Gérard Depardieu sera à l’affiche du prochain Chabrol, un polar intitulé Bellamy. L’acteur y tient le rôle d’un commissaire de police, aux côtés de François Cluzet (qui avait joué dans L’enfer du même Chabrol), Jacques Gamblin et Clovis Cornillac. Il s’agit de la toute première collaboration entre ces deux monuments du cinéma français – on espère donc naturellement un film à la hauteur de cette rencontre. La sortie est prévue pour février 2009. L’occasion, pour Citizen Poulpe, de revenir brièvement sur les parcours de ces deux génies du cinéma hexagonal.
Chabrol, une figure de la nouvelle vague
Claude Chabrol a été l’une des figures emblématiques de la nouvelle vague, à la fin des années 50, aux côtés, notamment, de Jean-Luc Godard et François Truffaut, avec qui il publia de nombreuses critiques dans Les cahiers du cinéma, créé en 1951. La nouvelle vague fut un mouvement particulièrement inspiré qui posa les bases d’une nouvelle grammaire cinématographique et témoigna d’une influence mondiale, y compris au sein du cinéma américain.
En 1969 et 1970, Chabrol réalise coup sur coup deux films qui font incontestablement partie de ses plus grandes réussites : Que la bête meure et Le boucher, tous deux avec Jean Yanne. Être abject dans le premier, assassin à la fois monstrueux et émouvant dans le second, l’acteur y livre les prestations parmi les plus saisissantes de sa carrière.
Chabrol a le don de filmer l’horreur avec une sobriété et un réalisme qui donne ce ton si particulier à ses films. Dans ses œuvres, la violence n’est jamais montrée avec emphase, ou une surenchère d’émotion ; au contraire, elle est souvent filmée comme n’importe quel autre événement du film, ce qui donne cette impression dérangeante qu’elle est sous-jacente, évidente, inévitable et inhérente au quotidien. En termes de réalisation, il incarne cette idée même selon laquelle la caméra est avant tout au service d’une histoire ; une fausse simplicité émane de sa mise en scène, en réalité d’une précision remarquable. Une leçon que de nombreux réalisateurs actuels devraient retenir…
Chabrol est également l’un des rares réalisateurs français à s’être essayé au fantastique, en signant Alice ou la dernière fugue en 1977, avec Sylvia Kristel (Emmanuelle) dans le rôle titre.
Peintre minutieux de la bourgeoisie, Chabrol réalise en 1995 son dernier grand film, La cérémonie, avec Isabelle Huppert, Sandrine Bonnaire et Jacqueline Bisset. L’année d’avant, il avait porté à l’écran un projet d’Henri Georges Clouzot (La vérité, Les diaboliques) avec L’enfer, un drame sur la jalousie avec Emmanuelle Béart et François Cluzet.
Depuis, Chabrol signe des films réussis, toujours parfaitement maîtrisés, souvent sur l’univers de la bourgeoisie (La fleur du mal). Il donne un beau rôle à Laura Smet dans La demoiselle d’honneur, en 2004. L’ivresse du pouvoir, inspirée de l’affaire Elf, est moins convaincant, tandis que La fille coupée en deux dresse un portrait de jeune femme juste et émouvant.
Gérard Depardieu : un acteur grandiose à la filmographie impressionnante
Depardieu fait partie de ces immenses – et rares – acteurs à être capables de se fondre totalement dans un rôle, tout en gardant cette stature, cet aura qui leur est propre. Il peut et a tout joué. Il est d’une trempe comparable à des acteurs comme Robert de Niro, capable d’un jeu d’une finesse et d’une sensibilité saisissantes. D’ailleurs, les deux hommes ont joué ensemble dans le meilleur film de Bertolucci, 1900, une œuvre majeure sur la montée et le déclin du fascisme en Italie, bénéficiant d’un casting incroyable (De Niro, Depardieu, Burt Lancaster, Donald Sutherland et Dominique Sanda) et d’une musique originale signée Ennio Morricone. Depardieu incarne un paysan, ami d’enfance d’un riche propriétaire (joué par De Niro).
Deux ans plus tard, il participe à un film peu connu, Les chiens, de Alain Jessua, qui surprend par son analyse extrêmement moderne de la paranoïa et de la violence dans les banlieues. L’année 1981 est un très bon cru, l’acteur jouant dans l’excellent polar Le choix des armes, de Alain Corneau, où il est saisissant dans son rôle de jeune voyou incontrôlable, et La femme d’à côté de Truffaut. Il suffit de revoir ces deux films pour constater à quel point l’acteur est capable de tout jouer : chien fou et violent dans le premier, amant sensible et passionné dans le second, il est à chaque fois d’une justesse et d’une vérité fascinantes. L’année suivante, il est la voix française de Travolta dans Blow out, de Brian de Palma, et les deux acteurs sont d’ailleurs amis depuis.
En 1985, Depardieu campe un flic humain, à la fois bourru et sensible, dans le superbe Police, de Maurice Pialat. Toujours avec Pialat, il livre une prestation remarquable dans Sous le soleil de Satan, palme d’or controversée mais largement méritée.
La liste de grands réalisateurs avec lesquels Depardieu a travaillé est impressionnante : Claude Sautet (Vincent, François Paul et les autres), Bertrand Blier (Les valseuses, Préparez vos mouchoirs, Buffet froid, Tenue de soirée, Trop belle pour toi), Pialat (Loulou, Police, Sous le soleil de satan, Le garçu), Alain Resnais (Mon oncle d’Amérique), Truffaut (La femme d’à côté, Le dernier métro), Corneau (Le choix des armes), Peter Weir (Green card), Godard (Hélas pour moi), Bertolucci (1900), etc.
Depuis quelques années, un peu à la manière des grandes stars américaines De Niro et Pacino, Depardieu joue dans des films plus mineurs – mais peut-on le lui reprocher? Le cinéma français est en déclin et les propositions intéressantes doivent sans doute se faire plus rares. Certes, on loue son rôle de caïd dans le diptyque Mesrine, du pâle Jean-François Richet (Ma 6T va craquer, quelle référence), mais ce film même est emblématique de l’actuel cinéma hexagonal : salué par la critique et par le public, Mesrine est du niveau d’un téléfilm à gros budget.
Nul doute que Chabrol lui a donné un rôle à la mesure de son immense talent dans Bellamy, un film que l’on espère à la hauteur de cette rencontre au sommet entre l’un des meilleurs réalisateurs français vivant, et le meilleur acteur français tout court.
Un commentaire
Nul doute que ce film, de Claude CHABROL fera parlé de lui. Gérard DEPARDIEU, apparait comme un empereur dans les scènes primordiales du film, Michel THIRIET a paufiné les prises de vues, avec un obturateur cinéma, permettant de favoriser la douceur de la lumière.
J’ai eu l’occasion de « jouer la petite souris » sur le tournage, et d’assister au réglage caméra, que Claude souhaitait pour « renforcer » l’histoire criminelle de son film.
Utilisant les décors naturel d’une ville du midi (Nîmes), il s’est joué des nuages et des averses, tout au long de son parcours de réalisateur, le film a nécéssité 10 semaines de tournage entre Nîmes et Sète.
La technique des contre champs, travellings, plans continus & caméra embarquée pour les « road-movies » donneront à cette histoire, une force à l’énigme du film, qui d’après les critiques se démarque du style habituel de son créateur.
Claude CHABROL, présentera son long métrage, à Nîmes en présence de Gérard qui retrouvera Sophie RIGON, l’amie des stars et des réalisateurs (organistrice du festival, un réalisateur dans la ville).