Film de Katie Aselton
Année de sortie : 2012
Pays : États-Unis
Scénario : Mark Duplass
Photographie : Hillary Spera
Montage : Jacob Vaughan
Musique : Ben Lovett
Avec : Katie Aselton, Lake Bell, Kate Bosworth, Will Bouvier, Jay Paulson, Anslem Richardson
Black Rock est un survival féministe qui compense un déroulement assez convenu par une mise en scène soignée, une approche plutôt réaliste et un bon trio de comédiennes.
Synopsis du film
Sarah (Kate Bosworth), Lou (Lake Bell) et Abby (Katie Aselton) – trois amies âgées d’une trentaine d’années – partent camper sur une île isolée où elles venaient souvent jouer du temps de leur adolescence. Après une dispute entre Lou et Abby, liée à une vieille histoire, toutes trois se retrouvent sur la plage dans une atmosphère plutôt tendue.
À ce moment-là, trois hommes armés sortent d’un bois. D’abord effrayées, le trio réalise rapidement qu’il s’agit simplement de chasseurs, parmi lesquels Lou reconnaît le frère d’une connaissance de lycée. Abby leur propose de passer la soirée avec elles.
Le soir venu, autour d’un feu sur la plage, Abby boit plus que de raison et drague Henry (Will Bouvier). Tous deux se retrouvent à l’écart dans les bois, mais Abby, contrairement à Henry, ne veut pas aller plus loin que quelques baisers. La situation dégénère rapidement et bientôt, les trois amies vont devoir lutter pour survivre…
Critique de Black Rock
Black Rock est le second long métrage comme réalisatrice de Katie Aselton après The Freebie (2010). Le film a été écrit par Mark Duplass, le compagnon de la cinéaste, et produit par Adele Romanski, une productrice indépendante que l’on peut voir au générique de The Myth of the American Sleepover (2010), de The Freebie que nous évoquions à l’instant, de l’amusante comédie horrifique Bad Milo (2013) et plus récemment du multi-récompensé Moonlight (2016).
Si The Freebie appartient au registre de la comédie romantique indépendante, Aselton explore ici un genre tout à fait différent puisque Black Rock est un pur survival, basé (comme souvent dans ce genre) sur une histoire très simple : trois amies partent en vacances dans un endroit isolé (une île dont l’emplacement exact n’est pas précisé dans le film), font une mauvaise rencontre et se retrouvent à devoir lutter pour leur survie.

Plus d’un cinéaste se vautre régulièrement en se frottant à ce genre cinématographique au fond ultra-balisé qui, justement parce qu’il adopte plus ou moins toujours des schémas similaires, exige de la rigueur et de la précision. Des qualités dont Aselton, Duplass et l’ensemble du casting ont su faire preuve ici.
La mise en place est plutôt soignée et permet de faire connaissance avec les personnages et quelques bribes de leur histoire commune. On s’attache rapidement à ce sympathique trio de trentenaires, d’autant qu’elles sont fort bien interprétées par Katie Aselton elle-même, Lake Bell (qui est également mannequin et réalisatrice) et Kate Bosworth.

La bonne idée du film est d’insérer le basculement dramatique au cœur d’une situation crédible : les trois amies ne tombent pas directement sur trois fous à lier, mais sur des chasseurs – anciens militaires – qu’on a de prime abord un peu de mal à cerner. La séquence de la soirée autour du feu nous fait peu à peu redouter le pire, puisque Abby (Katie Aselton) se montre très entreprenante avec le dénommé Henry (Will Bouvier), surtout après quelques verres de trop. Et ce dernier ne voudra pas entendre les « non » pourtant très clairs que la jeune femme lui opposera un peu plus tard, après quelques baisers échangés dans les sous-bois.

C’est à partir de là que la situation dégénère, ce qui renvoie bien évidemment à un phénomène hélas connu : Henry et ses amis incarnent le prototype de l’homme qui ne comprend pas qu’une femme puisse flirter tout en fixant des barrières quand bon lui semble. Là où le scénario est malin, c’est que le dit Henry semble au départ des plus sympathiques et « normal », ce qui donne d’autant plus de résonance au propos.

Black Rock met donc en scène un cas de violence masculine « ordinaire » envers les femmes, ce pourquoi la lutte qui suit a évidemment une dimension féministe, au-delà du simple fait qu’elle oppose des femmes à des hommes.
Une fois passé le tournant du film, le scénario suit les codes du survival sans grande créativité mais avec un visible souci de réalisme, à l’image de cette séquence assez longue où Abby et Lou (Lake Bell) déambulent nues dans la forêt, ayant retiré leurs vêtements mouillés pour éviter l’hypothermie. Non seulement les images soulignent le côté « retour à l’état sauvage » stimulé par l’instinct de survie, mais le geste est tout simplement logique en pareille situation – or bien des films auraient fait l’impasse sur ce « détail ». On retrouve un réalisme similaire dans les scènes de combat, où la mise en scène insiste sur la difficulté de tuer et de puiser suffisamment de violence en soi pour se défendre quand on est un citoyen (en l’occurrence une citoyenne) ordinaire.

L’efficacité des scènes de tension doit beaucoup à la justesse du jeu des comédiennes, dont les réactions et les émotions sont crédibles et authentiques. Le scénario a bien recours au cliché de la scène de réconciliation dont on se demande – comme toujours – ce qu’elle vient faire là vu le contexte (même si d’un point de vue dramatique, l’effet souhaité est évident), mais l’ensemble reste néanmoins solide, au même titre que la réalisation maîtrisée d’Aselton. On pourra toutefois regretter la caractérisation un peu simpliste des deux copains de Henry, qu’il aurait été intéressant de rendre plus ambigus ; manifestement, Mark Duplass s’est davantage concentré sur l’écriture des personnages féminins.
Bande-annonce
Black Rock est un survival modeste qui ne réinvente pas la poudre, mais son propos féministe, le talent des comédiennes et le soin apporté à la mise en scène font que le résultat est un divertissement honnête. Katie Aselton n'est pas repassée derrière la caméra depuis, en revanche Lake Bell signa l'année suivante (en 2013) la sympathique comédie féministe In a World, qui remporta un certain succès public et critique. De son côté, Kate Bosworth a récemment tenu l'un des rôles principaux dans Before I Wake (2016), de Mike Flanagan (auteur de l'excellent Absentia).
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