Film d’Olivier Assayas
Année de sortie : 2020
Pays : France, Brésil
Scénario : Olivier Assayas, d’après Os Últimos Soldados da Guerra Fria de Fernando Morais
Photographie : Denis Lenoir
Montage : Simon Jacquet
Avec : Édgar Ramírez, Penélope Cruz, Gael García Bernal, Wagner Moura, Ana de Armas
Avec Cuban Network, Olivier Assayas décrit méticuleusement les différents aspects d’une authentique affaire d’espionnage, impliquant Cuba et les États-Unis dans les années 90. Le résultat est solide et rigoureux.
Synopsis du film
Années 90, à Cuba. Le pilote d’avion cubain René González (Édgar Ramírez) quitte illégalement son pays et se réfugie à Miami. Ses compatriotes, y compris son épouse Olga (Penélope Cruz), pense qu’il a trahi le régime.
Arrivé aux USA, René entre en contacte avec un groupe d’exilés cubains anti Castro. Il commence à travailler pour eux, mais découvre peu à peu que certaines de leurs actions sont des plus discutables…
Critique de Cuban Network
La filmographie d’Olivier Assayas est plutôt hétérogène en termes de genre. Le réalisateur français s’est illustré aussi bien dans le drame intimiste (L’Heure d’été, Sils Maria) que dans le thriller (Boarding Gate), le fantastique (Personal Shopper, qui d’ailleurs couvre plusieurs genres) ou encore la chronique générationnelle (Après mai).
Cuban Network est un film d’espionnage basé, comme Carlos du même Assayas (consacré au parcours du terroriste vénézuélien éponyme), sur des faits authentiques, à savoir ce qu’on appela l’affaire des cinq espions cubains
(the Cuban Five
, en anglais). Il s’agit, me semble-t-il, d’une affaire dont on ne parle pas tant que ça et qui, à ma connaissance, n’avait pas été traitée au cinéma jusque-là.
Ce qui frappe rapidement dans le film, c’est sa densité. Il est constitué de scènes courtes, dont la plupart ont un rôle précis dans le récit de l’affaire, tandis que d’autres visent à brosser, en quelques traits (plus ou moins convaincants selon les cas), l’intimité des protagonistes, pour éviter que le film ne paraisse trop froid ou mécanique. Malgré la grande quantité d’informations et de personnages, Assayas ne nous égare jamais en chemin, livrant un récit dont la construction est certes complexe mais qui demeure parfaitement compréhensible et cohérent. Notons ici que le scénario est basé sur le livre Os Últimos Soldados da Guerra Fria (Les Derniers soldats de la guerre froide) de Fernando Morais, ce qui explique en partie la rigueur journalistique qui émane de l’ensemble ; mais il faut néanmoins saluer la précision du découpage effectué par le réalisateur français.
Comme la plupart des bons films d’espionnage, Cuban Network n’est jamais manichéen. On sent qu’Olivier Assayas respecte les espions cubains au centre de l’affaire (et pour cause, ils ne commettent rien qui justifieraient un jugement contraire) mais son film n’est pas castriste pour autant ; il égratigne aussi bien l’attitude plus que discutable des USA que les répressions des manifestations sous Castro, ainsi que les crimes parfois abjects commis par nombre de ses opposants depuis l’étranger. Cuban Network est donc composé de nuances de gris, et salue davantage la loyauté de certains individus que les mérites d’un gouvernement ou d’un système particulier.
La densité du film est l’une de ses forces et aussi, paradoxalement, sa faiblesse, d’un certain point de vue. Elle permet une compréhension assez complète de l’affaire, une identification précise de ses enjeux et de ses contours ; mais on pourra arguer que le tout manque un peu d’âme : au sein de cette multitude d’informations, certes très bien organisée, il reste peu d’espace pour l’émotion. On pourrait presque parler de précision documentaire
, avec les travers que cette expression sous-entend (parfois) au cinéma. Mais Cuban Network offre néanmoins un spectacle de qualité, à la fois divertissant et instructif, tandis que son casting, en grande partie sud-américain, s’avère irréprochable.
Cuban Network propose un récit d'espionnage précis, bien découpé et documenté, qui nous éclaire sur une page finalement assez peu connue de l'histoire. Moins mémorable que certains autres films de son auteur, il demeure néanmoins largement recommandable et témoigne d'une belle maîtrise en termes de construction et de réalisation.
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