Film de Christine Dory
Année de sortie : 2023
Pays : France
Scénario : Christine Dory, Lise Machebœuf
Photographie : Jean-Marc Fabre
Montage : Saskia Berthod
Musique : Reno Isaac
Avec : Galatéa Bellugi, Émilie Dequenne, Samir Guesmi, Romane Bohringer, Matthieu Lucci
Servi par un récit solide et un excellent casting, La Fille d’Albino Rodrigue marque le retour enthousiasmant de Christine Dory comme metteuse en scène après une longue absence.
Synopsis du film
Rosemay (Galatéa Bellugi), bientôt 17 ans, a été placée dans une famille d’accueil, car ses propres parents avaient des difficultés à l’élever dans de bonnes conditions. Alors qu’elle passe quelques jours chez sa mère Marga (Émilie Dequenne), dans les environs de Mâcon, elle s’étonne de l’absence de son père, Albino. Marga lui explique qu’il a été hospitalisé suite à un souci de santé.
Mais lorsque Rosemay, un peu dérouté par les propos confus de Marga, contacte les différents hôpitaux de la région, on lui répond qu’aucun patient répondant au nom de son père n’a été pris en charge…
Critique de La Fille d’Albino Rodrigue
Le précédent long métrage réalisé par Christine Dory, avant celui qui nous intéresse ici, est sorti en 2008, soit il y a quinze ans. Cette année-là, la presse avait sans doute davantage parlé des Chtis que des Inséparables, dans lequel la scénariste et réalisatrice, qui a collaboré notamment avec Mathieu Amalric et Emmanuel Salinger, avait dirigé Guillaume Depardieu peu avant sa disparition. J’ignore les raisons pour lesquelles Christine Dory n’a pas tourné depuis ; mais en tout cas, après avoir vu La Fille d’Albino Rodrigue, on peut légitimement espérer ne pas attendre un tel délai avant de découvrir son prochain long métrage.

Le scénario, qu’elle a co-écrit avec Lise Macheboeuf, s’inspire d’un fait divers ; mais plus que les événements en eux-mêmes, c’est le visage et le regard d’une adolescente qui s’est imprimé dans l’esprit de la réalisatrice, et lui a donné cette envie indispensable à tout projet de film, du moins me semble-t-il : l’envie de raconter, tout simplement. Et en effet, Rosemay, le personnage de fiction basé sur cette adolescente, est le moteur de l’histoire – ce n’est pas pour rien que le titre du film la désigne d’ailleurs clairement.

Conformément à ce parti pris, Galatéa Bellugi, la jeune actrice qui prête ses traits au personnage en question, vue tout récemment dans l’excellent Chien de la casse, figure dans pratiquement chaque scène de La Fille d’Albino Rodrigue. La caméra n’a de cesse de saisir ses humeurs, son inquiétude, sa colère, ses (rares) sourires aussi. Elle y parvient, grâce aux qualités conjuguées de la mise en scène et de la composition de la comédienne, parfaite en adolescente au visage renfrogné, sur lequel se lit l’envie quasi constante de savoir ; de comprendre la vérité derrière les mensonges d’une mère apparemment peu fiable, incarnée par une Émilie Dequenne parfaite dans un contre-emploi.

La détermination de la protagoniste est d’autant mieux rendue à l’écran que le film demeure, du début à la fin, d’une sobriété totale, comptant davantage sur la précision du texte et des personnages que sur une quelconque emphase pour décrire la quête émouvante et légitime qui fait progresser l’action. Les dimensions sociale (en un sens, c’est l’histoire d’une mineure de condition modeste qui tente d’interpeller les autorités, surmontant pour cela, entre autres, ses difficultés en écriture) et familiale sonnent très justes ; leur peinture évite toute caricature et surenchère, à l’image de la réalisation de Christine Dory, concentrée sur le ressenti d’une héroïne de cinéma qui habite chaque plan jusqu’au dernier, simple et émouvant.
La Fille d'Albino Rodrigue réussit l'essentiel pour ce type de film : donner vie à une protagoniste et nous faire éprouver de l'empathie pour ses sentiments et pour sa quête intime, sans jamais trop en faire mais en se concentrant sur la qualité du récit et du jeu (celui de Galatéa Bellugi ne souffrant d'aucune approximation). C'est d'autant plus réussi que l'ensemble des personnages secondaires sont crédibles et bien interprétés, entre autres par Émilie Dequenne, Samir Guesmi, Romane Bohringer et le jeune Matthieu Lucci.
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