Film de Dominik Moll
Année de sortie : 2016
Pays : France, Belgique
Scénario : Dominik Moll et Gilles Marchand
Photographie : Jean-François Hensgens
Montage : Margot Meynier
Musique : Adrian Johnston
Avec : François Damiens, Vincent Macaigne, Veerle Baetens, Jeanne Guittet, Tom Rivoire, Olivia Côte, Michel Aumont, Catherine Samie
Des nouvelles de la planète Mars est une ode optimiste à l’anti conformisme qui, sans convaincre autant que les précédents films signés Dominik Moll/Gilles Marchand, se suit avec plaisir.
Synopsis du film
Entre une ex-femme peu conciliante, une sœur artiste égoïste, la routine du travail et des enfants avec lesquels il a du mal à communiquer, le quotidien de Philippe Mars (François Damiens) n’est pas des plus épanouissants. Sa rencontre avec Jérôme (Vincent Macaigne), un collègue névrosé et émotionnellement instable, va bouleverser le cours de cette existence un peu morne…
Critique de Des nouvelles de la planète Mars
Dans les précédents films qu’ils ont écrits ensemble – Harry, un ami qui vous veut du bien et Lemming -, Dominik Moll et Gilles Marchand (réalisateur du brillant Qui a tué Bambi ?) avaient pris un malin plaisir à imaginer une rencontre entre des personnages très différents puis à décrire (habilement) le dérèglement qui s’ensuivait. C’est une dynamique que l’on retrouve dans Des nouvelles de la planète Mars, puisque le tournant du film repose sur la rencontre entre Philippe Mars, un quadragénaire blasé, et Jérôme, son collègue plus que borderline.
Mais la comparaison s’arrête là : Jérôme n’est pas un pervers manipulateur comme l’inquiétant Harry campé par Sergi López, ni un séducteur cynique comme Richard Pollock (André Dussollier) dans l’excellent Lemming. C’est un garçon instable, névrosé, mais avec plutôt un bon fond, et c’est par maladresse et irresponsabilité – et non par calcul – qu’il bouleverse le quotidien du protagoniste. Le ton du film est d’ailleurs léger, comique, ce qui l’éloigne radicalement des premiers films de Dominik Moll. Le scénario est construit en trois chapitres principaux : le premier décrit la personnalité et le quotidien de Philippe Mars ; le second la rencontre avec Jérôme et les situations absurdes qu’elle provoque ; le troisième, enfin, met en scène le résultat, le fruit en quelques sortes, du chaos introduit dans une vie jusque-là très ordinaire.
L’écriture soignée du tandem de scénaristes et la réalisation toujours précise et rigoureuse de Dominik Moll lance le film sur de bons rails, d’autant plus que les comédiens sont tous excellents. François Damiens compose avec beaucoup de sobriété et de retenue un personnage qui incarne, en quelques sortes, une figure assez classique. A la fois salarié empêtré dans la monotonie de son travail et père divorcé dépassé par ses enfants, Philippe Mars représente dans les grandes lignes le citadin quadragénaire vaguement déprimé dont le cinéma français nous parle régulièrement, de façon plus ou moins inspirée. Mais le comédien a suffisamment de présence pour lui donner une épaisseur, tandis qu’en face de lui, Vincent Macaigne est très à l’aise dans un registre certes plus excessif que d’habitude mais auquel il commence à être habitué. L’acteur, qui est l’une des coqueluches du cinéma d’auteur français moderne, s’illustre en effet régulièrement (avec un talent indéniable) dans des personnages sensibles et plus ou moins paumés (voir son rôle dans Un Monde sans femmes et Tonnerre de Guillaume Brac, mais aussi dans Les Deux amis de Louis Garrel) – des qualificatifs qui siéent plutôt bien à son rôle dans Des nouvelles de la planète Mars.
Le duo Damiens/Macaigne est entouré par des acteurs dont les partitions sont tout aussi justes, qu’il s’agisse des jeunes comédiens interprétant les enfants de Philippe Mars (Jeanne Guittet et Tom Rivoire) ou des attachants seconds rôles, parmi lesquels ceux campés par Michel Aumont – vu chez Losey, Tavernier, Annaud, Deville, Granier-Deferre, etc. – et Catherine Samie, tous deux de la Comédie-Française. Sans oublier Veerle Baetens, récompensée à la cérémonie des prix du cinéma européen et au Tribeca Film Festival pour sa prestation dans Alabama Monroe, et enfin Philippe Laudenbach (qui a joué sous la direction de Resnais, Blier, Truffaut, Rohmer…), lequel s’est visiblement bien amusé dans le rôle du surprenant voisin de palier de Philippe Mars.

Vincent Macaigne, Tom Rivoire, François Damiens et Veerle Baetens dans Des nouvelles de la planète Mars
Servies par d’aussi bons comédiens, les répliques tranchantes et situations absurdes écrites par Moll et Marchand font mouche, et Des nouvelles de la planète Mars est souvent drôle, enchaînant sur un bon rythme des péripéties truculentes. A travers celles-ci, les auteurs jettent un regard critique sur le monde (cynique) de l’entreprise, l’individualisme et le culte de la réussite sociale, les dérives du capitalisme (ici à travers l’industrie agroalimentaire) et une Europe en crise – autant de réalités très actuelles auxquelles ils opposent une certaine poésie, un joyeux bordel, un goût de folie douce, de liberté et d’amour…
Une morale sympathique donc, mais aussi un poil simpliste et à laquelle le film se heurte au cours de sa dernière partie. Au final, Dominik Moll nous livre un énième conte sur un individu blasé piégé dans les rouages de la société moderne, qui trouve un nouveau souffle dans un peu de folie et de nouveauté ; et le réalisateur n’apporte pas grand chose à ce schéma vu et revu. Cette fable qui loue l’anti-conformisme avec bonne humeur et optimisme – et on ne le lui reprochera pas (surtout dans le contexte actuel) – use, paradoxalement, de procédés assez convenus, qui donnent au décalage visiblement recherché un arrière goût aseptisé. Et même si on retrouve parfois la dimension étrange, à la lisière du fantastique, que Gilles Marchand et Dominik Moll semblent tous les deux apprécier, on éprouve dans les derniers instants du film la sensation de suivre une route toute tracée, que l’on quitte sans aigreur mais avec une légère frustration.
Des nouvelles de la planète Mars bénéficie d'un bon casting, qui met en valeur des dialogues comiques et des personnages attachants. Le film souffre cependant d'une dernière partie pleine de bonnes intentions mais un peu faible, qui ne parvient pas à donner suffisamment d'éclat à un propos somme toute très classique (ce que la première heure du film était parvenue à faire). On est donc en dessous du niveau de Harry... et de Lemming, même si la vision du film est agréable dans son ensemble. On notera par ailleurs une bonne musique originale signée Adrian Johnston, avec lequel Dominik Moll avait déjà travaillé (dans le cadre du tournage de la série TV à succès The Tunnel).
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