Film de Ben Wheatley
Année de sortie : 2021
Pays : Royaume Uni, États-Unis
Scénario : Ben Wheatley
Photographie : Nick Gillespie
Montage : Ben Wheatley
Musique : Clint Mansell
Avec : Joel Fry, Reece Shearsmith, Hayley Squires, Ellora Torchia, John Hollingworth, Mark Monero
Hier soir, mardi 7 décembre, avait lieu la fermeture de l’édition 2021 du PIFFF. Après la remise des prix, le cinéma Max Linder a projeté In the Earth, le dernier long métrage du britannique Ben Wheatley.
Synopsis du film
Dans un contexte pandémique, le scientifique Martin Lowery (Joel Fry) est envoyé dans un bureau scientifique localisé dans la campagne de Bristol, afin d’aider Alma (Ellora Torchia) dans ses recherches sur une mycorhize, laquelle pourrait améliorer le rendement des récoltes.
Afin de recueillir des échantillons, tous deux partent pour une expédition d’au moins deux jours dans la forêt locale, dont la terre serait particulièrement fertile. Au bout d’un jour de marche, ils tombent sur une tente déserte, appartenant à une famille manifestement disparue…
Critique de In The Earth
Comme l’a rappelé justement Fausto Fasulo lors du dernier jour du PIFFF 2021, Ben Wheatley, le réalisateur de In the Earth, se distingue certes par son talent et sa singularité, mais aussi par un parcours atypique, cahoteux et, il faut bien le dire, assez irrégulier en termes de qualité. Capable de passer de l’horreur indépendante ( le remarquable et glaçant Kill List, sans doute son meilleur film à ce jour) à la série Netflix passablement insipide (sa récente adaptation de Rebecca), en passant par un film d’action fun et volontairement décérébré (Free Fire), des tentatives plus ou moins expérimentales (A Field in England) et des comédies noires (Touristes), Ben Wheatley est difficile à situer sur la carte des cinéastes anglais modernes, et sa possible participation à la suite de The Meg ne va pas rendre les choses tellement plus cohérentes.
In the Earth s’inscrit indéniablement parmi ses projets les plus personnels, dans la mesure où il reflète ce qui constitue sans doute ses références cinématographiques les plus chères, à savoir un certain cinéma d’horreur des années 70, celui qui aimait déranger, troubler et surprendre (on a beaucoup évoqué The Wicker Man – la version de 1973 – parmi les influences de Kill List).
On retrouve ici le terrain de la folk horror (dont The Wicker Man est devenu, au fil des ans, un véritable emblème), déjà présent dans le final de Kill List, ainsi qu’une imagerie parfois psychédélique qui évoque davantage A Field in England. Le tout baigne dans un contexte de pandémie dont on devine sans peine qu’il s’inspire directement de l’actualité récente et d’ailleurs, In The Earth a été écrit et tourné pendant l’épidémie de COVID.
L’idée de base est intéressante : interroger notre rapport à la nature quand nous savons précisément que cette problématique est liée, plus ou moins directement, à l’épidémie de COVID 19. Lancé sur cette piste intéressante, Wheatley imagine un récit fantastique explorant les légendes rurales britanniques (il en invente une pour l’occasion : celle de Parnag Fegg, qui semble tout à fait fictive) ainsi que le mystère de la nature et de son « langage » (on sait, par exemple, que les arbres communiquent entre eux). Dans la compréhension de ce langage résiderait, potentiellement, la clé d’une humanité meilleure ; c’est à travers cet aspect du film qu’on discerne un lien, certes un peu vague, avec la thématique de la pandémie qui offre son cadre à In the Earth. La réflexion à propos de la relation entre la science et les croyances folkloriques, soulevée par plusieurs répliques du métrage, fait également écho à la même actualité (il n’aura échappé à personne qu’on aura beaucoup parlé de sciences et de croyances diverses ces temps-ci).
Le sens de l’atmosphère de Wheatley (relevé par une musique parfois Carpenterienne), un duo de protagonistes attachant et de l’humour noir bien placé font de cette inquiétante promenade forestière une expérience de cinéma tantôt mystérieuse, tantôt drôle mais aussi limitée. In the Earth semble en effet se contenter un peu trop d’être un objet psyché et référentiel, négligeant un développement qui lui aurait permis de gagner en profondeur (alors que les idées sont là, par ailleurs) et par là-même de marquer véritablement la mémoire du spectateur. Un final frustrant, voire un peu paresseux, confirme hélas que la rigueur d’écriture propre à Kill List n’est ici que partiellement au rendez-vous.
Mais cette errance hallucinogène dans l' »english countryside » vaut néanmoins le détour, surtout si vous avez une sensibilité pour le genre de cinéma pré-évoqué. Dans le cas contraire, il est possible que tout cela vous laisse des plus perplexes – mais la perplexité n’est pas le pire sentiment que peut inspirer un film, loin s’en faut.
In the Earth séduit par son atmosphère évocatrice, son humour noir, son sympathique duo de protagonistes et son esthétique travaillée (ce qui inclut un excellent générique de fin), mais ne développe pas suffisamment la propre mythologie qu'il explore, de même que les liens (pourtant intéressants) entre celle-ci et le contexte de pandémie dont le film s'inspire. La suggestion est certes souvent préférable à la sur-explication, mais les zones d'ombre laissées ici sont un peu trop vastes ; elles suscitent donc davantage de frustration que de fascination.
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