Film de Peter Mackie Burns
Année de sortie : 2017
Pays : Royaume Uni
Scénario : Nico Mensinga
Photographie : Adam Scarth
Montage : Nick Emerson
Musique : Sam Beste
Avec : Emily Beecham, Geraldine James, Nathaniel Martello-White, Osy Ikhile, Sinead Matthews, Stuart McQuarrie
Daphne est un portrait de (jeune) femme doublé d’un récit initiatique qui sait rester simple et sobre. Si un vague ennui pointe parfois le bout de son nez, la réalisation inspirée de Peter Mackie Burns et le talent d’Emily Beecham apportent une certaine grâce à l’ensemble.
Synopsis du film
Daphne (Emily Beecham) travaille comme serveuse dans le quartier Elephant and Castle, au sud de Londres. Elle aime sortir, boire des coups et citer des propos pessimistes sur l’amour, tandis que sa relation avec sa mère Rita (Geraldine James) – atteinte d’un cancer mais qui rechigne à faire une chimiothérapie – est plutôt compliquée.
Daphne met un point d’honneur à ne pas tomber amoureuse et à se préserver plus généralement de certaines émotions, préférant afficher une posture cynique et désabusée. Mais un soir, elle est témoin d’une grave agression dans une épicerie. La jeune femme va tenter de reprendre une vie normale, se refusant à communiquer sur cet événement. Mais celui-ci va rapidement avoir un impact évident sur son comportement…
Critique de Daphne
Daphne, premier long métrage du britannique Peter Mackie Burns, fait partie de ces films qui propose de capter une tranche de vie en tentant de saisir, sur la pellicule, à la fois la singularité d’un protagoniste (une, en l’occurrence) et les particularités d’un environnement, d’un lieu, d’une époque.
Bien entendu, un auteur habile tente souvent de mettre en perspective ces deux éléments (le sujet et son contexte social et géographique) ; Rachel Lang le faisait très bien dans Baden Baden, par exemple, qui est d’ailleurs à bien des égards proche de Daphné : Ana (Salomé Richard) et l’héroïne qui donne son titre au film de Peter Mackie Burns (Emily Beecham) sont deux jeunes femmes qui se cherchent un peu, à une époque où les responsabilités (familiales, s’entend) arrivent souvent un peu moins vite qu’auparavant (si elles arrivent, selon les choix de chacun) – d’où des personnages qui semblent errer à la lisière de l’adolescence (toutes proportions gardées) et de l’âge adulte
(à l’instar de Frances Ha dans le fameux film de Noah Baumbach) tel que la norme sociale a tendance à le définir.
Ces trois films (Frances Ha ; Baden Baden et Daphne) ont donc en commun de mettre en scène des jeunes femmes indécises, drôles, un peu fantasques, qui ne veulent pas forcément se fondre dans les modèles qu’on leur renvoie ni dans les clichés de leur époque. Elles aiment par ailleurs sortir, boire des verres, draguer et bouquiner. Et si New York et Strasbourg sont omniprésents dans les films de de Noah Baumbach et Rachel Lang, on peut en dire largement autant de Londres dans Daphne.
La capitale britannique fait en effet ici l’objet de nombreux plans de facture souvent mélancoliques, qui reflètent bien l’état d’esprit d’une héroïne un peu paumée et qui n’ont rien de la carte postale touristique. Peter Mackie Burns filme essentiellement le quartier Elephant and Castle dans le sud de Londres, qu’on ne voit pas si souvent au cinéma ; et il le fait avec un sens du cadre et de la lumière (rendons ici hommage au directeur photo Adam Scarth) donnant lieu à des images expressives, plus significatives que bien des discours verbeux. Daphne fonctionne ainsi à l’économie, adoptant une approche épurée et décrivant par petites touches l’évolution de son personnage.
Celle-ci repose en partie sur un événement dramatique : c’est en effet un choc post-traumatique (une agression dans une épicerie) qui secoue la serveuse londonienne incarnée par Emily Beecham, et l’amène finalement à se tourner un peu plus vers les autres. Le procédé est un peu téléphoné, mais le traitement est suffisamment sobre pour que cela fonctionne.
Les limites du film résident toutefois en plusieurs points : la protagoniste est clairement attachante mais dans les grandes lignes, sa caractérisation n’est pas des plus originales (c’est une jeune femme littéraire un peu rebelle, cynique et blasée, comme on en a vu beaucoup auparavant), tandis que le rythme aurait gagné à être plus dynamique (on s’ennuie parfois un peu). Mais la performance d’Emily Beecham, celle de Geraldine James (vue récemment dans Jersey Affair) et les qualités esthétiques du film font que l’ensemble demeure élégant et harmonieux.
Daphne est un joli petit film, pas particulièrement marquant mais dont on garde en tête des images, des atmosphères, un parfum. Quelques notes de musique, aussi : celle de la chanson I Found a Reason, des Velvet Underground, qui accompagne le générique de fin.
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