink s’aventure sur les terrains brumeux et tourbeux de la folk horror, en faisant preuve d’un indéniable sens du récit et de l’atmosphère.
Synopsis du film
Betriek (Sallie Harmsenn) rentre passer quelques jours chez ses parents avec sa petite fille Hanna (Noor van der Velden). Ils vivent dans la campagne hollandaise, près d’une tourbière où viennent d’être découverts des « bog body » ou « momie des tourbières », c’est-à-dire des cadavres particulièrement bien conservés en raison des caractéristiques du sol où ils se trouvent.
Une nuit, un ouvrier travaillant sur le chantier archéologique pénètre dans la maison familiale et s’en prend à Elske (Anneke Blok), la mère de Betriek…
Critique de Moloch
Apparemment, les Pays-Bas sont riches en légendes et mythes folkloriques, et c’est dans cette matière que Nico van den Brink a puisé pour écrire (en collaboration avec Daan Bakker) et réaliser son premier long métrage (il avait auparavant signé quelques courts métrages et un moyen métrage, Avondland).

L’histoire n’est ceci dit pas basée sur une légende réelle, mais fictive, bien que le titre Moloch renvoie à la divinité du même nom. Le scénario du film reprend également la figure des Witte Wieven, expression qui dans le folklore hollandais désigne l’esprit d’une Seeress ou Völva, sorte de prêtresse capable de lire l’avenir et de pratiquer la sorcellerie. Enfin, au tout début du film, une équipe d’archéologues analyse des « momies des tourbières » (bog body en anglais), c’est-à-dire des cadavres anciens mais particulièrement bien conservés du fait de la composition du sol dans lequel ils ont été enterrés ; la fille d’Yde est un exemple particulièrement célèbre de ce phénomène, or elle a été découverte aux Pays-Bas, plus précisément dans les marais de Bourtange, dont les paysages évoquent d’ailleurs ceux du film.

Le scénario de Moloch entremêle donc plusieurs éléments du folklore hollandais et il le fait plutôt bien, notamment parce qu’il ne se contente pas d’agiter quelques légendes maléfiques dans des paysages inquiétants : le background folklorique est ici intégré à un récit solidement construit, mis en place avec soin, et comportant des personnages intelligemment caractérisés.

Betriek, le personnage féminin principal, est particulièrement réussi, et l’actrice néerlandaise Sallie Harmsenn achève de lui donner, par sa performance, de la consistance et du caractère. Autour d’elle gravitent une petite fille (Hanna, jouée par Noor van der Velden) et des parents attachants (Anneke Blok et Ad van Kempen) tandis que l’archéologue Jonas, incarné par le danois Alexandre Willaume-Jantzen, offre un contrepoint intéressant par rapport au personnage de Betriek.

Jonas représente en effet, à sa façon, la rationalité scientifique, quand l’héroïne, de par son vécu, est forcément plus poreuse à des interprétations qui défient la logique, ce qu’on ne peut que comprendre. Tous deux composent un duo crédible, à la fois contrasté et complémentaire, qui dynamise le récit (à noter qu’on retrouve dans le film Sea Fever cette opposition entre croyance folklorique et rigueur scientifique).

En termes d’atmosphère, Moloch est une réussite. Aidé par le talentueux chef opérateur Emo Weemhoff, le cinéaste tire le meilleur des paysages évocateurs dans lesquels il a planté sa caméra, et l’effet des images sur l’imagination et la perception du spectateur, s’il est insidieux et progressif, n’en est que plus efficace.
En somme, Moloch est un conte convaincant tant sur le plan de la narration que de l’esthétique, qui propose, sur le fonds, une variation faustienne et moderne autour des thèmes de l’inégalité sociale, de la vengeance et du mal héréditaire, autant de motifs présents dans de nombreuses légendes.
Bande-annonce
Molloch investit avec talent le sous-genre de la folk horror en combinant des personnages bien pensés avec une atmosphère soignée, le tout dans un contexte géographique (la campagne hollandaise) et culturel (les mythes et légendes locaux) dépaysants et intelligemment exploités par le récit.
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