Film de Dionne Copland
Année de sortie : 2022
Pays : Canada
Scénario : Dionne Copland
Photographie et montage : Louise Weard
Musique : Graham Trudeau
Avec : Nalani Wakita, Angela Way, M.J. Kehler, Alexander Lowe, Larry Fessenden, Cameron Petersen, Dallas Basso, Gwen Basso, Greg Tysseland, Griffin Cork
Cold Wind Blowing confirme que c’est, en ce moment, en grande partie du côté des productions indépendantes fauchées qu’il faut chercher des films de genre personnels et authentiques.
Synopsis du film
Une bande d’amis décide de passer Noël dans un chalet isolé situé dans la région des collines de Cyprès, au Canada. Peu à peu, cette réunion voit émerger des tensions au sein du groupe, tandis qu’une présence étrange rôde dans les bois environnants..
Critique de Cold Wind Blowing
Rarement le cinéma de genre aura été autant adulé par les critiques cinéma de tous bords. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle : si la musique hip-hop n’a jamais été aussi populaire et reconnue par la presse qu’au cours de ces dernières années, ce sont rarement les artistes les plus singuliers et intéressants qui bénéficient de cette mise en lumière.

C’est un peu la même chose avec un cinéma d’horreur coincé entre des franchises commerciales décérébrées et des pseudo films d’auteur prétentieux dont on loue les sous-textes pourtant souvent grossiers et banals. Il existe beaucoup d’exceptions à cette tendance, heureusement ; Ari Aster (Midsommar), par exemple, propose un cinéma de genre qui échappe à ces caricatures, et il n’est bien entendu pas le seul. Mais force est de constater que les déceptions restent nombreuses en la matière, y compris quand on écume les programmations des festivals spécialisés.

Dans ce contexte, les bonnes surprises émergent souvent d’un cinéma indépendant à petit budget. C’est dans ce « milieu » qu’évoluent des auteurs portés par l’unique chose qui devrait motiver la réalisation d’un film : l’envie d’exprimer quelque chose de personnel, sans se regarder filmer, et sans chercher à exploiter telle ou telle thématique d’actualité afin de séduire une intelligentsia empêtrée dans des débats de salon.

Incontestablement, Dionne Copland et Louise Weard font partie des auteurs dont on ne peut questionner l’authenticité de la démarche. Tout juste sorties de leur école de cinéma, ces deux amies canadiennes se sont lancées dans un projet de film, contactant six comédiens qu’elles avaient connus lors de leurs études, et rassemblant une équipe de seulement six techniciens (dont elles-mêmes, possiblement). Copland s’est occupée de la réalisation et de l’écriture ; Weard de la photographie et du montage. L’idée de départ est simple : des jeunes se retrouvent dans un chalet isolé pour les fêtes de fin d’année. C’est dans le traitement que Cold Wind Blowing affirme sa force et son caractère.

Au fur et à mesure que le film progresse, on constate en effet qu’il se concentre essentiellement sur ses personnages, sur leurs émotions et sur leurs relations, parfois (souvent) conflictuelles. Et comme le texte est simple mais juste, et que les acteurs se l’approprient avec une conviction qui fait mouche, il en ressort une tension quasi permanente, quoique nuancée, tension qui finalement est le principal moteur du film, au point que la créature (en partie inspirée par la mythologie locale) semble en être la métaphore, le prolongement, et non pas un monstre indépendant de l’intimité des personnages.

Si cette ambiguïté entre le mal intérieur et le mal extérieur est un « classique » du cinéma d’épouvante, elle exige, pour fonctionner, que les personnages soient suffisamment consistants. C’est le cas dans Cold Wind Blowing : chacun d’entre eux possède une personnalité propre, sans que celle-ci n’émane d’éléments biographiques trop évidents ou explicites (on sait, au fond, assez peu de choses de chacun d’entre eux) ; elle passe au contraire par des allusions et par le jeu des acteurs, essentiellement.

Ainsi, si les conflits intérieurs propres au personnage de Nomi (Angela Way) donne au récit sa principale impulsion (ce n’est pas un hasard si le premier plan du film la montre debout face à un miroir), les autres personnages sont tous soignés et crédibles, tandis que le script prend habilement à contrepied certains clichés du genre, affichant par exemple un « bodycount » singulièrement bas. C’est logique : encore une fois, l’horreur dans Cold Wind Blowing trouve sa source principale dans le huis clos, comme révélateur des démons personnels de chacun.

Rien d’étonnant à ce qu’une figure du cinéma de genre indépendant ait participé à ce projet : Larry Fessenden, auteur notamment de Wendigo, prête en effet sa voix à un animateur radio dans Cold Wind Blowing. Un « parrainage » cohérent, tant Dionne Copland et Louise Weard semblent être habitées par la même envie que Fessenden : produire un cinéma de genre honnête, sincère, avec des ambitions artistiques mais sans prétention, sans posture artificielle. En dehors de quelques approximations pouvant s’expliquer par le micro budget du film, elles y sont parvenues avec Cold Wind Blowing ; espérons qu’elles auront bientôt l’occasion de démontrer à nouveau leur talent.

Bande annonce de Cold Wind Blowing
À lire autour du film
Découvrez-en davantage sur la genèse de Cold Wind Blowing et sur la démarche de ses autrices dans cette interview (en anglais) de Dionne Copland et Louise Weard.
Cold Wind Blowing fait partie de ces petites productions indépendantes qui abordent le cinéma de genre avec du cœur, de la sincérité et de la personnalité. Le résultat, s'il demeure modeste (mais est-ce un défaut, au cinéma comme dans la vie ?), est plus stimulant que bien des films d'horreur à gros budget, plus léchés techniquement mais totalement dépourvus d'âme.
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