Film de Jordan Peele
Année de sortie : 2017
Pays : États-Unis
Scénario : Jordan Peele
Photographie : Toby Oliver
Montage : Gregory Plotkin
Musique : Michael Abels
Avec : Daniel Kaluuya, Allison Williams, Lil Rel Howery, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones, Stephen Root, Catherine Keener, Betty Gabriel
Get Out, de Jordan Peele, mêle intelligemment critique sociale, horreur et comédie, jusqu’à un dénouement bâclé qui malheureusement déséquilibre l’ensemble. Surestimé, mais divertissant.
Synopsis du film
Le photographe Chris Washington (Daniel Kaluuya) n’est pas complètement rassuré à l’idée de passer un week-end dans la famille de sa petite amie Rose Armitage (Allison Williams). Et pour cause : Rose n’a pas dit à ses parents que Chris était noir, et ce dernier se pose des questions quant à leurs potentielles réactions.
Après avoir heurté un cerf sur la route, les deux amoureux arrivent à destination, une vaste propriété isolée où vivent Dean (Bradley Whitford) et Missy Armitage (Catherine Keener), respectivement chirurgien et psychiatre.
Le dîner est un peu gâché par le comportement lourdingue de Jeremy (Caleb Landry Jones), le frère aîné de Rose, et par les maladresses verbales de Dean, qui se sent obligé de confier à Chris qu’il aurait voté une troisième fois pour Barack Obama s’il avait pu. Mais dans l’ensemble, les premières heures passées chez les Rose restent supportables pour le jeune homme, bien que la présence de deux domestiques noirs éveille sa perplexité.
Au cours de la première nuit, ne parvenant pas à s’endormir, Chris sort dans le jardin pour fumer une cigarette. À partir de là, les événements vont prendre peu à peu une tournure inquiétante…
Critique de Get Out
Le scénario de Get Out fait clairement écho, par sa manière de dénoncer le racisme à l’égard des afro-américains, à la fois à une partie peu réjouissante de l’histoire des États-Unis (l’esclavage ; la ségrégation raciale) et à une actualité brûlante. Impossible en effet de ne pas songer au mouvement Black Lives Matter, lancé en 2013 en réaction aux violences policières à caractère raciste qui se multiplient outre Atlantique et qui sont rarement – voire jamais – sanctionnées sur le plan pénal.
Ironie grinçante : le jour même de la sortie du film en France, la presse annonçait que les deux policiers ayant abattu de plusieurs balles un vendeur ambulant nommé Alton Sterling à Bâton Rouge (Louisiane) en 2016 ne seraient pas poursuivis, malgré une vidéo accablante (lire Bâton-Rouge : les deux policiers ne seront pas poursuivis pour la mort d’Alton Sterling).
Jordan Peele a donc choisi de parler sans détour de ce grave problème de société en usant d’un ton volontiers humoristique, ce qui n’a rien d’étonnant si l’on se penche sur son parcours : Peele est en effet le cocréateur de la série comique Key & Peele qui traite – entre autres – des tensions raciales aux États-Unis. Mais Get Out s’aventure également sur les terrains du thriller et de l’horreur avec, nous le verrons, plus ou moins de réussite, mais un certain sens de l’équilibre (en ce sens que l’humour ne désamorce jamais la dimension effrayante du récit).
Pendant un peu plus d’une heure, l’auteur nous rejoue un grand classique du cinéma de genre : celui de l’invité qui soupçonne, peu à peu, de douteuses intentions chez ses hôtes. Le récent The Invitation proposait également une variation (plus inspirée, d’ailleurs) autour de cette situation dont le potentiel cinématographique n’est plus à démontrer. Regards en coin ; allusions à peine voilées ; comportements étranges voire absurdes : le scénario enchaîne les warnings plus ou moins gros (c’est volontaire), si bien que très rapidement la question n’est pas tant de savoir s’il va se passer quelque chose (la scène d’ouverture ne laisse guère planer d’ambiguïté) mais plutôt quand et comment.

Catherine Keener, Bradley Whitfor, Allison Williams, Daniel Kaluuya et Betty Gabriel dans « Get Out »
Cette partie du film fonctionne plutôt bien : les dialogues font mouche ; la mise en scène est solide et l’interprétation convaincante. On sourit à plusieurs reprises, notamment lorsque l’auteur épingle nombre de préjugés racistes (les noirs sont plus forts ; meilleurs au lit ; etc.) ; mais Jordan Peele parvient également à créer un climat inquiétant et surtout grinçant, du fait des correspondances (déjà évoquées) entre l’humour acide du film et les réalités qu’il dénonce. Au niveau des références cinématographiques, on songe (comme souvent face à un film qui développe une atmosphère teintée de paranoïa et de faux-semblants) à Roman Polanski ; Peele cite d’ailleurs Rosemary’s Baby parmi ses influences dans le registre horrifique et fantastique (lire Jordan Peele lists his scary influences).
Du côté du casting, on s’attache rapidement à ce photographe sympathique en territoire hostile campé par l’acteur Daniel Kaluuya (vu notamment dans Sicario) et à sa petite amie Rose (Allison Williams, célèbre pour son rôle dans la série Girls). On retrouve par ailleurs avec plaisir la belle Catherine Keener (vue dans la comédie indé culte Ça tourne à Manhattan ; dans Dans la peau de John Malkovich et dans L’Interprète), parfaite en belle-mère vénéneuse.
Le virage horrifique des vingt dernières minutes est nettement moins bien négocié ; si Jordan Peele montre un attachement louable au genre, il en applique les recettes un peu aveuglément, au détriment de la caractérisation – jusqu’alors simple mais réussie – de son protagoniste. Le problème n’est pas de verser dans l’horreur pure mais d’oublier un peu la psychologie des personnages dans le processus (les réactions de Chris auraient mérité plus de nuances dans leur traitement), sans compter une certaine complaisance dans la violence qui frise la contradiction avec le discours du film et, plus généralement, l’impression d’un final expédié.
Néanmoins les idées sont là : à travers la révélation ultime (et plusieurs répliques significatives), Peele nous rappelle que le racisme comporte souvent une part d’envie, de fantasme et de jalousie plus ou moins inconsciente.
Le scénario de Get Out : un plagiat de The Skeleton Key ?
La chaîne YouTube Couch Tomato a publié en août 2017 une vidéo pointant des similarités flagrantes entre le scénario de Get Out et celui de The Skeleton Key, de Iain Softley (écrit par Ehren Kruger), autre film d’épouvante sorti en 2005, avec Kate Hudson et Gena Rowlands.
Difficile d’imaginer après coup que Jordan Peele n’a pas vu le film… S’est-il inspiré de la trame du film, ou l’a-t-il plagiée ? La réponse à cette question tient souvent à peu de choses ; faites-vous votre opinion en regardant la vidéo ci-dessous.
Bande-annonce de Get Out
Si les dernières minutes bâclées de Get Out laissent une impression très mitigée, celle-ci ne fait pas totalement oublier les qualités que reflète une bonne partie de cet honnête premier long métrage, certes lourdement survendu par la presse et pas toujours subtil, mais toutefois divertissant et (dans l'ensemble) plutôt équilibré. Quant aux similitudes avec The Skeleton Key, chacun jugera si on est dans le domaine de l'inspiration ou du plagiat...
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