Film de Drew Barrymore
Année de sortie : 2009
Titre original : Whip It
Pays : États-Unis
Scénario : Shauna Cross
Photographie : Robert D. Yeoman
Montage : Dylan Tichenor
Musique : The Section Quartet
Avec : Ellen Page, Marcia Gay Harden, Kristen Wiig, Zoë Bell, Drew Barrymore, Juliette Lewis, Jimmy Fallon, Daniel Stern, Alia Shawkat
Bliss associe efficacement les ingrédients du coming-of-age movie à un univers plus rarement montré au cinéma (celui du roller-derby), qui bouscule, avec une belle énergie, certains clichés sur la féminité.
Synopsis du film
Bliss Cavendar (Ellen Page), dix-sept ans, s’ennuie dans la petite ville du Texas où elle vit avec ses parents et sa sœur Shania (Eulala Scheel). Elle n’est pas franchement enthousiasmée par les concours de beauté locaux auxquels sa mère Brooke (Marcia Gay Harden) l’incite régulièrement à participer, et son petit boulot de serveuse dans le fast-food du coin ne l’emballe pas vraiment, même si elle est ravie d’y retrouver sa meilleure amie Pash (Alia Shawkat).
Un jour, Bliss assiste à un match amateur de roller-derby féminin dans la ville d’Austin. Un déclic se produit alors dans l’esprit de la jeune fille…
Critique de Bliss
Même s’ils utilisent parfois des codes narratifs et ressorts dramatiques récurrents, les coming-of-age movies représentent un sous-genre cinématographique marqué par une grande variété d’approches. Par exemple, Le Lauréat est très différent de Risky Business, lui-même très différent de Stand by Me, lui-même très différent des 400 coups, lui-même très différent de Juno. Ce n’est pas un hasard si j’ai terminé cette courte énumération par le long métrage de Jason Reitman sorti en 2007, puisqu’il met en vedette Ellen Page, l’actrice principal du film qui nous intéresse ici.
Bliss a, dans le fond, une approche conventionnelle du genre : on retrouve le personnage typique d’adolescente en conflit avec ses parents, qui s’ennuie dans une ville paumée et qui vit une expérience lui permettant dans un premier temps de libérer son énergie et sa colère, dans un second temps d’apprendre sur elle-même et sur les autres. Sur ce point, le scénario est sans surprise mais cela n’a aucune importance : il n’est, heureusement, pas forcément nécessaire de bouleverser des codes d’écriture pour réussir un bon film ; du savoir-faire, de l’énergie et de bons comédiens peuvent largement suffire, et Bliss témoigne assurément de ces différentes qualités.
Même s’il suit donc un schéma classique (en ayant cependant le bon goût de ne jamais forcer le trait, sauf quand il s’agit de jouer volontairement avec un cliché – à l’image de l’adversaire badass campé par Juliette Lewis), le film apporte néanmoins une précieuse touche de nouveauté à travers le sport, inhabituel au cinéma, pratiqué par l’héroïne et ses coéquipières hautes en couleur : le roller-derby. S’il ne date pas d’hier (sa forme actuelle est apparue dans les années 30, mais les premiers matchs se sont déroulés dès la fin du 19ème siècle), c’est à partir des années 2000 qu’il connut un véritable renouveau populaire, par le biais d’une pratique amateur et exclusivement féminine qui s’est développée en particulier dans la ville d’Austin.
C’est précisément ce phénomène de société que reflète Bliss et si le résultat convainc autant, c’est en partie parce que Shauna Cross, l’auteure du scénario (basé sur son propre roman), sait parfaitement de quoi elle parle : parallèlement à ses études de cinéma (à Austin), Cross a elle-même participé au « revival » du roller-derby en tant qu’athlète, au tout début des années 2000, notamment au sein de l’équipe Los Angeles Derby Dolls. Sa peinture du milieu sonne donc juste, mais Cross témoigne également d’un vrai talent pour croquer des personnages : autour de la jeune protagoniste, servie par le charme et le talent d’Ellen Page, gravitent de nombreux personnages secondaires attachants et/ou truculents, brillamment incarnés par Kristen Wiig, Zoë Bell, Alia Shawkat, Juliette Lewis, Andrew Wilson, les musiciens Eve Jihan Jeffers et Landon Pigg, Jimmy Fallon (le célèbre présentateur TV) ou encore Drew Barrymore.
Cette dernière assure également ici le rôle de réalisatrice, et on peut s’étonner qu’elle n’ait pas renouvelé l’expérience depuis : la mise en scène de Bliss est parfaitement fluide et sert fort bien le script équilibré de Shauna Cross. Les scènes de roller-derby sont dynamiques sans être confuses ; les scènes d’intimité sensibles ou drôles, sans être mélo ou lourdingues.
Barrymore s’est retrouvée sur le projet d’adaptation par le biais de sa propre société de production Flower Films, dont l’un des coups d’éclat fut de financer Donnie Darko (2001), le film culte de Richard Kelly. Pour son premier et donc unique film en tant que réalisatrice à ce jour, elle s’est entourée du brillant chef opérateur Robert Yeoman, lequel a travaillé avec William Friedkin, Wes Anderson, Wes Craven ou encore Noah Baumbach, et dont la contribution à la réussite esthétique de Bliss fut probablement importante.
Une bande son évocatrice (The Raveonettes ; Ramones ; Peaches ; The Breeders ; MGMT ; Radiohead…) achève de donner à Bliss une atmosphère et une énergie qui font mouche, et qui nous portent sans encombre vers le générique de fin.
On appréciera également un discours positif sur les femmes et le sport, qui tort volontiers le cou à certaines idées reçues ; en ce sens, Bliss est un film féministe, sans que jamais cette dimension ne soit grossièrement surlignée, contrairement à ce que l’on peut voir dans de nombreuses productions américaines actuelles qui ont fait, il faut bien le dire, du féminisme un pur argument commercial.
Bande-annonce
À l'image du sport qu'il met en scène, Bliss est un film généreux et énergique, dont la réalisation maîtrisée, la bande son entraînante et le casting attachant ne sont pas les moindres des atouts. C'est aussi une œuvre qui, parce qu'elle montre des femmes sportives, battantes et solides, ébranle de nombreuses idées reçues sur la féminité.
Aucun commentaire