Film de Woody Allen
Année de sortie : 1982
Pays : États-Unis
Scénario : Woody Allen
Photographie : Gordon Willis
Montage : Susan E. Morse
Musique : Felix Mendelssohn, Franz Schubert, Robert Schumann
Avec : Woody Allen, Mia Farrow, José Ferrer, Julie Hagerty, Tony Roberts, Mary Steenburgen
If you lusted after me so, why weren’t you also in love with me? Can the two feelings really be separate?
Ariel (Mia Farrow) dans Comédie érotique d’une nuit d’été
Seul film de son auteur tourné entièrement à la campagne avec September, Comédie érotique d’une nuit d’été est d’une légèreté exquise, tout en portant des thèmes qui donnent à méditer.
Synopsis du film
Au tout début du vingtième siècle, dans la campagne de New York. Trois couples se font et se défont au cours d’une journée et d’une nuit d’été riches en péripéties amoureuses, en questionnements intimes et en méditations sur le désir, le tout saupoudré d’une touche de magie…
Critique de Comédie érotique d’une nuit d’été
He’s a wonderful guy and a terrific doctor. Never lost a patient. Got a couple of them pregnant, but never lost one.
Andrew (Woody Allen) à propos de Maxwell dans Comédie érotique d’une nuit d’été
S’il est notoire que le très new-yorkais Woody Allen déteste la campagne, quelqu’un qui ne connaîtrait de lui que le marivaudage rural et aérien qu’est Comédie érotique d’une nuit d’été ne pourrait guère le soupçonner. Non seulement l’histoire se déroule à la campagne mais ensuite, et surtout, la réalisation tend à sublimer et à idéaliser ce cadre, à travers plusieurs scènes par ailleurs très réussies illustrant l’idée d’une nature exaltante, pleine d’harmonie et de vie, de mystère aussi.

Quant au chef opérateur Gordon Willis, avec lequel Allen collaborait depuis déjà plusieurs années à l’époque, il fait mentir ici son surnom de prince des ténèbres
, en signant des plans colorés, lumineux, portés par des symphonies et concertos de Felix Mendelssohn (notons que l’actrice Mary Steenburgen interprète au piano des thèmes de Franz Schubert et Robert Schumann ; Mia Farrow joue quant à elle un morceau d’Albert Hay Malotte).

Là aussi, par le choix (tout à fait judicieux) de la musique classique, Comédie érotique d’une nuit d’été se distingue des autres longs métrages de Woody Allen (le plus souvent bercés par des thèmes de jazz), même s’il ne s’agit pas de son unique utilisation de ce type de musique (on citera notamment Match Point, qui comporte plusieurs airs d’opéra).

Le film, qui s’inspire vaguement de Sourires d’une nuit d’été d’Ingmar Bergman (un des maîtres de Woody Allen), développe deux sujets distincts. C’est d’abord une méditation (une méditation légère, même s’il faut souligner qu’Allen avait d’abord envisagé un traitement dramatique) autour de l’idée qu’une occasion (amoureuse) manquée ne se retrouvera jamais. Même si les circonstances peuvent donner l’illusion d’une seconde chance, l’événement en lui-même ne peut bien entendu pas se répéter à l’identique (le temps a passé ; les personnes concernées ont changé ; etc.) et donc, on ne pourra jamais savoir ce qui serait advenu si l’on avait agi différemment, et on ne peut pas changer drastiquement le cours des choses tel qu’il a été défini
par le premier choix (ou absence de choix).
Dans le film, c’est l’histoire entre Ariel Weymouth (Mia Farrow, qui apparaissait pour la première fois dans un Woody Allen) et Andrew (Allen) qui illustre cette réalité entêtante et un peu amère, à laquelle pratiquement tout le monde est un jour confronté.

Le second thème est plus existentiel : existe-t-il un monde invisible à l’œil nu, peuplé d’énergies et de manifestations transparentes du passé, échappant aux règles scientifiques connues, ou à l’inverse tout n’est-il que matière, réalité concrète et scientifiquement observable ? C’est un sujet récurrent chez Allen (au cœur du film Magic in the Moonlight) qui, rappelons-le, a été un magicien en herbe pendant sa jeunesse.

Dans ses récentes interviews, il se montre plutôt pessimiste sur cette question, mais son cinéma interroge souvent de manière plus ambigüe la frontière entre le visible et l’invisible, le rationnel et le fantastique, le scepticisme et la foi. Comédie érotique d’une nuit d’été est un bon exemple de cette préoccupation. Dans le film, le professeur Leopold Sturges (José Ferrer) est le seul à afficher un cartésianisme strict, y compris quand la boule aux esprits inventé par Andrew diffuse une troublante image.

Ce qui est intéressant, c’est qu’en dépeignant Leopold comme un homme arrogant et imbu de sa personne, le film semble pencher du côté de la fantaisie, du mystère, sans doute pas du fait d’une conviction personnelle du cinéaste mais plutôt d’une envie de rêve, d’évasion, de magie qui fait en grande partie le charme de cette Comédie érotique d’une nuit d’été.

Le récit est alerte, rythmé par les répliques toujours efficaces de Woody Allen, répliques dont les comédiens révèlent parfaitement la saveur comique (a-t-on déjà vu quelqu’un mal jouer dans un Woody Allen ?). Du fidèle Tony Roberts (qui jouait déjà dans la pièce d’Allen Play It Again, Sam en 1969) à la pétillante Julie Beth Hagerty en passant par l’élégante Mary Steenburgen, José Ferrer et bien sûr Woody Allen lui-même, l’ensemble du casting joue sa partition à merveille. Les péripéties quelque peu vaudevillesques s’enchaînent, sans jamais tomber dans la lourdeur ou la vulgarité, grâce à la plume élégante de l’auteur et à la fluidité de la réalisation.

Le personnage d’Andrew est sans doute l’une des variantes les moins pessimistes et angoissées du personnage maladroit et névrosé joué régulièrement par Woody Allen dans ses propres films. S’il est naturellement préoccupé par ses problèmes de couple, c’est un inventeur fantaisiste qui croit en l’existence des esprits, et le déroulement du film lui donne d’ailleurs raison. Ses inventions saugrenues, dont un appareil volant peu rassurant, donne à Allen l’occasion d’utiliser un ressort comique déjà employé dans Woody et les robots, dont l’anti-héros tentait laborieusement de prendre son envol à bord d’une machine futuriste.

Ce geste (Andrew prenant son élan à bord de son drôle d’appareil) ne prête pas qu’à sourire, il est aussi un symbole ; celui d’un homme (Allen) angoissé par la mort et par l’absence de sens satisfaisant à l’existence, qui tente de trouver un peu de légèreté et de plaisir en s’émancipant de son poids terrestre. Une démarche qui est, plus généralement, l’un des moteurs du cinéma de Woody Allen. C’est en partie ce qui le rend touchant.
Comédie érotique d'une nuit d'été invite à rêvasser autour d'une nature exaltante et magique, où les désirs amoureux et les esprits du passé flânent parmi les papillons, lapins et autres animaux paisibles. Mais le film porte aussi un constat plus amer, celui que les occasions manquées le resteront à jamais. Tout le temps perdu ne se retrouve plus
, chantait la dame en noir. S'il est drôle, léger et qu'il préfère le merveilleux au scepticisme, Comédie érotique d'une nuit d'été intègre donc aussi, comme pratiquement toutes les comédies de son auteur, une note plus mélancolique.
Un commentaire
Pas vu celui là. Mais rien que la musique, me donne très envie. Je m’en vais le télécharger promptement.