Film de Bridget Savage Cole et Danielle Krudy
Pays : États-Unis
Année de sortie : 2020
Scénario : Bridget Savage Cole et Danielle Krudy
Photographie : Todd Banhazl
Montage : Marc Vives
Musique originale : Brian McOmber, Jordan Dykstra
Avec : Morgan Saylor, Sophie Lowe, Annette O’Toole, Marceline Hugot, Gayle Rankin, Will Brittain, Skipp Sudduth
Give me some time to blow the man down!
Chant marin britannique
Blow the Man Down navigue habilement entre polar et comédie noire, sa principale force étant de nous faire sentir tout le poids d’un lieu et de son histoire sur les épaules de ses jeunes protagonistes.
Synopsis du film
Mary Beth (Morgan Saylor) et Priscilla Connolly (Sophie Lowe) viennent de perdre leur mère Mary Margaret. Elles vivent à Easter Cove, une petite ville portuaire du Maine.
Quand Mary Beth apprend qu’elles vont sans doute perdre la maison familiale, elle s’emporte et part seule, à la nuit tombée, boire des verres dans le pub local. Elle y rencontre un individu particulièrement louche, Gorski (Ebon Moss-Bachrach), avec lequel elle part en virée.
À partir de là, une série d’événements vont amener les deux sœurs à comprendre bien des choses sur l’histoire de leur mère, et plus généralement sur celle des femmes d’Easter Cove…
Critique de Blow the Man Down
Blow the Man Down fait partie de ces polars qui s’attachent avant tout à dépeindre un lieu et des personnages, et non à raconter une intrigue particulièrement complexe ou mystérieuse. Le film nous plonge dans l’atmosphère rude et glaciale d’un village portuaire fictif du Maine (État situé à l’extrême nord-est des USA), village dont l’histoire, évidemment sombre et dure, imprègne chaque séquence (tandis que les teintes gris-bleu privilégiées par le chef opérateur soulignent habilement l’omniprésence de la mer, élément qui joue un rôle crucial dans le récit).
Dès l’ouverture, des chants de marin (dont celui qui donne son titre au métrage), qui se feront entendre dans plusieurs scènes ultérieures, donnent le ton : les faits relatés sont directement liés à une tradition, à un passé qui résonne dans le vent salé et dans le bruit des vagues.

Passé que vont découvrir deux adolescentes endeuillées à la suite d’une mauvaise rencontre, et la manière dont elles vont composer avec cet héritage insoupçonné est au cœur du film.
Blow the Man Down a été écrit et réalisé par deux femmes (Bridget Savage Cole et Danielle Krudy, qui a travaillé notamment sur Black Swan) et si l’on songe parfois vaguement à un autre duo (celui que forment les frères Coen ; il semblerait d’ailleurs que le lieu de tournage soit proche de celui de Fargo), ce qu’elles proposent ici possède une vraie identité et présente une portée sociologique et féministe évidente : sans trop en dévoiler quant à l’intrigue, les épreuves que vont traverser Mary Beth et Priscilla sont en effet intimement liés à différentes formes de violence ciblant des femmes.

La caractérisation des personnages féminins (les hommes ont globalement des rôles plus secondaires) est d’ailleurs particulièrement soignée ; le piège du manichéisme est heureusement évité, y compris en ce qui concerne le personnage d’Enid (pourtant condamnable à bien des égards, celle-ci reste en effet complexe et ambiguë). Notons que ladite Enid est interprétée, avec brio, par Margo Martindale (vue dans 28 jours plus tard ou encore The Hours).
Martindale n’est pas la seule à bien jouer sa partition : le film bénéficie d’un casting féminin solide, composé notamment de Morgan Saylor (qui tenait un rôle important dans Jamie Marks is Dead), de Sophie Lowe et de June Squibb (comédienne de théâtre et actrice de cinéma connue notamment pour son rôle dans Nebraska, d’Alexander Payne ; elle tient par ailleurs un petit rôle dans Alice, de Woody Allen).

Bridget Savage Cole et Danielle Krudy filment très bien les différentes comédiennes, tantôt par le biais de beaux plans serrés sur leurs visages, tantôt via des plans très larges qui les mettent en scène dans un paysage rempli d’une histoire invisible. Invisible mais palpable, et c’est une des qualités d’un bon cinéaste que de faire ressentir au spectateur ce qu’il ne voit pas.
Blow the Man Down est un polar féministe aux parfums iodés qui raconte l'histoire d'un lieu, et son influence sur le destin de personnages, avec une vraie maîtrise narrative. Par ailleurs, en ces temps de confinement, ce film a aussi le mérite de nous faire voyager un peu...
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