Film de Woody Allen
Année de sortie : 1973
Titre original : Sleeper
Scénario : Woody Allen et Marshall Brickman
Photographie : David M. Walsh
Montage : O. Nicholas Brown, Ron Kalish, Ralph Rosenblum
Avec : Woody Allen, Diane Keaton, Don Keefer
Miles Monroe: I haven’t seen my analyst in 200 years. He was a strict Freudian. If I’d been going all this time, I’d probably almost be cured by now.
Woody Allen dans Woody et les robots
Woody et les robots est une comédie délirante typique des premiers Woody Allen. Son récit plutôt bien emmené et surtout le tandem exceptionnel formé par Allen et Diane Keaton annonce la première grande comédie de son auteur, Guerre et amour.
Synopsis du film
En 2173, deux scientifiques, hostiles au pouvoir en place, réveillent un certain Miles Monroe (Woody Allen), cryogénisé depuis 200 ans. Leur espoir est que ce citoyen anonyme, ancien commerçant installé à Greenwhich Village, puisse contrarier un redoutable projet gouvernemental, le Aries Project
.
S’il se montre peu enthousiaste à l’idée de risquer sa vie, Miles, par la force des choses, va devoir tenter de mener à bien sa mission…
Critique de Woody et les robots
Luna Schlosser: It’s hard to believe that you haven’t had sex for 200 years.
Diane Keaton et Woody Allen dans Woody et les robots
Miles Monroe: 204, if you count my marriage.
Woody et les robots (stupide titre français, le protagoniste ne s’appelant par ailleurs absolument pas Woody) est le quatrième long métrage réalisé par Woody Allen (le cinquième si on inclut What’s Up Tiger Lily, dont Allen a laissé entendre depuis qu’il a eu peu de prise sur ce projet). Son titre original, Sleeper, est sans doute un clin d’œil au roman du célèbre écrivain britannique H.G. Wells The Sleeper Awakes, le scénario du film reprenant l’idée d’un homme qui se réveille dans un futur dystopique après deux cent ans de sommeil. Eh oui, Woody et les robots est bel et bien un film de science-fiction, l’unique de son auteur à ce jour.

Toutefois, contrairement à Kubrick (dont le fameux Odyssée de l’espace était sorti cinq ans plus tôt) ou à George Lucas (THX 1138, sorti en 71), Allen aborde le genre avec la tonalité résolument comique, légère et absurde propre au début de sa filmographie, et si le scénario de Woody et les robots comporte des éléments de critique social typiques de nombreux récits SF (citoyens sous contrôle ; pouvoir ultra centralisé et autoritaire ; culte du divertissement et du plaisir individuel pour endormir la conscience politique ; agriculture chimique à souhait…), on sent que Woody Allen cherche ici davantage à divertir le public qu’à le faire méditer sur les possibles dérives d’une société consumériste et individualiste.

À l’origine, comme Allen l’explique lui-même dans son autobiographie Soit dit en passant, le scénario devait être plus ambitieux et se diviser en deux parties, l’une se déroulant dans le New York des années 1970, l’autre dans le futur ; une entracte aurait séparer ces deux composantes du récit. Mais ni Allen ni son partenaire d’écriture Marshall Brickman ne sont parvenus à trouver des idées suffisamment bonnes pour la première partie, et le film commence donc directement par le réveil de l’anti-héros Miles Monroe en l’an 2173.

Les gags s’enchaînent ensuite à un rythme soutenu, souvent visuels (Allen n’ayant jamais caché son admiration pour Groucho Marx, entre autres), mais reposant également sur des répliques hilarantes typiques de son écriture inimitable (I don’t know what the hell I’m doing here. I’m 237 years old, I should be collecting social security.
).

Ils sont pour la majorité d’entre eux efficaces, tandis que le récit est davantage construit (toutes proportions gardées !) et homogène que celui de Bananas, lequel était plus proche d’une succession de sketches. Ce progrès notable préfigure Guerre et amour, d’un niveau encore supérieur (y compris sur le plan formel) même si Woody et les robots se regarde avec plaisir et témoigne d’une bonne gestion du rythme.

Le film comporte plusieurs motifs qui font écho à d’autres métrages de son auteur, antérieurs et ultérieurs. On retrouve, comme dans Bananas, l’idée d’un groupe rebelle luttant contre un pouvoir dictatorial (d’ailleurs, les rebelles dans Woody et les robots chantent le même hymne que les guérilleros de Bananas) ; l’engin volant que Miles Monroe utilise avec beaucoup de peine évoque celui de l’inventeur campagnard Andrew (joué par Allen également) dans Comédie érotique d’une nuit d’été (1982) ; tandis que le tandem Allen-Keaton, dont l’alchimie est déjà ici flagrante, donne un avant goût de celui qu’ils formeront deux ans plus tard dans Guerre et amour, notamment dans la scène d’infiltration finale où la dynamique entre les personnages, mais aussi la situation en elle-même, est proche de la séquence du complot visant à assassiner Napoléon dans le film précité.

La présence de Diane Keaton, avec laquelle Woody Allen avait déjà travaillé à deux reprises (dans la pièce Play it again Sam et le film Tombe les filles et tais-toi), ainsi que formé un couple amoureux à la ville, apporte énormément à Woody et les robots, tant elle est à la fois lumineuse, belle et dotée d’un formidable potentiel comique. Sa complicité avec Allen est criante, et donne à leurs scènes communes une saveur irrésistible.

Le film est également important dans la mesure où il marque la première collaboration entre Woody Allen et Marshall Brickman, lesquels allaient ensuite écrire ensemble le superbe Annie Hall, le culte Manhattan et, plus tard, le délicieux Meurtre mystérieux à Manhattan.
Riche en trouvailles visuelles, en répliques savoureuses, en situations délirantes et porté par un duo comique exceptionnel, Woody et les robots reflète un net progrès de son co-auteur en termes de narration (même si ses précédents films offrent déjà de bonnes tranches de rire !) et annonce ainsi le remarquable Guerre et amour, qui sortira deux ans plus tard.
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