Film de Maurice Pialat
Année de sortie : 1985
Pays : France
Scénario : Catherine Breillat, Sylvie Danton, Jacques Fieschi et Maurice Pialat, d’après une idée originale de Catherine Breillat
Photographie : Luciano Tovoli
Montage : Yann Dedet
Avec : Gérard Depardieu, Sophie Marceau, Richard Anconina, Sandrine Bonnaire, Pascale Rocard, Jonathan Leïna, Frank Karaoui, Meaachou Bentahar
Mangin : T’as quel âge ?
Lydie : 19.
Mangin : Oh ? T’as 19 ans et tu crois pas à l’amour ?
Avec Police, Pialat investit l’univers du polar pour dépeindre un quotidien chargé de résignation, où plus rien ne semble possible. Le résultat est un film souvent amer, mais très beau.
Synopsis de Police
L’inspecteur Mangin (Gérard Depardieu) enquête sur un trafic de drogue dans le quartier de Belleville, à Paris. Il arrête Simon (Jonathan Leïna), un suspect, en compagnie de sa compagne Noria (Sophie Marceau).
D’abord soupçonnée de complicité, Noria est rapidement libérée. Mais la jeune femme a dérobé de l’argent à l’entourage de son ex-petit ami, désormais en prison…
Critique du film
Catherine Breillat, qui a cosigné le scénario de Police, raconte qu’elle évoquait parfois, avec Maurice Pialat, le phénomène d’ellipse cinématographique, faisant référence au fait que de nombreux films ne montrent pas tel ou tel événement car il n’influe pas directement sur sa trame dramatique – ne fait pas concrètement avancer l’histoire.
Police prend à contre-pied ce parti pris en s’attardant, comme souvent chez Maurice Pialat, sur des scènes de vie, qui ont davantage vocation à dépeindre des personnages dans leur environnement social, géographique et culturel qu’à entretenir la tension que l’on pourrait attendre d’un film de genre (policier, en l’occurrence). Loin de toute forme de manichéisme, Pialat filme donc des hommes et des femmes « ordinaires », mêlés à une banale affaire de drogue et d’argent, et raconte une histoire d’amour entre un flic et une délinquante qui se termine avant d’avoir réellement commencé – parce qu’écrasée par le poids du quotidien, par le passé des personnages et par leur incapacité à évoluer (J’ai toujours menti
, avoue Noria à Mangin).
Police est ne photographie urbaine montrant des êtres qui n’arrivent pas à construire, à avancer ; à rêver même, comme le souligne cette phrase significative de Noria : Je me sens moche, j’ai l’impression de pas avoir de vie devant, j’ai l’impression d’un gâchis
. Mangin est un peu plus optimiste : il veut croire mais se heurte à la réalité et, quelque part, à une phrase implacable de l’écrivain Jacques Chardonne, qu’il cite dans une scène du film : Le fond de tout est horrible
.

Tout sonne vrai dans Police : le quartier de Belleville, l’atmosphère du commissariat, les blagues roublardes de Mangin (Gérard Depardieu), l’attitude des policiers, les dealers, l’avocat (Richard Anconina), la prostituée (Sandrine Bonnaire), la jeune paumée (Sophie Marceau)… Sans doute parce que de nombreux personnages du film sont inspirés de personnes réelles, et que Maurice Pialat, et les autres scénaristes du film, ont évité toute forme de dramatisation, de jugement ou de romantisme, privilégiant une approche réaliste et nuancée.
La crédibilité et la justesse du film sont telles que celui-ci est d’ailleurs presque systématiquement évoqué dès que sort un film français plus ou moins comparable dans son sujet et sa démarche ; comme par exemple Le Petit lieutenant (2004), de Xavier Beauvois.

Pialat aimait laisser tourner la caméra, filmer les dialogues en plan séquence pour mieux capter l’instant avec son rythme, ses silences. Les scènes d’intimité entre Depardieu et Marceau fonctionnent remarquablement bien pour cette raison, et grâce bien entendu au jeu (excellent) des deux comédiens. Leurs échanges sont révélateurs à la fois de leur désir enfoui de changement (ou de retrouver une certaine innocence, comme dans cette scène où Mangin évoque ses flirts d’adolescents) et de la lassitude que leur inspire un quotidien sans but. Ces personnages semblent porter en eux l’idée obstinée que rien ne peut vraiment changer, qu’il ne peut plus rien arriver de beau. Police ne dépeint pas un univers sordide ou tragique, mais un monde balisé, gris, répétitif, où les policiers, dealers, avocats semblent tous enfermés dans un rôle écrit à l’avance.

La prestation de Sophie Marceau est probablement l’une des plus remarquables de sa carrière (elle évoquera, plus tard, un tournage difficile). Quant à Gérard Depardieu, dont c’était la seconde collaboration avec Pialat après Loulou (il jouera ensuite dans Sous le soleil de Satan et Le Garçu), il donne corps à ce flic ordinaire, souvent trivial, parfois violent, mais également sensible et rêveur.
Un homme seul, sans stature particulière, juste
un homme, sur le visage duquel le dernier plan du film se fige, avec une belle musique d’Henryk Górecki (La symphonie des chants plaintifs) en fond sonore. Perdu, désemparé, il regarde vers là où tous les personnages de Police semblent aller : nulle part.
À une différence près : pendant quelques instants, il y aura cru…
La symphonie des chants plaintifs
Voici le morceau utilisé par Maurice Pialat à la fin de Police. Il s’agit d’une symphonie composée par le polonais Henryk Górecki, intitulée La symphonie des chants plaintifs
(Symfonia pieśni żałosnych
en polonais). L’atmosphère triste et mélancolique du thème renvoie bien sûr à celle du film et notamment à l’état d’esprit du personnage de Mangin dans le plan final.
Vidéo : sur le tournage de Police
Le site www.ina.fr propose une vidéo très intéressante dans laquelle Maurice Pialat dirige Gérard Depardieu et une jeune inspectrice de police (Pascale Rocard) qui interprète plus ou moins son propre rôle : Pialat, 17ème jour de tournage du film Police.
D'une justesse saisissante aussi bien dans sa manière de dépeindre l'environnement que de filmer les scènes d'intimité, Police est un film dont les personnages, empêtrés dans leur quotidien, ne savent plus vers où regarder. Dans ce contexte, le couple Gérard Depardieu/Sophie Marceau ne produira qu'une étincelle, un murmure qui se terminera dans une plainte ; celle qu'évoque la musique d'Henryk Górecki.
6 commentaires
A propos de la dernière image du film, en fait, le personnage de Depardieu regarde sa femme de ménage, scène coupée au montage, seul le regard a été gardé. La justesse du film tient beaucoup aussi au fait que de vrais policiers et de vrais truands figurent dans le film, comme la petite fliquette que Depardieu surnomme « lsd », qui est une vraie fonctionnaire de police.
Pialat avait déjà utilisé des non-professionnels dans » Passe ton bac d’abord », en 1978. Comme tout ce petit monde est parfaitement dirigé, il en ressort un réalisme cru. Le décor scrupuleusement reconstitué, le son direct, parfois d’ailleurs, les acteurs sont inaudibles, comme le truand poignardé, sur son lit d’hôpital, mais qu’importe, c’est la maestria de Maurice Pialat de ne jamais nous ennuyer un instant.
Quant à Catherine Breillat, même si elle est créditée au générique elle a, me semble-t-il, claqué la porte assez tôt sur ce projet, en tout cas c’est ce qu’elle dit avoir fait suite à une mésentente avec Pialat. (Cf.dvd Police, en bonus, interwiew de Catherine Breillat).
Il y a effectivement eu mésentente entre Breillat et Pialat, mais je pense qu’elle a beaucoup apporté au scénario et le personnage de Noria lui doit beaucoup.
Je suis fasciné par ce film que j’ai vu une bonne vingtaine de fois. Je me souviens avoir été scotché la 1ère fois par la scène d’introduction (celle de l’interrogatoire) qui est à la fois lente et trés énergique. La vision pessismiste-réaliste du film me plait aussi car on ne voit que très rarement une telle vision des choses au cinéma. Enfin, d’après ce que j’ai compris, Maurice Pialat était un bourru atrabilaire, jamais dans l’artifice, qui en voulait toujours un peu à la terre entière… cela cadre parfaitement avec ces films, « vrais » et attachants.
Pialat mélomane et peintre ; le meilleur réalisateur français d’après-guerre ? Sans doute, quitte à gifler Sophie Marceau.
bonjour,j ai adoré,revoir ce film,des acteurs et, actrices , supers…..purs, et émouvants….on les aime toujours….
Oui, je suis d’accord, les comédiens sont tous excellents dans ce film, ça sonne tellement vrai !